Mobilisations contre les usines de puces et l’extractivisme

[pompé sur oclibertaire]

Pour lutter contre la numérisation de nos vies, les pollutions et destructions provoquées par l’extractivisme et les usines de puces, l’utilisations de nouvelles technologies dans les industries de la mort, il est important à la fois de débattre et de manifester.
Nous allons revenir sur des rassemblements et manifestations récentes qui ont eu lieu dans différentes régions. D’ampleur variable, elles se complètent bien et sont l’occasion de convergences de luttes.

De l'eau, pas des puces

Les rencontres
L’association Stop Micro organisait à Grenoble du 28 au 30 mars, avec les Soulèvements de la Terre, un colloque et des rencontres, suivis d’une manifestation. Le colloque a évidemment porté en partie sur les usines de puces électroniques, leur consommation pharamineuse d’eau, leur rejet de polluants, leur voracité territoriale. Il a aussi été question de l’usage de ces puces dans le domaine militaire, et en particulier leur utilisation par Israël contre les populations palestiniennes.
Le vendredi, une place importante a été consacrée à l’extractivisme, avec des intervenants internationaux (Québec, Argentine, Congo, Portugal). Le débat sur l’extractivisme en Amérique a bien montré le rapport entre le colonialisme, le mépris des peuples autochtones et l’exploitation minière. Il a montré les difficultés auxquelles les populations concernées font face pour se défendre. Le débat sur le Congo a permis d’éclairer le rapport entre l’extractivisme et la guerre civile.
Un autre intérêt de ces rencontres a été la richesse et la diversité des échanges lors de la journée du samedi. Le village des associations et des collectifs rassemblait des dizaines de groupes sous des barnums. Cela permettait aux uns et aux autres de transmettre des informations sur ses propres actions, de diffuser brochures et ouvrages. Y étant venus du Limousin pour le Comité 15 juin, nous n’avons pas regretté d’avoir fait le déplacement.
On peut seulement regretter deux points. Le premier, c’est le sous-dimensionnement des locaux qui n’a pas permis à l’ensemble des participant·es d’assister aux débats qu’ils auraient souhaité. Le second, c’est les divergences qui sont apparues au sein de Stop-Micro suite au choix (majoritaire) de coorganiser ces journées avec les Soulèvement de la Terre. Une partie des membres de Stop-Micro se sont senti dépossédé·es de leur lutte ; ils et elles ont pu l’exprimer, en particulier par une banderole spécifique lors de la manifestation du dimanche.

La manifestation
La manifestation été volontairement déclarée comme festive avec déguisements, fanfare et batucada, clowns, chansons, et présence de Bassines Non Merci avec leur loutre… Elle s’est déroulée dans la zone industrielle de Bernin et de Crolles, là ou les usines STmicro et Soitec veulent étendre leur emprise sur des terres agricoles pour produire toujours plus de puces. La négociation avec les autorités avait dû porter ses fruits pour que tout se passe dans le calme : un encadrement policier conséquent, avec fouilles d’une partie des véhicules à l’arrivée, mais pas de recherche de blocage ou d’affrontement.
Il faut préciser que l’enjeu n’était pas de boquer un projet imminent ; il s’agissait de rappeler notre opposition à des projets d’extension de ces deux usines qui sont déjà suspendus. Un moment fort de la fin de la manifestation a été l’érection d’une vigie en bois dans le champ de l’agriculteur menacé par le projet d’extension de Soitec.
La manifestation a rassemblé près de 3000 personnes et a été assez longue du fait des arrêts multiples. Pendant ce week-end, de nombreuses banderoles et collages spectaculaires ont été déployés à Grenoble et dans son agglomération. Evidemment, le maire de Grenoble n’a pas pointé le bout de son nez ; ce prétendu écologiste est favorable aux industries électroniques.

Une action parallèle.
Pendant que la manifestation focalisait l’attention de la police sur Crolles et Bernin, un autre groupe menait une action de désarmement d’une autre usine de puces électronique, Télédyne e2v, à Saint-Egrève, de l’autre côté de la métropole iséroise. Cette usine produit effectivement des puces utilisées par l’armée israélienne. Ce groupe d’intervention, baptisé pour l’occasion CEA (Comité Essentiellement Antipuces), a réussi à pénétrer sur le site, couper des câbles d’alimentation, et redécorer la partie accueil à la peinture rouge.

Manifestations contre l'extractivisme

Le quartz à Thiviers
La manifestation « Gardarem Razac », le 29 mars à Thiviers (Dordogne), contre l’extension de la carrière de quartz exploitée par Imerys à Razac, au lieu-dit Pierrefiche, a réuni 250 personnes. Le parcours partait du centre-ville de Thiviers, où était organisée une diffusion de tracts sur le marché avec spectacle, puis marche de 6 km jusqu’à Pierrefiche site de la carrière en cours d’extension. La manifestation s’est terminée par un simulacre de procès d’Imerys.
Des collectifs d’un peu partout en France étaient présents ; ils luttent également contre l’exploitation par Imerys de « minéraux de spécialité » (plutôt pas des métaux) sur leur territoire : stop mines 03, contre la mine de lithium, le collectif contre l’extractivisme 03-63, le collectif Nouvialle (Cantal) luttant contre un projet de carrière de diatomite et pour la défense de la narse de Nouvialle, zone humide menacée , stop mines 87-24 (voir ci-dessous), le collectif de Glomel (Côtes d’Armor) luttant contre l’ouverture de la fosse 4 de la carrière d’andalousite. S’en est suivi un intercollectif pour discuter de la stratégie à tenir dans la lutte contre Imerys.

Le tungstène en Ariège
Une assemblée contre les projets miniers en Ariège et ailleurs se réunit depuis le 15 décembre 2024, à peu près mensuellement, pour lancer la lutte contre la reprise de l’exploitation minière de tungstène en Ariège. S’y réunissent des individus ainsi que les membres de l’association Stop Mines Salau. Le 18 avril, une lettre du préfet de l’Ariège, a informé que la demande de permis exclusif de recherche déposée par la société Néométal était recevable, et donnera lieu à une consultation publique d’ici l’été. La demande concerne des joyeusetés telles le tungstène (utilisé comme durcisseur d’alliages métalliques dans les têtes d’obus, les blindages de véhicules militaires… les pointes de bâtons de marche), mais également l’or, le cuivre, l’étain, le bismuth, le molybdène, le zinc, le plomb, l’argent… le tungstène a déjà été exploité jusqu’en 1983 à Couflens au lieu-dit Salau, et ayant laissé 1 000 000 de m3 de déchets pollués dans la vallée du Salat, causé la mort de plusieurs personnes travaillant dans la mine par contact avec l’amiante présent naturellement dans la roche exploitée.
La surface concernée par ce nouveau permis s’étend sur 4 communes et s’étend sur près de 100 km².
Une grande manifestation contre les projets miniers en Ariège et ailleurs est appelée le 24 mai à 14h30 à Foix par l’assemblée de lutte.

L’or en Haute-Vienne
4 permis d’exploration sont en cours en Haute-Vienne et Dordogne : ceux de la CMA (Compagnie des mines arédiennes) et celui d’Aurélius Ressources. Derrière ces deux compagnies canadiennes (qui veulent se faire passer pour locales), les mêmes personnes. Les permis totalisent une surface de 400 km²… pour l’Or, mais aussi tout le cortège métallique l’accompagnant (argent, antimoine, tungstène, étain, molybdène, lithium, niobium, tantale, cuivre, zinc, plomb, nickel, bismuth, béryllium, cobalt, germanium, indium, platine, terres rares. Les forages géologiques d’exploration ont démarré en mars, et la Société d’industrie minérale est venue faire une réunion d’étude à l’ancienne mine d’or du Bourneix, au Chalard le même mois. Face à cette accélération, une manifestation a eu lieu le 25 mars au Chalard pour informer les participants à la réunion de la SIM que l’exploitation minière n’était pas la bienvenue. Le 19 avril à Saint Yrieix a eu lieu une nouvelle manifestation contre le lancement des forages d’exploration sur le site de Lauriéras. Elle a rassemblé malgré la pluie 350 personnes, habitants locaux, agriculteurs et soutiens venu du reste du département. Le collectif Stop Mines avait fait le choix de faire une manifestation « citoyenne » calme et sans trop de radicalisme pour rassembler largement. La grande majorité des manifestant·es étaient cependant des militant·es, et étant donné le temps, nous n’avons pas croisé beaucoup de « citoyens » de Saint-Yrieix.

ADMC

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Allemagne : deux ans de « Switch Off » – un bilan d’étape

[pompé sur Sansnom]

[Pour qui n’aurait pas suivi leurs activités, on pourra aussi relire avant la traduction de leur bilan ci-dessous, celle de leur brochure parue il y a un ans : Switch-Off, interventions radicales contre la destruction de la planète. Documentation, analyses et discussion, (traduit de l’allemand), septembre 2024, 80 pages A4]


Deux ans de Switch-Off – un bilan d’étape
(Traduit de l’allemand de Switch off, 16 avril 2025]

Cela fait deux ans que nous avons pris la parole pour la première fois. Cet appel a été écrit en plein milieu du débat stratégique en cours dans le mouvement pour le climat. A l’époque, après les occupations de forêts de Hambi, Danni, et dans la suite directe de Lützerath, le potentiel des actions de masse semblait pour beaucoup épuisé. Dans le contexte de ces actions de protestations et autres actions de masse, nous avons voulu proposer un projet mettant l’accent sur des actions directes décentralisées.

