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La loi de Simplification pourrait avoir de lourds impacts en Guyane. Elle prévoit d’écarter l’Office national des forêts du processus d’autorisations de recherche minière. Une « régression environnementale majeure », pour les écologistes.
En Guyane, 96 % du territoire est recouvert par la canopée amazonienne et les mines sont presque toutes situées au milieu de la forêt dense. Si cet ensemble d’écosystèmes est parmi les mieux préservés au monde, les fonctionnaires chargés de le protéger pourraient bien être absents des politiques minières.
Une discrète mesure du projet de loi de Simplification de la vie économique, examiné depuis le 8 avril à l’Assemblée nationale, supprime l’avis contraignant que l’Office national des forêts (ONF) est tenu de délivrer dans le cadre d’un dossier d’autorisation de recherche minière (ARM).
Victoire des miniers
Concrètement, cette autorisation de recherche minière permet à un minier de prospecter un gisement précis, en vue, plus tard, d’obtenir une autorisation d’exploitation minière (AEX). Il s’agit là de deux procédures dérogatoires (l’autorisation de recherche n’existe qu’en Guyane) et allégées (les autorisations d’exploitation de moins de 25 hectares ne nécessitent pas d’enquête publique) conçues pour faciliter l’installation de mines alluvionnaires.
Ces exploitations de petite envergure dites « artisanales », par opposition aux projets industriels de type Montagne d’or, capables de forer dans la roche primaire représentent la grande majorité des sites guyanais, département où se concentrent 82 % des 123 mines légales françaises.
Dès la phase exploratoire, l’ONF a donc pour mission de s’assurer qu’un certain nombre de zones classées pour leur sensibilité — espèces protégées, habitats patrimoniaux reconnus, captages d’eau, etc. — ne seront pas menacées par l’activité minière, synonyme de déforestation et de perturbation des cours d’eau.
Or, si la réforme passe en l’état, ce garde-fou sera retiré et l’octroi d’une autorisation de recherche minière dépendra uniquement de la préfecture.
« Ce serait la plus grande régression environnementale de cette réforme, l’ONF étant jusqu’à présent la seule autorité publique qui refusait ces autorisations pour des motifs environnementaux, réagit l’association Guyane Nature Environnement. La seule fois où les services préfectoraux se sont opposés à un projet minier pour des questions écologiques, c’était sur les concessions minières de la Montagne d’or et cela suivait la décision du ministère. » En 2024, l’ONF a prononcé 13 désaccords sur 80 dossiers d’ARM.
Menace sur la filière bois
Pour la Fédération des opérateurs miniers guyanais (Fedomg), il s’agirait au contraire d’une grande victoire contre une administration que la profession ne se lasse pas de critiquer. En novembre dernier, les miniers étaient allés jusqu’à bloquer les locaux de l’ONF pour dénoncer la réduction des zones ouvertes aux autorisations d’exploitation minière et plus largement ce qu’ils décrivent comme un « excès de normes » et de « zèle administratif », alors que, dans le même temps, des orpailleurs illégaux pillent impunément les ressources guyanaises.
« Concernant l’attribution des ARM, nous appliquerons la loi telle qu’elle sera rédigée, mais nous poursuivrons aussi nos opérations de contrôles hebdomadaires, que ce soit pour la mine illégale ou pour la mine légale où nous faisons notamment un suivi de la réhabilitation des sites et des mesures de pollution », réagit François Korysko, directeur de l’ONF Guyane.
Pour l’établissement public, l’enjeu est aussi de garantir la « durabilité » de sa filière bois, dont le label PEFC — garantissant que le bois est issu de sources responsables — pourrait être menacé par une trop grande activité minière.
Course aux métaux
Le projet de loi de Simplification de la vie économique prévoit aussi de réduire le délai d’instruction des permis exclusifs de recherches (PER) pour atteindre 6 à 9 mois, contre 12 à 18 aujourd’hui. Il facilite aussi la prolongation de ces permis en cas de « circonstances exceptionnelles » et la réutilisation d’ouvrages miniers, notamment à des fins de stockage de carbone.
Cet assouplissement du Code minier s’inscrit dans un contexte où la France et l’Union européenne cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en métaux stratégiques pour la transition écologique, les technologies de pointe ou le secteur de l’armement.
C’est à cette aune qu’il faut comprendre le lancement, le 13 février, d’un nouvel inventaire minier sur cinq territoires, dont le nord de la Guyane, et dont la réalisation par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) devrait prendre cinq ans.
Si le potentiel non aurifère du sous-sol guyanais reste largement méconnu et si l’exploration ne signifie pas automatiquement exploitation, des gisements en tantale et en niobium ont déjà été identifiés et des indices très forts existent pour le lithium. Autant de ressources qui ne cesseront de prendre en valeur, et d’attirer les regards, dans les années à venir.