A ce moment-là, le regard porté sur l’effondrement climatique et la peur face à cette menace, nous ont fait considérer l’urgence d’apporter des méthodes radicales et d’intensifier des pratiques révolutionnaires au sein du mouvement pour le climat.

Nous avons formulé des perspectives anti-étatiques, autonomes et anarchistes de sabotage, et nous voulions les mettre en œuvre plus fortement dans ce contexte.

Quant aux contenus, nous nous sommes concentrés sur une analyse anti-coloniale et critique de la technologie. Nous avons été inspiré.e.s par les luttes autochtones et leurs pratiques de résistance contre l’exploitation (néo) coloniale et la destruction de leurs territoires. L’exploitation coloniale fait non seulement partie de l’histoire idéologiquement raciste de l’Occident, mais elle continue à être partie prenante des velléités d’expansion économiques et impérialistes de grandes entreprises comme la Deutsche Bahn avec le méga-projet Tren Maya. Avec notre analyse et avec notre appel, nous nous sommes placés solidairement du côté de luttes aux quatre coins du monde. La destruction constante de la terre nous a montré la nécessité d’attaquer les infrastructures industrielles, et les possibilités que cela offrait de renforcer une prise en compte internationale de ces luttes.

A ce moment-là dominaient alors du côté de l’État les propositions pour un Green New Deal, tandis que la propagande des entreprises tentait de nous vendre la mobilité électrique et la numérisation comme solutions et comme perspectives utopiques ; les dominants promettaient hypocritement au mouvement pour le climat de faire les pas nécessaires pour atteindre l’objectif des 1,5 degrés.

Dans cette situation imbriquant effondrement du climat, autoritarisme croissant dans le monde, et changement de stratégie du mouvement pour le climat, nous avons appelé sous le slogan « Switch-Off the system of destruction » à nous mettre en lien, et à placer nos luttes et nos actions dans un contexte commun.

Retour sur deux années de pratique

Il s’est passé beaucoup de choses au cours de ces deux années. L’appel a été largement reçu, et beaucoup y ont fait référence avec leurs actions. Leur éventail a été varié, s’étendant d’attaques concrètes contre l’industrie automobile (-électrique) et le sabotage d’infrastructures importantes telles que le rail et les réseaux électriques, à des actions contre des projets de construction des grands profiteurs de la dévastation de la nature comme l’industrie du ciment, les travaux routiers et l’exploitation du lignite. En outre, des acteurs et des voies d’approvisionnement de l’industrie de l’armement ont été pris pour cibles.

De nombreuses actions ont été menées en solidarité avec des luttes hors d’Europe. Des attaques contre des véhicules, des bureaux et des infrastructures de la Deutsche Bahn, contre Siemens ou contre le consulat du Mexique à Hambourg ont en particulier fait référence au projet de Tren Maya. Des mots et des actes ont apporté proximité et joie, rencontrant un écho dans différents endroits du monde et se mettant concrètement en lien par l’initiative Switch-Off. Une telle inspiration et des relations internationales de solidarité se retrouvent par exemple dans :

Les luttes contre l’industrie du ciment et du béton qui pillent la terre et empoisonnent les eaux sur le territoire d’Abya Yala. Les attaques contre des géants du béton en France et en Allemagne ont montré que des actions bien ciblées peuvent aussi bien enflammer des luttes locales qu’avoir un impact international.

Les actions contre le grand projet de ligne [ferroviaire] de Botnie Septentrionale dans le Nord de la Suède, sur le territoire des autochtones Sami, qui voient leurs terres morcelées et les matières premières expédiées à échelle industrielle vers les usines de transformation verte.

Les mouvements de protestation persistants contre l’exploitation du charbon, que ce soit dans le bois de Sünden jouxtant la mine à ciel ouvert de Hambach, ou sur les territoires des Yukpa en Abya Yala.

Ou dans les attaques contre le pipeline Coastal Gaslink sur les territoires des Wet’suwet’en, et celles qui s’opposent à ce même projet en Allemagne.

Dans le texte « Le conflit à Abya Yala et sa proximité avec Switch-Off », il est dit à ce propos :

« Vus nos points communs et nos particularités, et étant données les urgences et les besoins qui nous appellent à agir, il nous semble approprié de mettre en lien les actions contre la machinerie du pillage du continent et de la terre avec la campagne „Switch Off!“, afin de renforcer nos luttes et d’approfondir le combat contre l’existant et son caractère historiquement internationaliste, pour rendre visible dans le monde entier la nécessité urgente de refuser en pratique cette réalité, avec tous les moyens à notre disposition et de montrer par des actions qu’il est possible de la combattre, de renvoyer la destruction à la gueule des principaux responsables et auteurs de ces conditions, et aussi pour montrer qu’il est possible d’embrasser une vie digne, rompant avec la misère dans laquelle ils veulent nous étouffer et nous ensevelir. »

Le fait que des actions en provenance de l’espace germanophone aient été perçues, que l’appel ait aussi été discuté internationalement, avec parfois une participation au travers d’actions, nous a donné une joie et un courage incroyables. Les deux dernières années nous ont montré une fois de plus que la lutte internationaliste contre cette misère n’est pas une chose abstraite, mais qu’elle s’exprime dans des luttes et des attaques concrètes.

Pourtant, quelle que soit la joie procurée par ces nombreuses actions aux multiples facettes, nous pouvons observer que les grandes protestations et mobilisations pour le climat ont diminué au cours des dernières années dans l’espace germanophone. Dans le même temps, la répression contre les actions de blocages et de désobéissance civile s’est extrêmement durcie, ce qui a certainement joué dans ce recul.

La question écologique semble avoir disparu de la conscience à différents niveaux. Sans vouloir occulter les rapports d’exploitation au sein des sociétés occidentales, il est clair que nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les « masses » se mettent en mouvement dans un avenir proche, car une grande partie de la population des centres capitalistes ne veut pas perdre ses privilèges.

Cependant, il est apparu que des actions directes continuelles ne provoquent pas que des dégâts matériels, mais peuvent aussi alimenter une force et une dynamique par-delà les frontières (étatiques).

L’objectif était d’ouvrir un débat – est-ce que ça a marché ?

Switch-Off a appelé à remettre en question, à saboter et à attaquer durablement l’infrastructure du capitalisme. Durablement, dans le sens de la destruction sur la durée et à long terme d’infrastructures industrielles, et de manière diverses, dans le sens de l’emploi de plusieurs sortes de moyens. Nous constatons qu’une partie des attaques reprenant ce slogan ont été empreintes d’une dimension spectaculaire, d’une grande finesse et d’une forte conviction, mais n’ont guère témoigné d’une diversité de moyens et d’une reproductibilité assez simple. Le problème de l’appel et des pratiques qui ont suivi a été, et reste donc, l’isolement partiel dans le cadre des luttes radicales. On a besoin de techniques subversives reproductibles. Les formes d’actions ne doivent pas être réservées à un groupe exclusif possédant déjà les connaissances et les instruments pour réaliser ces sabotages. C’est pourquoi nous pensons que des espaces sûrs doivent se multiplier pour parler de formes d’actions offensives, partager des compétences et se soutenir. Les connaissances sur les infrastructures critiques et les manières de les détruire doivent être rendues plus accessibles. C’est plus facile à dire qu’à faire. Les moments d’actions offensives spectaculaires menées en commun, lors de mouvements de masse et de rencontres comme à Lützerath sont importants, marquants et créent souvent un point de jonction vers la politisation, la mise en réseau et une pratique politique diversifiée. Mais nous ne pouvons pas attendre ce genre de grands événements. Nos discussions doivent aussi avoir lieu en dehors de ces moments.

Ces dernières années, le mouvement pour le climat a perdu beaucoup de son importance. Alors que les occupations de forêts, de villages et de routes étaient autrefois « le point focal numéro un » et attiraient les calomnies des politiciens, des grandes entreprises et de la presse, le changement climatique a désormais été évincé de l’actualité et de la conscience collective par les dernières guerres en date, les crises économiques et le débat raciste sur la migration.

Pourtant, il y a des développements actuels qui, dans le champ de tension entre les luttes écologiques et la fascisation croissante, montrent des perspectives de résistance. C’est par exemple le cas avec les protestations à Grünheide contre la Gigafactory de Tesla et l’attaque incendiaire du groupe Volcan, qui a certainement fait irruption dans beaucoup de discussions autour de la table de la cuisine, démontrant une fois de plus à quel point l’action directe peut être efficiente. Les attaques contre Tesla, qui ont déjà probablement retiré de la circulation des centaines de ces bagnoles dans différents endroits du monde, montrent actuellement l’énorme force qui peut émaner d’actions directes, d’attaques, de sabotages, de textes et de gestes de rébellion de toutes sortes, quand tout cela est mis en lien.

Jusqu’à un certain point, nous avons certainement réussi à mettre sur la table l’action directe et le sabotage dans le débat stratégique du mouvement pour le climat, en tant que méthodes de lutte contre la destruction de la planète. Mais il est difficile d’en déterminer les effets. Certaines actions et communiqués ont aussi connu un certaine diffusion au-delà du mouvement, mais ils se heurtent aussi socialement à un backlash général.

Switch-Off dans le contexte de la fascisation,
de la militarisation et de la politique des frontières

Les prévisions d’aggravation des crises globales les plus diverses se sont presque bousculées au portillon.

Depuis le 17 février 2022, la deuxième invasion de l’Ukraine par la Russie s’est intensifiée. Après le massacre du 7 octobre 2023, Israël a lancé sa guerre destructrice contre la bande de Gaza, le Liban et la Syrie. Avec encore d’autres guerres de haute intensité au Congo, au Kurdistan, au Yémen, au Myanmar, au Soudan, se dessinent une militarisation générale et une augmentation des conflits militaires.

Les politiques reconnaissent, utilisent et alimentent cette dynamique. En reprenant le refrain bien connu de l’absence d’alternative, ils nous offrent une perspective bien émoussée : en un temps où la guerre mondiale menace, il serait plus important de se replier sur soi-même, d’être capable de se défendre, et d’assurer sa propre suprématie. Ce faisant, ils utilisent une rhétorique qui présente des parallèles éloquents avec la guerre froide et tentent de diviser le monde entre bons et mauvais dirigeants. Cette logique militaire se retrouve aussi en ce qui concerne la manière de surmonter d’autres crises. Elle consiste expressément à garantir des ressources par des moyens guerriers. La « question de la défense » est efficacement et manifestement utilisée pour faire passer à la trappe tous les autres conflits sociaux.

Le deuxième gouvernement Trump montre actuellement à quelle vitesse des acquis (réformistes) obtenus par une lutte qui a duré des décennies peuvent être simplement jetés par-dessus bord. On assiste à un retour de bâton patriarcal massif, qui aimerait détruire ce pour quoi les mouvements antiracistes, les féministes et les queers se sont battu.e.s depuis des dizaines d’années. Quelques maîtres dans ce monde ont le pouvoir d’abolir « des droits humains » comme le droit à l’avortement, à l’auto-détermination de son genre, à l’objection de conscience, le droit d’asile, etc. Cette fragilité montre la dépendance massive vis-à-vis de l’État, et met en évidence qu’il n’y a pas, et qu’il ne peut y avoir, de dignité humaine universelle dans le cadre des rapports existants. Les « droits humains » ne sont que de simples concessions de la part de l’État. La situation actuelle montre clairement que, même lorsqu’ils ont été obtenus au prix de durs efforts et du sang, les droits civiques sont au mieux un pari sur le temps, et ne peuvent donc pas être l’objectif de nos luttes.

Cette fascisation s’observe dans le monde entier. Partout, des forces fascistes et autoritaires se renforcent et arrivent au pouvoir. Les partis bourgeois rivalisent dans leur politique raciste aux frontières, et la répression sociale contre les personnes pauvres, stigmatisées et handicapées par le système ne cesse d’augmenter. Les gouvernements qui agissent de manière toujours plus autoritaire sont issus de l’« ancien centre bourgeois » qui a tenté de dépasser sur leur droite les populistes d’extrême-droite.

Parallèlement, la militarisation et le réarmement de l’armée et des frontières évoqués plus haut sont présentés comme inévitables. Partout, une guerre croissante est menée contre les personnes déplacées par les catastrophes. Elles sont toujours plus la cible de la propagande fasciste et de la politique migratoire raciste.

Conflits pour les ressources.
Secteur clef de l’industrie des puces électroniques

Les États et les entreprises exigent toujours plus ouvertement que les ressources soient sécurisées militairement. Il ne s’agit pas seulement de lithium et de terres rares, mais aussi des emplacements pour des industries-clé à forte valeur. L’intelligence artificielle est noatmment considérée comme un de ces éléments : une technologie qui serait inconcevable sans la puissance de calcul des microprocesseurs les plus modernes. Ces derniers sont conçus par Nvidia dans la Silicon Valley et fabriqués par TSMC et d’autres exclusivement à Taïwan (avec des machines d’exposition uniques au monde fabriquées par ASML à Eindhoven). Les Etats-Unis et l’UE investissent actuellement beaucoup d’argent pour développer une industrie « nationale » de puces électroniques – l’objectif étant de s’assurer la suprématie technologique face à une Chine proclamée « rival systémique ». La fabrication de puces électroniques nécessite des terres rares et beaucoup d’énergie.

Afin de réduire la dépendance aux importations, la nature est exploitée encore plus intensément à la périphérie européenne. L’opposition locale à la mine de Jadar du groupe anglo-australien Rio Tinto en Serbie a mis en évidence le déséquilibre des pouvoirs au sein de l’Europe. Alors que la résistance contre la mine avait été couronnée de succès et que le projet avait été annulé, Olaf Scholz s’est personnellement rendu à Belgrade pour impulser la reprise du projet. En effet, les constructeurs automobiles allemands ont besoin de lithium pour leurs voitures électriques. Cette dynamique est la même que dans d’autres projets liés au lithium au Portugal, et dans différentes mines chez les Sapmí. Mais la hausse de l’exploitation minière ne se limite aucunement aux marges de l’Europe, au contraire, des gisements sont également recherchés en son centre, et les possibilités de résistance sont donc infinies.

Un exemple évident de toute la brutalité de l’exploitation occidentale des ressources a été notamment fourni par les conditions posées par les États-Unis pour continuer à soutenir militairement l’Ukraine :

„[Ainsi] le sénateur républicain [Lindsey Graham] de Caroline du Sud a déclaré pourquoi l’Occident devrait absolument gagner la guerre en Ukraine : le pays serait une « mine d’or ». Rien que dans les territoires occupés par la Russie se trouveraient des matières premières critiques d’une valeur de douze billions de dollars américains. « Je ne voudrais pas laisser cette manne à Poutine pour qu’il se la partage avec la Chine […] Si nous aidons l’Ukraine maintenant, elle pourra devenir le partenaire économique dont nous avons toujours rêvé ».“

Depuis leurs débuts, les microprocesseurs constituent une technologie militaire importante. Il faut donc voir les usines de puces électroniques prévues comme faisant partie du nécessaire décloisonnement économique en vue des préparatifs de guerre. Mais les technologies-clef ne jouent pas uniquement un rôle déterminant dans l’entrelacs géopolitique du climat et de la guerre. De plus en plus de technologies clés à usage « civil » et « militaire » sont produites par de petites start-ups. Celles-ci se donnent souvent une image de modernité et de progrès. Elles se vantent de contribuer à un avenir écologique respectueux de l’environnement. Elles omettent volontiers que ces mêmes technologies contribuent aussi excellemment à l’industrie de l’armement, et sont utilisées pour tuer.

Ou alors, les entreprises d’armement deviennent tout de suite des « woke » et, avec un cynisme à peine croyable, se voient attribuer un vernis vert. Ainsi, il existe déjà des munitions biodégradables, une production « durable » de missiles et il semble que ce ne soit plus qu’une question de temps avant que le premier char électrique ne sorte des chaînes de production. Là où le gaz et le charbon étaient autrefois les industries décisives, l’IA et la haute technologie sont désormais les ressources déterminantes. En interconnexion fine, différentes entreprises et start-ups travaillent de concert, constituant une industrie de l’armement technologiquement évoluée, et composée de chaînes complexes d’approvisionnement.

D’une certaine manière, prenons aussi cela comme une chance dans la lutte contre cette industrie technologique de l’armement. Car des technologies clés de plus en plus spécialisées dépendent aussi davantage de chaînes d’approvisionnement de plus en plus diversifiées. Et c’est précisément là que nous voyons le potentiel de provoquer des interruptions et d’attaquer la production de petites start-ups.

L’IA comme technologie-clé et arme de guerre

La plus grande et la plus relevante de ces technologies clés est sans doute l’IA, dans laquelle les technocrates voient aujourd’hui la solution à tous les problèmes.

Comment traiter autrement les quantités inimaginables de données nécessaires pour piloter des drones-taxis autonomes dans le trafic urbain – ainsi que sur un champ de bataille ? Comment la gestion du flux d’électricité dans un réseau avec encore plus de consommateurs et de fournisseurs non linéaires peut-elle fonctionner sans IA ? Ou comment analyser les images prises partout et tout le temps ? Évidemment, on n’accorde guère d’attention critique au fait que cette technologie engloutit une énorme quantité de ressources. La production de puces électroniques absorbe beaucoup d’eau et les centres de calculs de l’IA tellement d’énergie, que Microsoft a été la première entreprise à activer une centrale nucléaire pour les alimenter en énergie.

Les programmes « Lavender » et « Where’s Daddy » utilisés par Israël dans la guerre de Gaza prennent en charge pour l’armée la quasi-totalité du choix des cibles pour les frappes aériennes. Sur une échelle de 1 à 100, la machine évalue l’appartenance à des groupes militants pour tou.tes les habitant.es de la bande de Gaza. Le tout sur la base des données des services de renseignement. Le logiciel propose ainsi des cibles et informe dès que la victime se trouve chez elle, dans son cercle familial. Un quota concernant l’importance militaire d’une cible et le nombre de victimes civiles acceptées joue également un rôle. Plusieurs dizaines de milliers de Palestinien.ne.s ont ainsi été exécuté.e.s sur proposition d’un ordinateur, avec l’aval d’officiers israéliens.

Cet exemple montre une fois de plus que l’IA ne peut jamais être un instrument d’émancipation, car là où elle vient de contrôler la destruction et l’anéantissement de la vie, elle produit juste après une vidéo publicitaire montrant comment une station balnéaire pourrait être planifiée sur les ruines de Gaza. Il est difficile de saisir toute l’horreur de ces procédés.

La peur doit changer de camp

Nous avons peur, peur du fascisme, de la répression croissante, de la guerre, du fucking Trump, et des fanatiques qui gouvernent ce monde. Nous nous nous sentons incapables de bouger, parce que tout semble se précipiter, paralysé.e.s, avec la catastrophe climatique qui dégénère. Nous savons que les dominants veulent nous voir incapables d’agir, neutralisé.e.s et impuissant.e.s, mais nous ne leur feront pas ce plaisir.

Nous voulons en finir avec l’État et sa société. Cependant, nos réalités de vie sont tellement imbriquées avec les structures étatiques et l’industrie, qu’il est difficile de penser en dehors de cette logique. Pourtant, nous savons aussi que nous ne devrions pas nous laisser guider par cette peur. Parce qu’elle nous pousse à revenir vers de vieilles certitudes, parce que c’est la peur de perdre nos privilèges.

Nous savons aussi que la meilleure défense, c’est l’attaque.

Nous avons du mal à trouver un chemin clair pour nos projets, à élaborer une perspective qui nous amène à un meilleur endroit. Nous nous sentons faibles et démuni.e.s face aux rapports établis, mais nous avons appris qu’il n’y a aucun sens à faire appel à l’État, car il reproduit les conditions de notre perte de prises.

Et malgré toute cette misère, nous savons que nous sommes là les un.e.s pour les autres, que nous pouvons nous donner de la force et de la vigueur, que nous pouvons les trouver dans nos luttes, notre solidarité, notre diversité. Nous n’avons pas besoin de ligne unique, mais d’idées claires et d’un sens de l’entraide. Nous cherchons la réciprocité, la rencontre, la critique, l’inspiration, et les liens entre nos luttes. Non pas parce nous voulons devenir un parti, mais parce nous avons besoin les un.e.s des autres, et parce que nous nous reconnaissons dans la rage qui s’embrase partout dans le monde, à chaque fois renouvelée.

Amour à celleux qui sont là, dehors, dans le chaos des luttes, des actions, des projets ; là dehors dans la nuit, dans les taules, en clandestinité, dans les forêts, dans les rues, sur les mers et aux frontières.

Nous avons emprunté ce chemin, qui sait où il nous mènera ? Nous avons appris des combattant.e.s autochtones que le monde a déjà souvent sombré.

Quoi qu’il advienne, nous nous reverrons, là, dehors.

« Oublions l’avant-garde, elle ne nous est d’aucune utilité : une révolte généralisée, sans leader ni centre de gravité, voilà précisément ce qu’aucune armée ou police ne pourra jamais espérer dompter » – Total Liberation

Switch-Off le système de destruction

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L’Europe sacrifie l’Asie centrale pour trouver son énergie « verte »

[pompé sur Reporterre]

La mine d’Almalyk, en Ouzbékistan, le 1er novembre 2022.

L’Union européenne multiplie les investissements visant des minerais et la production d’énergie en Asie centrale. Malgré son discours sur une stratégie « gagnant-gagnant », l’environnement et les populations locales sont menacés.

À l’ouest du Kazakhstan, des bancs de sable remplacent la mer Caspienne, tandis qu’à Karaganda, dans le centre du pays, la neige vire au noir chaque hiver. En Ouzbékistan, le désert de Kyzylkoum grignote les terres autrefois fertiles de la région de Navoï. L’Asie centrale porte les stigmates de décennies d’exploitation pétrolière, gazière et minière. Pour la population, les ressources ne sont pas non plus une bénédiction : depuis les années 1990, leur exploitation est contrôlée par les majors étrangères et les élites locales, qui se partagent les rentes.

Aujourd’hui, ce sont les ressources dites « vertes » qui attirent l’attention sur la région. Lithium, nickel, uranium, terres rares : l’Asie centrale regorge de matières premières critiques, utilisées pour fabriquer des technologies bas carbone. Et ce n’est pas tout : avec son potentiel solaire, éolien et hydraulique, l’Asie centrale est un terrain idéal pour produire de l’hydrogène vert, qualifié ainsi car obtenu par électrolyse de l’eau, un procédé réalisé à partir d’énergies renouvelables et peu émetteur de CO2.

Ces ressources subiront-elles le même sort que les hydrocarbures ? Aujourd’hui, les États de la région les mettent aux enchères, en quête d’investisseurs qui ne se contentent pas de les extraire, mais participent aussi à la montée en gamme de l’industrie locale. Et ça, l’Union européenne (UE) l’a bien compris. À Samarcande (Ouzbékistan), lors du sommet UE-Asie centrale du 4 avril, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a promis des « partenariats mutuellement bénéfiques », fondés sur la création d’industries locales et d’emplois, ainsi que la production et l’exportation d’énergie verte.

Lithium kazakh et uranium ouzbek

Bénéfiques, ces projets le seront à coup sûr pour l’Europe, dont la demande en matériaux critiques ne fera qu’augmenter, prévient la Commission, alors que l’offre, elle, reste très restreinte. Échanger avec l’Asie centrale réduirait sa dépendance à la Chine, son principal fournisseur. Depuis les accords signés avec le Kazakhstan en 2022 et l’Ouzbékistan en 2024, elle a déjà investi dans le graphite et le cuivre via ses bras financiers, la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Elle ne cache pas son intérêt pour les terres rares. En parallèle, l’Allemagne lorgne le lithium kazakh pour ses batteries. La France, qui importe déjà de l’uranium du Kazakhstan, accélère la production en Ouzbékistan.

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Pour alimenter ses industries avec de l’énergie « propre », l’UE compte importer 10 millions de tonnes d’hydrogène vert par an dès 2030, dont 2 millions du Kazakhstan. En 2023, l’entreprise germano-suédoise Svevind a investi dans un gigantesque site de production à Mangystau, près de la mer Caspienne.

Le plateau d’Ustyurt, où les projets de production d’hydrogène pourraient entraver les routes utilisées par la faune sauvage. Wikimedia Commons / CC BYSA 4.0 / Максат79

Doté de parcs éoliens et solaires, le site produirait, dès 2030, 40 gigawattheure d’électricité, sans compter celle issue de l’électrolyse. « C’est plus que la capacité actuelle de tout le pays, dit Vadim Ni, fondateur de l’ONG Save the Caspian Sea. Mais la totalité servira à produire l’hydrogène exporté vers l’Allemagne. »

« Les partenariats n’auront aucun effet sur la transition énergétique d’Asie centrale »

De cette énergie verte produite sur son sol, le Kazakhstan ne verra pas la couleur. Pour en bénéficier, il faudrait moderniser un réseau électrique hérité de l’époque soviétique, conçu pour des centrales à charbon et inadapté aux renouvelables. Des investissements considérables qui ne sont pas, pour l’instant, à l’agenda européen.

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Le pays, à l’instar de l’Ouzbékistan, aurait pourtant besoin d’accélérer sa transition. L’électricité y est toujours produite au charbon pour l’un, au gaz pour l’autre. En 2024, alors qu’il a les objectifs de réduction des émissions de CO2 les plus ambitieux de la région, le Kazakhstan a investi davantage dans de nouvelles capacités charbon que dans les renouvelables, rapporte le Global Energy Monitor.

Une dépendance aggravée par l’exploitation des matières critiques. Car les usines de transformation des minerais tournent au charbon, explique Dimitry Kalmykov, directeur du musée écologique de Karaganda. « Les partenariats n’auront aucun effet sur la transition énergétique d’Asie centrale », affirme Vadim Ni.

« Préjudice irréversible à la biodiversité »

Pire encore, « les projets extractifs menacent d’accroître une pollution de l’air déjà critique », s’inquiète Dimitry Kalmykov. Cendres, métaux lourds, ammoniac : plusieurs études, dont une communication scientifique présentée en 2020, établissent un lien direct entre industrie minière et dépassement des seuils toxiques.

Quant au projet hydrogène, Kirill Ossin, fondateur de l’ONG EcoMangystau, prévient qu’il risque de porter un « préjudice irréversible à la biodiversité ». Construit dans la réserve naturelle d’Ustyurt, dans le sud-ouest du Kazakhstan, le parc détruirait l’habitat des gazelles et couperait les corridors empruntés par l’aigle des steppes, le koulan — un âne sauvage — et le léopard de Perse.

 
Il ne subsiste à l’état sauvage que 1 000 léopards de Perse, dont le milieu naturel est menacé par un projet d’extraction d’hydrogène vert au Kazakhstan. Wikimedia Commons / CC BYSA 2.0 DE / Marcel Burkhard

S’y ajoute la saumure issue du dessalement de l’eau de mer, nécessaire à l’électrolyse. Plus chaude et plus salée que l’eau d’origine, elle pourrait perturber les écosystèmes marins si elle était rejetée dans la Caspienne. Une étude de faisabilité commandée par le gouvernement allemand, coécrite par Svevind, évoque un traitement « durable » des rejets, sans en préciser les modalités.

Vieux réflexes extractivistes

Les habitants aussi pourraient en faire les frais, car neuf litres d’eau seront pompés pour produire chaque kilo d’hydrogène, dans une région aride où l’accès à l’eau est déjà conflictuel. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : la mer Caspienne a baissé de deux mètres en vingt ans, et pourrait en perdre jusqu’à 14 de plus d’ici à la fin du siècle. C’est la pêche, l’agriculture et la consommation domestique qui sont menacées.

L’étude allemande admet une « situation critique » et reconnaît que l’hydrogène « accentuera la pression sur les ressources en eau ». Anticipant les critiques, l’UE a lancé le plan d’investissement Team Europe pour améliorer la gestion de l’eau. Cependant, signalent certains chercheurs : les financements sont insuffisants et sa mise en œuvre repose sur la bonne volonté des élites locales.

« La transparence se réduit, l’information ne circule pas et les citoyens ne sont pas consultés »

Malgré leurs zones d’ombre, les projets ne sont pas rejetés en bloc par les activistes. Sous conditions, ils admettent qu’ils pourraient profiter à la transition comme aux habitants. « C’est un projet prometteur, attractif, avec des retombées économiques importantes », reconnaît Kirill Ossin à propos de l’hydrogène. Mais tous dénoncent l’approche européenne qui perpétue les vieux réflexes extractivistes, par « peur de passer à côté de ressources dont elle a besoin », dit Mariya Lobacheva, directrice d’Echo, une ONG kazakhe pour la transparence et la participation citoyenne.

Craintes d’une répétition du scénario des années 1990

Vadim Ni regrette que l’UE « s’en remette aux autorités locales, alors même qu’elles ne sont pas toujours compétentes ». En 2021, le Kazakhstan s’est doté d’un Code de l’environnement censé contraindre les entreprises à limiter leur empreinte écologique. Mais, faute de moyens, « le système d’évaluation environnementale stratégique n’est pas appliqué », explique-t-il.

Derrière la vitrine démocratique, Mariya Lobacheva fait un constat amer : « La transparence se réduit, l’information ne circule pas et les citoyens ne sont pas consultés. » La société civile peine donc à jouer un rôle de garde-fou. « Personne ne fait pression sur les investisseurs ou le gouvernement. Les gens ne croient pas à leur capacité à changer les choses », dit Dimitry Kalmykov.

Mariya Lobacheva redoute une répétition du scénario des années 1990, lorsque les contrats signés avec les majors pétrolières ont été conclus sans consultation publique. Même les emplois promis par l’UE ne réveillent pas son enthousiasme : « Il n’y a aucune transparence sur les conditions et les niveaux de qualification des postes réservés aux Kazakhs. »

Pour convaincre l’Asie centrale de ses bonnes intentions, l’UE doit passer à l’acte. En commençant par ouvrir le dialogue avec les habitants, scientifiques et écologistes, « seule façon de garantir des partenariats gagnant-gagnant », affirme Kirill Ossin.

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En Serbie, la lutte contre le lithium alimente une révolte historique

[pompé sur Reporterre]

Les manifestants qui contestent depuis six mois le pouvoir en place en Serbie se sont joints à la lutte contre la plus grande mine de lithium d’Europe. Ce projet, soutenu par l’UE, menace les réserves d’eau potable du pays.

Dans une ambiance de fête, ils arrivent par petits groupes, avec leurs gilets jaunes recouverts de badges, leurs pancartes et leurs sifflets autour du cou. Le 9 mai, nombre d’étudiants serbes ont décidé d’envahir le centre de Loznica, une petite ville de l’ouest de la Serbie près de laquelle pourrait s’ouvrir la plus grande mine de lithium d’Europe, portée par la multinationale anglo-australienne Rio Tinto.

« Je suis venu manifester pour défendre la vallée du Jadar et à cause des actions inquiétantes qu’entreprend notre gouvernement », explique Nikola Boca sur son vélo. Cet étudiant en comptabilité de 21 ans a fait partie des 80 jeunes cyclistes qui ont pédalé en avril 1 400 km jusqu’à Strasbourg, afin d’alerter les institutions européennes sur la corruption dans leur pays, candidat à l’Union européenne (UE). « On s’oppose au projet parce qu’il faut défendre la nature près de laquelle on a grandi, défend Nikola. Certains projets pourraient avoir des conséquences négatives pour nous tous. »

Convergence des luttes

Cette manifestation s’inscrit dans un mouvement de contestation plus large, qui secoue la Serbie depuis six mois. Le 1er novembre 2024, le toit en béton de la gare de Novi Sad, tout juste rénovée à grand frais, s’effondrait, faisant seize morts dans le nord du pays. La tragédie est rapidement devenue un symbole de la corruption qui ronge la Serbie du président Aleksandar Vučić, au pouvoir depuis 2012.

Déterminés et organisés dans leurs facultés au sein de plenums où s’expriment horizontalité et démocratie directe, les étudiants animent depuis un mouvement de contestation inédit qui fait trembler le régime. Des foules immenses ont régulièrement répondu à leur appel pour la justice et un État de droit. Jusqu’à 300 000 personnes se sont ainsi massées sur les boulevards de Belgrade le 15 mars : la plus grande manifestation de l’histoire de la Serbie. Mais le président, un proche du dirigeant hongrois Viktor Orban et allié de Moscou, s’accroche au pouvoir.

Sit-in, grèves, marches, marathons… afin d’éviter l’essoufflement de la contestation, les étudiants ont multiplié les actions dans tout le pays, obtenant le soutien d’une partie importante des 6,6 millions de Serbes, largement favorables à leur mouvement. Les agriculteurs de Loznica, opposés depuis des années au projet de mine de lithium de Rio Tinto sont par exemple régulièrement venus les aider à bloquer les routes avec leurs tracteurs. La convergence des luttes semble se dessiner dans une société malmenée par une douzaine d’années d’autoritarisme et de régression démocratique depuis l’arrivée au pouvoir d’Aleksandar Vučić.

« Les institutions fonctionnent uniquement au service du pouvoir et de certaines corporations »

« Nos revendications sont les mêmes que celles des étudiants : nous avons un problème avec les institutions, dit l’agriculteur Zlatko Kokanovic, chef de file de l’initiative Ne donnons pas le Jadar, qui se bat contre le projet d’extraction minière. Les institutions fonctionnent uniquement au service du pouvoir et de certaines corporations. Tout se résume à la corruption et à la capture de l’ensemble des institutions par les dirigeants actuels : le système judiciaire, mais aussi l’armée, l’Église, la police… Ils ont plongé ce pays dans un état d’immoralité, de corruption et de crime. »

Avec leur dénonciation du système clientéliste mis en place par le parti au pouvoir, les étudiants comme les opposants à la mine sont devenus les bêtes noires du régime. Les tabloïds et les chaînes de télévision pro-Vučić les accusent quotidiennement d’être des « agents de l’étranger » et de fomenter « une révolution de couleur », reprenant le lexique de Vladimir Poutine.

Symbole de la dilapidation des ressources naturelles

À 10 kilomètres du centre de Loznica, la vallée du Jadar, où la mine pourrait voir le jour, offre un cadre enchanteur, avec des petits champs fertiles entourés de collines verdoyantes. Mais, dans le village avoisinant de Gornje Nedeljice, plusieurs maisons n’ont plus de toit, ni de fenêtres : soumis à la pression des autorités et de la multinationale, beaucoup d’habitants ont cédé et vendu leur terrain. Au milieu de ce paysage de désolation, un groupe de joggeuses venues de Belgrade participe à une bruyante course en relais. C’est le vingtième week-end de suite que ces mères de famille courent en soutien aux étudiants.

« Toutes ces dernières années, nous nous sommes cachés dans des trous de souris face à ce pouvoir, en nous persuadant que nous étions une minorité, mais en fait, nous sommes la majorité. C’est juste que nous nous taisions et les étudiants nous ont convaincus de ne plus nous taire, s’enthousiasme ainsi Marijana Agic-Molnar. Tout le monde est maintenant informé des conséquences qu’aura le projet de Rio Tinto, notamment sur l’approvisionnement en eau. Mais l’élite politique ne prête pas attention aux avis des acteurs compétents, ni de l’opinion publique. C’est pour ça que nous sommes ici : pour leur dire que ça suffit ! »

« La façon dont ils prévoient de stocker les déchets est effrayante »

Grâce à l’immense gisement du Jadar, la multinationale anglo-australienne Rio Tinto prévoit l’extraction dès 2028 de plus de 58 000 tonnes de lithium par an, de quoi fournir la production de plus de 1 million de véhicules électriques. En Serbie, le projet est devenu le symbole de la dilapidation des ressources naturelles par un régime corrompu, qui a mis au pas les contre-pouvoirs. Alors que certains projets passés de Rio Tinto en Australie, à Madagascar, ou encore en Papouasie-Nouvelle-Guinée ont eu des conséquences sanitaires et environnementales désastreuses, les opposants serbes s’inquiètent notamment pour leur futur accès à l’eau et ils ne croient pas au discours rassurants de la multinationale.

« Leur étude d’impact environnemental recense six espèces impactées, alors que nous en avons compté 250 ! s’alarme ainsi Krizmanic Imre, professeur à la faculté de biologie de Belgrade. La façon dont ils prévoient de stocker les déchets est effrayante : pendant soixante ans, des caisses de quelques millimètres d’épaisseur vont être remplies de dizaines de millions de tonnes de déchets les plus toxiques : de l’arsenic, du bore, des métaux lourds… Ils seront déposés ici et resteront pour toujours en pénétrant le sol et en infiltrant nos cours d’eau. Et on est dans une région où se trouve la plus grande réserve d’eau potable de l’ouest de la Serbie. »

Complaisance d’Emmanuel Macron

Il y a trois ans déjà, le projet de Rio Tinto avait suscité des manifestations gigantesques partout en Serbie, contraignant le président Vučić à annoncer sa suspension. Mais, à l’été 2024, il a été relancé par la signature d’un partenariat stratégique avec l’Union européenne en présence du chancelier allemand Olaf Scholz, accompagné des dirigeants de Mercedes et Stellantis. Un choc pour la jeunesse de Loznica, qui ne veut pas être sacrifiée au profit de la « transition verte » de l’UE et de l’électrification de l’industrie automobile allemande.

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« Savoir comment nous allons vivre et préserver notre nature est bien plus important que de savoir si nous aurons des voitures électriques ou des batteries pour ces voitures, se désole ainsi Nena Popovic, 18 ans, membre d’une chaîne humaine dans le centre de sa ville de Loznica. On peut vivre sans ces batteries, mais pas sans eau ni un air sain. »

Dans des Balkans occidentaux toujours tenus à la porte de l’UE et de ses standards environnementaux, les citoyens s’inquiètent de voir leurs pays transformés en colonies minières. Les permis de prospection se multiplient en Bosnie-Herzégovine comme en Serbie et la course à « l’or blanc » agite les investisseurs extractivistes. « Loznica n’est pas le seul endroit où Rio Tinto veut implanter des mines, s’inquiète Nena Popovic en montrant son badge, qui clame « ils ne mineront pas ». C’est une lutte qui nous réunit et qui concerne tout le monde dans la région. »

Depuis plusieurs semaines, les étudiants serbes tentent d’obtenir le soutien des dirigeants européens dans leur lutte pour l’État de droit. Sans succès pour l’instant, puisque Aleksandar Vučić a même été reçu par Emmanuel Macron en le 9 avril. Le président français n’a pas eu un mot pour ce mouvement inédit en faveur de la démocratie. Il faut dire que les entreprises françaises présentes à Belgrade — Vinci, Michelin, Veolia, Dassault — semblent elles aussi fort peu s’émouvoir de la dérive autocratique du pouvoir serbe.

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Le plus grand parc de stockage d’électricité s’installe à Cheviré

[pompé sur nantes.port.fr]

La filiale française de la société britannique Harmony Energy a choisi la zone portuaire de Cheviré pour implanter son futur parc de batteries bénéficiant de la technologie TeslaMegapack d’une puissance de 100 MW, stockant une énergie de 200 MWh. Il s’agira du plus grand parc de stockage d’électricité par batteries en France.

« Le parc sera en mesure de soutirer et restituer l’équivalent de 2 heures d’électricité pour alimenter 170 000 foyers. Ce seront les premières batteries d’une telle capacité jamais installées en France” précise Harmony Energy.
Les travaux ont débuté cet été. La mise en service est attendue à l’hiver 2025.

«La transition énergétique est une réalité pour Nantes Saint-Nazaire Port. Elle s’illustre à travers l’accueil des filières comme celles des énergies marines renouvelables ou encore de l’hydrogène. Accélérer cette transition pour faire face aux défis climatiques et énergétiques passe également par l’expérimentation de solutions énergétiques innovantes sur le domaine portuaire. Nous sommes heureux d’ajouter une nouvelle pierre à cet édifice avec l’accueil, sur le site portuaire de Cheviré, de l’un des leaders en Europe dans le stockage d’énergie, Harmony Energy, et l’implantation du plus grand parc de stockage d’électricité par batteries en France», se félicite Jean-Rémy Villageois, Président du Directoire de Nantes Saint-Nazaire Port.

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Bordeaux : Surcoût, calendrier, environnement… Où en est le projet de méga usine pour batteries EMME ?

Une nouvelle phase de concertation, qui durera jusqu’au 15 mai, démarre pour le projet « EMME », qui prévoit d’installer près de Bordeaux une usine de traitement du nickel et du cobalt en bord de Garonne, pour un investissement total de 540 millions.

Une nouvelle phase de concertation avec le public, placée cette fois-ci sous l’égide de la CNDP (Commission nationale du débat public), vient de démarrer concernant le projet contesté d’implantation de l’usine EMME près de Bordeaux, en bord de Garonne.

Les porteurs du projet EMME, pour « Electro Mobility Materials Europe », souhaitent installer d’ici à 2028 sur le site portuaire de Grattequina, à cheval sur les communes de Blanquefort et Parempuyre, une usine de transformation de nickel et de cobalt pour les batteries des voitures électriques et hybrides. Le président de EMME, Antonin Beurrier, était cette semaine à Bordeaux pour défendre l’implantation de cette usine sur ce site, alors que des habitants de communes voisines s’y opposent, craignant des risques environnementaux.

pole-industriel-en-bord-de-garonneCe pôle industriel en bord de Garonne prévoit d’accueillir un procédé de transformation du nickel et du cobalt, pour les batteries des véhicules électriques. - JDS Architectes

C’est quoi au juste une usine de transformation de nickel et de cobalt ?

Le nickel et le cobalt sont des matériaux utilisés dans les cathodes des batteries lithium-ion des véhicules électriques et hybrides. La masse de nickel contenu dans ces véhicules varie de 40 à 120 kg. Mais pour être utilisés dans les batteries, ces matériaux doivent être transformés d’un état métallique à un état chimique. C’est ce à quoi doit servir l’usine EMME, qui sera capable de traiter 20.000 tonnes de nickel et 3.000 tonnes de cobalt par an, pour en sortir 89.000 tonnes de sulfate de nickel et 9.000 tonnes de sulfate de cobalt par an. « Nous convertissons sous forme de sels les produits qui arrivent chez nous déjà raffinés », résume Antonin Beurrier.

D’où viennent le nickel et le cobalt, et comment seront-ils acheminés ?

Les principales mines de nickel dans le monde se trouvent en Nouvelle-Calédonie, Amérique du Sud et Indonésie. Pour le cobalt, elles se situent au Congo, Australie et Indonésie.

« D’ordinaire le transport routier [en bout de chaine] est plus économique, avance Antonin Beurrier, mais dans notre cas l’acheminement terrestre ne serait pas compétitif, même s’il y a un nœud : la matière arrive de loin, par bateau, et Bordeaux n’est pas situé sur les lignes directes de transport maritime international. Cela aura donc un coût de faire transiter la marchandise par Rotterdam ou Le Havre, avant de la faire venir ici. Mais ce ne sera pas un surcoût important, et surtout c’est l’empreinte carbone la plus réduite. L’économie est donc largement positive. »

Même le transport des matériaux pour la construction du site devrait se faire majoritairement par voie maritime. Quelque 145 modules préconstruits doivent notamment être acheminés par bateau, sur une durée de huit mois.

Lorsque l’usine tournera à plein régime, « nous aurons des volumes importants à transporter, donc le choix d’être en bord de Garonne est essentiel et inhérent au site lui-même », insiste de son côté Sylvie Dubois-Decool, directrice générale. « En revanche, en bord de fleuve, il faut se protéger du risque inondation, sans créer de problèmes à nos voisins », ajoute Antonin Beurrier.

Est-ce dangereux ?

L’usine, si elle se réalisait, serait classée Seveso seuil haut en raison « de risques environnementaux pour le milieu aquatique en cas d’accident ». Un collectif, Alerte Seveso Bordeaux Métropole, estime que « le risque de contamination des sols et des eaux par l’usine est extrêmement élevé avec des conséquences potentiellement graves et persistantes pour la santé humaine et la biodiversité ». Un des représentants du collectif, Jean-Marc Farthouat, indique avoir « peur, notamment en raison de la quantité de produits dangereux, et inflammables, stockés sur ce site ». Le stockage des produits en containers atteindrait par ailleurs « une hauteur de dix mètres » s’indigne cet habitant de Parempuyre. « Cela, on ne vous le montre pas sur les belles images de synthèse du dossier… »

Quel serait le risque de fuite dans la Garonne ? Dans les éléments communiqués dans le dossier de concertation, l’industriel explique que « les produits sont conditionnés dans des big bags étanches, eux-mêmes conditionnés dans des containers scellés, et la matière première est très peu soluble dans l’eau ». Et durant le processus de fabrication du sulfate de cobalt et de nickel, « il n’y a aucune possibilité de fuites car ils sont produits en circuit fermé ».

Le risque inondation est également pointé du doigt. L’association martèle qu’il est « aberrant » de prévoir une usine Seveso en zone inondable. « Comment est-il possible d’imaginer rendre cette zone compatible pour autoriser l’implantation d’une usine Seveso à haut risque en zone agricole, non seulement inondable mais aussi soumise aux risques de submersion par la Garonne ? »

Les éléments du dossier assurent que ce risque est aussi pris en compte. « L’événement retenu pour les modélisations du projet est celui de la tempête de 1999 avec une rehausse du niveau de la mer d’1,20 mètre au niveau du Verdon [correspondant aussi au scénario le plus pessimiste du Giec, avec un réchauffement mondial de + 4,4 °C à horizon 2100]. » Le remblai de l’usine a ainsi « été dimensionné pour une hauteur minimale de 5,50 mètres afin de protéger le site ». « Le risque est surtout que cette quantité énorme de remblai vienne écraser le sol et freiner l’arrivée des eaux souterraines, avec des répercussions sur la montée des nappes phréatiques à Parempuyre », s’inquiète de son côté Jean-Marc Farthouat.

Quel est le coût du projet ?

Le programme est désormais chiffré à 540 millions d’euros, puisqu’il intègre 40 millions d’euros de surcoût : « 20 millions d’euros en raison du décalage du projet de six à huit mois après les nouvelles phases de concertation, et 20 millions d’euros en raison du redimensionnement du projet » pour réduire son imperméabilisation. « Les investissements de base – pour les bâtiments, les machines… – atteignent désormais 340 millions d’euros avec ces surcoûts, détaille Antonin Beurrier. Les études d’ingénierie, les simulations, les tests, avoisinent les 100 millions d’euros. Puis il y a les frais de mise en service (constitution de stocks, recrutement…) qui atteignent là aussi les 100 millions d’euros. »

Quelles retombées pour la région ?

Les porteurs du projet indiquent qu’ils veulent s’inscrire dans un « écosystème » regroupant 85 acteurs de la filière batterie en Nouvelle-Aquitaine. « Nous ferons travailler des sous-traitants, et nous espérons vendre nos produits à des clients comme SAFT. » Le site devrait par ailleurs employer environ 200 personnes, et générerait 300 emplois indirects.

Antonin Beurrier souligne également que cette usine répondrait à des enjeux de décarbonation, sachant que « la production de véhicules électriques dépend fortement de matières premières raffinées en Chine, où les processus sont associés à de fortes émissions de CO2 ». Le projet EMME permettrait ainsi d’économiser « 1,6 million de tonnes de CO2 par an ». « C’est tout simplement le plus grand projet de décarbonation de toute la région », selon le PDG.

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Niort : « L’action directe continuera tant que je vivrai… »

[pompé sur Attaque]

Libération / mardi 8 avril 2025

Depuis septembre, un étrange phénomène frappe les rues de la préfecture des Deux-Sèvres : une fois par mois environ, un véhicule sorti des usines d’Elon Musk prend feu. «Libé» a suivi les traces du pyromane, jusqu’à le débusquer [c-à-d : une écrivaillonne de Libé a posté une annonce sur Indy Nantes et les compas ont bien voulu lui répondre ; NdAtt.].

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L’épaisse fumée de la cigarette électronique d’Ivana s’écrase contre la vitre de sa Tesla. «Pour la garer, maintenant, je choisis un lieu où il y a du passage et des caméras», explique la vingtenaire. A Niort (Deux-Sèvres), où cette commerciale travaille, un étrange phénomène court les rues depuis septembre. Au moins une fois par mois, quelque part en ville, une voiture de la célèbre marque américaine prend feu au cœur de la nuit. Sorte de roulette russe du pneu cramé. De jeu des Loups-Garous version bagnole calcinée. Rien que sur le parking où son véhicule électrique fait le plein, les flammes ont sévi en octobre et aucun conducteur ne prend depuis le risque de s’absenter le temps de la recharge. La jeune femme enrage : «C’est honteux, on crame pas des voitures pour des opinions politiques, tout comme on n’achète pas une Tesla pour Elon Musk.»

Forcément, face à ces feux en série, l’hypothèse d’une action anti-Musk est la première envisagée. Manifestations , véhicules rayés, incendies de concessions… Ces derniers temps, les dégradations à l’égard de la marque du milliardaire s’accumulent au fil des frasques de son grand patron. Notamment depuis le salut nazi du bras droit de Trump en janvier. Les soutiens à l’extrême droite et les coupes franches dans les administrations américaines sont d’ailleurs l’une des explications de la chute des ventes de Tesla de 13 % au premier trimestre 2025 par rapport à la même période l’an dernier et l’effondrement de l’action de la marque d’Austin de plus de la moitié depuis le record du 17 décembre 2024. Mais dans le cas de Niort, le doute plane encore : l’homme le plus riche du monde est-il la cible du coupable, toujours recherché ?

Pour commencer, les dates ne coïncident pas : les premiers incendies ont eu lieu bien avant le geste polémique du big boss. Ensuite, outre la dizaine de Tesla cramée, au moins deux véhicules de luxe ont aussi été visés. Une Porsche et une Aston Martin. Dans les rues beiges de la ville, des traces noirâtres se mêlent désormais au décor. Ici sur des branches carbonisées, là sur une palissade autrefois immaculée. Ces traces, Libé les a suivies, et a remonté la piste de l’incendiaire en série de Niort.

La poisse de Stéphan

En ce moment, pas mal de monde charrie Stéphan. Les collègues, déjà. «Ils m’ont demandé si j’avais essayé de faire un barbecue»,raconte ce commercial du BTP, par ailleurs végétarien. Et les pompiers, aussi. «Encore vous ?» lui lancent-ils goguenards, le 10 mars. Les hommes du feu éteignent alors pour la deuxième fois en quelques mois un incendie en bas de chez lui, route d’Aiffres. Des flammes qui, de nouveau, réduisent en cendres une Tesla blanche, son véhicule de fonction.

La première fois, c’était le 15 septembre. «Mes voisins avaient entendu du bruit et des voix, mais j’ai d’abord cru que c’était accidentel», rapporte le quadra à fines lunettes. A la deuxième Tesla HS, le doute se dissipe. Cette nuit-là, les policiers rappliquent, très agacés. Vingt minutes plus tôt, leur patrouille est passée devant l’allée du Niortais sans rien observer d’anormal. «Ça fait un certain tempsqu’on surveille toutes les Tesla », lui expliquent les agents.

A ce moment-là, cela fait aussi un certain temps qu’ils cherchent le coupable. Depuis septembre, une enquête est ouverte au chef de «destruction volontaire par incendie» par le parquet de Niort. Mais pour l’heure, le serial incendiaire ne cesse de s’évaporer. Sans jamais laisser sur les lieux un indice sur ses motivations. Depuis son salon, Stéphan a vue sur la place de parking encore carbonisée. Regard mélancolique devant un buisson lui aussi touché : «Les feuilles cachaient la route l’été… C’est dommage.» A ses pieds, son chien, un shih tzu aux poils emmêlés, soupire de concert.

Le zen de Didier

Bermuda, gambettes bronzées et bracelets perlés façon surfeur, Didier vit à quelques mètres de Stéphan, dans un quartier tranquille du boulevard Charles-Baudelaire. Le quinqua se décrit comme «le sixième de la bande». Comprendre : le sixième à avoir vu sa Tesla finir au bûcher, le 18 novembre. Lorsque les pompiers sont arrivés cette nuit-là, le propriétaire les a médusés. Le feu a pris devant sa palissade, juste à côté d’un autre de ses véhicules : son précieux combi Volkswagen. La portière droite de ce dernier commençait à flamber, mais qu’importe. Didier est monté à bord, l’a démarré et déplacé. Son voisin, Stéphan, en pouffe encore : «Je crois qu’il s’est fait un peu fait gronder.»

Didier n’a jamais envisagé la possibilité d’une action anti-Musk. Le Niortais n’en a d’ailleurs pas grand-chose à faire de ce milliardaire. Au chômage lorsque le feu a pris, il a acheté sa Model 3 à 40 000 euros en 2023 dans l’espoir de la revendre un an plus tard. Idéalement, un peu plus chère. «Le problème, c’est qu’Elon Muska décidé de baisser le prix du neuf », regrette-t-il. L’autre souci, c’est qu’il ne reste aujourd’hui de l’automobile plus que le coffre. Et les 35 000 euros que l’assurance a bien voulu lui reverser.

Pour démasquer le coupable, le quinquagénaire a vérifié la caméra de son jardin. Mais sur les images, personne. Seule «une boule de feu»scintille. Avec le recul, Didier préfère en rire : «J’aimais bien ma Tesla, c’était une voiture de feignant, avec une seule pédale.»On lui demande dans quoi il roule maintenant. Moue déçue d’un enfant : «Une Renault Zoe.»

La galère de Simon

«Votre pneu avant droit est dégonflé.» Simon a reçu cette notification à 2h18, le 15 octobre, alors que sa voiture se consumait entièrement. Lui aussi a perdu sa Tesla à côté de chez lui, avenue de Limoges. Le genre de voie sur laquelle les voitures rasent les maisons toute la journée. «Un policier m’a dit qu’une canette de Schweppes remplie d’essence avait été retrouvée dans un buisson près d’un autre incendie. Mais depuis, je n’ai plus de nouvelle», rapporte l’homme de 24 ans.

Alternant en cybersécurité, Simon faisait le trajet Niort-Nantes pour travailler. 1 h 40 aller, 1 h 40 retour. Après l’incendie, l’étudiant aux bouclettes blondes a dû se débrouiller, entre véhicule de prêt et covoiturage. «J’ai fini par me dire que j’allais être viré», se rappelle-t-il. Finalement, une solution est trouvée : les jours où Simon n’a pas de voiture, il se rend en train au siège de sa boîte… à Paris. Trois fois plus loin que Nantes, mais plus accessible depuis Niort. «J’ai tenté un nombre incalculable de fois de demander un geste à Tesla, on m’a envoyé balader», regrette-t-il avec amertume. Libé, qui a aussi contacté l’entreprise pour des renseignements, n’a pas eu beaucoup plus de chance.

Qui a fait le coup ? Le rapport d’expertise a seulement permis de conclure que le feu était parti du coin avant droit de sa voiture. Pendant un temps, le jeune homme a eu l’espoir de résoudre le mystère grâce au mode Sentinelle, une fonctionnalité filmant les abords de sa Tesla. Mais la clé USB stockant les images a elle aussi été détruite par les flammes. Désormais, Simon ne dispose que d’un seul et maigre indice : une tentative d’ouverture de sa poignée de portière, enregistrée par le véhicule à 2 h 16.

Le blues de Christian

Les fleurs de sa boutique respirent la joie de vivre. Mais le regard de Christian se perd dans le vide. Le chef d’entreprise de 47 ans ne se remet pas de la perte de sa voiture, survenue le 22 octobre. Sans cesse, il se repasse le film. L’anniversaire de sa femme dans un bon resto, le choix d’y aller avec son véhicule fétiche et celui enfin de le « faire dormir» une fois, «juste une fois», dans la rue. La fois de trop : son Aston Martin aussi a goûté aux flammes. «Je ne suis pas millionnaire, j’ai acheté cette voiture pour 55 000 euros. C’était le fruit du travail et de sacrifices. J’en rêvais et j’avais la ferme intention de vieillir avec», raconte-t-il, la gorge nouée.

C’est le klaxon devenu fou de son véhicule qui l’a réveillé ce soir-là. En chaussettes, le quadra s’est précipité dans la rue : comme celle de Simon, sa voiture était garée avenue de Limoges. Et comme celle de l’étudiant, les flammes s’étaient déclenchées du côté avant droit de l’engin. L’expertise a confirmé que l’incendie était volontaire. «Cette voiture avait un dessin superbe. Quand j’avais un coup de mou, j’allais faire un tour avec et ça allait mieux. Quand je la voyais, j’avais toujours ce petit coup de cœur, celui de l’amoureux», s’émeut Christian. Dans ses yeux, une lueur brille. Avant de s’éteindre aussitôt : «Qu’est-ce que j’ai fait de mal à ceux qui l’ont brûlée ?»

La colère de l’incendiaire

En octobre et novembre, deux feux de Tesla ont frappé le parking de la gare de Niort. Des restes d’aluminium cramé jonchent encore le sol. Le 28 novembre, un véhicule s’est embrasé avenue Léo-Lagrange. L’un des volets de la maison du propriétaire, noirci et gondolé par les flammes, demeure baissé. Dernièrement, le serial brûleur a élargi sa zone d’action à Chauray, à environ 12 km de Niort. Deux Tesla appartenant à une mutuelle sont entrées en combustion, le 18 mars. Le maire Claude Boisson (sans étiquette) s’étonne : «On est une ville très calme, ici les véhicules ne brûlent pas. Ou s’ils brûlent, c’est pour une histoire de court-circuit.»

Le même jour que ce feu, une publication intrigante est apparue sur Internet. Sur le site militant de Nantes Indymedia [ou ici ; NdAtt.], un article signé par «des anarchistes» relate : «Afin de bousculer le quotidien de petits-bourgeois, ou du moins, d’individus se comportant comme tels, quinze de leurs voitures ont été incendiées dans la région de Niort.» Des feux non accidentels, insistent-ils, sans pour autant les revendiquer.

Libé a tenté de contacter l’auteur. Et a un jour reçu un mail anonyme : «Nos échanges se feront uniquement via chiffrement.» Condition acceptée. «Je suis un des militants à l’origine de ces actions», se présente l’internaute. En guise de preuve, il nous fournit une liste des adresses précises de certains feux. Ainsi que des plaques d’immatriculation concernées. On l’interroge sur ses motivations. D’emblée, il éclaire : «Le salut nazi d’Elon Musk n’a pas été le déclencheur.» Même si le geste a, concède-t-il, «renforcé la cause anticapitaliste et antifasciste, en établissant publiquement un lien évident entre le capitalisme et la montée de l’extrême droite, notamment du nazisme».

D’après notre interlocuteur, les militants ont voulu viser «la bourgeoisie». «Parce qu’il est indécent et provocateur que certaines personnes se permettent d’acheter et de parader dans la rue avec des véhicules de luxe […] alors que d’autres survivent à peine», s’indigne-t-il. Pourquoi avoir surtout visé les Tesla ? Car c’est «un Big Brother sur roues, et dans une société dans laquelle la technologie prend une place croissante au détriment des libertés et de l’environnement, il est plus que nécessaire d’agir». La façon dont ils mènent leur combat, admet-il, a peu de chance d’être «audible par les propriétaires des voitures incendiées» . Toutefois, il continuera. Dans un dernier échange, on lui demande s’il compte ressortir le briquet bientôt : «L’action directe continuera tant que je vivrai, sous différentes formes et à différents endroits.»

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St Yrieix la Perche – Nouvelle manifestation contre les mines d’or

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Samedi 19 avril 2025, plus de 350 personnes se sont rassemblées à St Yrieix La Perche, au sud de la Haute-Vienne pour dire non aux mines d’or, ni ici, ni ailleurs. Pour elles, les mines, c’est de la pollution de l’eau et de l’air, des nuisances sonores. Le profil pour quelque uns et la « merde » pour les riverains, comme l’a très bien exprimé Patrick Blondy, pomiculteur à Coussac-Bonneval.
Ce cortège bigarré, hétéroclite se voulait totalement apolitique. Des agriculteurs et agricultrices de la Confédération paysanne et de la FNSEA, la députée LFI Manon Meunier, le maire de Chateau Chervix Jean-Paul Lachaud (sans étiquette), , des professionnels du tourisme… Des personnes de tout âge, de toute sensibilité… car la question des mines d’or concerne tout le monde.

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Appel à une grande manifestation en Ariège pour dire Stop aux nouveaux projets miniers

[pompé sur stopminesalau]

Après la mise en échec d’un premier permis de recherches minières pour la réouverture de la mine de Salau, une nouvelle demande de permis a été déposée. Toujours aussi toxique, le projet de Néometal concerne cette fois-ci les communes d’Ustou, d’Aulus, d’Auzat et de Couflens-Salau. Il prévoit aussi une usine de traitement du minerai à Saint-Girons. Ce projet mortifère ne doit pas voir le jour !
À Salau et à Eylie 900.000 m3 de résidus miniers empoisonnent déjà les sols et les eaux : amiante, arsenic, cadmium, plomb et autres métaux lourds. Il n’y a aucune illusion possible : la réouverture des
mines, c’est toujours plus de déchets toxiques ingérables et une pollution des eaux systématique.
Cette fois-ci l’extraction de l’or, convoité, va nécessiter un traitement au cyanure, peu recommandé par les agences de santé et très nocif pour l’environnement. Les tenants du projet parlent d’une « mine propre et responsable ». Que de mensonges : la mine propre n’existe pas ! On ne fera pas disparaître par enchantement les déchets miniers et la pollution des cours d’eau. Faut-il aussi citer les norias de camions chargés de minerais, circulant sur les routes de montagne traversant les villages et des sites naturels ?
Dans la mine de Salau, la présence d’amiante et les maladies mortelles des derniers mineurs sont clairement documentées, malgré le déni des tenants du projet. Aucune technique moderne n’évitera ces graves risques pour la santé des ouvriers et des riverains. Du temps de son fonctionnement, la mine de Salau a créé des emplois, d’où la nostalgie de certains pour cette époque. Mais aujourd’hui, que valent quelques emplois temporaires créés au milieu des machines automatiques face à l’empoisonnement irréversible du territoire et des populations ?
La ruée minière d’aujourd’hui se fait au nom de la « transition écologique », de la numérisation totale de la société et du réarmement des États. Contrairement aux arguments avancés, ce n’est pas en creusant ici que l’on empêchera la barbarie minière dans d’autres régions du monde. C’est la folie extractiviste et coloniale du capitalisme que l’on doit combattre.

Ne les laissons pas faire !
Aucun nouveau minerai ne doit sortir de terre, ni en Ariège, ni ailleurs !

Grande Manifestation le 24 mai – 14h30, allées de Villote, Foix

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18 terrains de foot par jour : nos voitures électriques détruisent la forêt

[pompé sur reporterre.net]

Rouler à l’électrique accélère la déforestation. C’est la conclusion inquiétante d’une nouvelle étude, publiée le 7 mai par les ONG Fern et Rainforest Foundation Norway. « La future demande européenne en matière de véhicules électriques pourrait faire payer un lourd tribut aux forêts mondiales et aux peuples autochtones », alertent les ONG, alors que les pays de l’OCDE planchent sur un approvisionnement « responsable » en minerais.

D’après ce rapport, la poursuite de nos usages actuels, qui s’appuient sur des batteries composées principalement de minerais extraits des sols forestiers, entraînerait la destruction de 118 000 hectares de forêts. Soit l’équivalent de 18 terrains de football par jour au cours des vingt-cinq prochaines années, rien que pour satisfaire la demande européenne.

« La consommation en métaux des Européens génère des massacres »

Les batteries représentent environ 70 % de l’empreinte de déforestation des véhicules électriques. Comme Reporterre le révélait en 2023, même le cobalt dit « responsable » est extrait dans des conditions sociales et écologiques désastreuses. « La consommation en métaux des Européens génère des massacres », dénonçait également sur notre site l’association Génération Lumière.

Pour éviter ce désastre, les chercheurs de l’association négaWatt et de l’université de Vienne — qui ont rédigé l’étude — proposent un scénario alternatif, qui permettrait de réduire la déforestation prévue de 82 %. Celui-ci repose sur le passage à des batteries plus innovantes, qui utilisent du fer et du phosphate plutôt que du nickel et du cobalt, vecteurs de déforestation.

Il se base également sur des politiques de sobriété. « Cela veut dire promouvoir des voitures plus petites, encourager le covoiturage, réduire la demande de déplacements, ou encore diminuer la dépendance à l’égard de la voiture, en particulier grâce à une mobilité plus partagée », précise Adrien Toledano, coauteur de l’étude pour négaWatt, dans un communiqué.

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