Sans dessous dessus. Apériodique pour chahuter l’extractivisme / n°1

Extraits de l’édito :

L’apériodique que tu tiens entre tes mains naît de l’envie de mieux comprendre le renouveau de l’extractivisme en Europe pour nourrir des perspectives de lutte. Il est le fruit de rencontres, de longues discussions et de pas mal de recherches sur un sujet qui ne nous était pas familier à tou.tes.

Cette publication, nous l’avons pensée comme un outil donnant des billes d’analyse et des informations pratiques à propos de projets industriels qui peuvent toujours être entravés, voire empêchés.

Nous avons cherché, avec nos propres bagages et moyens, à y voir plus clair dans un domaine complexe. Parce que la complexité arrange bien le pouvoir, empêchant tout un.e chacun.e de se saisir d ece qui pourtant nous concerne tou.tes, nous avons voulu rendre accessible ce que nous en comprenions, au risque parfois de simplifier et même de se tromper.

Nous nous sommes aussi dit que nous voulions éviter de parler par allusions. Alors, quitte à rabâcher des évidences, nous essaierons de préciser ce qui nous met en rogne et d’expliciter les mots avec lesquels nous le faisons.

Sommaire :

  • Sans dessous dessus. Sur l’extractivisme et cet apériodique
  • Lithium de l’Allier et autres comptes de fée. Sur les projets en cours
    et les discours qui vont avec
  • Le projet Emili Pourrie. Schéma explicatif du projet d’Imerys dans l’Allier
  • Sous la carrière, la rage ? Entretien avec des membres du collectif Stop Mines 03
  • C’est quoi le BRGM ? Petite explication d’un acteur de l’exctractivisme
  • Carte des principaux sites du projet Emili à partir des données fournies
    par Imerys
  • Lithium, blablatium… Contre et au-delà du terrain miné du
    débat public
  • Toujours plus ! Capitalisme en transition
  • Testla, tu peux pas test ! Panorama d’attaques
  • Vallée de la batterie. Carte des premières « gigafactories » en France
  • Plan de relent du nucléaire. Infos non exhaustives
  • Contre la guerre toujours, pas de vacances pour ses fabricants ! Communiqué contre le complexe militaro-industriel allemand
  • Dans vos mines. Chanson de lutte
  • Travail dans les mines. De la pioche à la Bagger 293
  • Géotherminable. Sur l’exploration de lithium géothérmal
  • L’insurrection ? C’est nickel ! Comment l’insurrection kanak touche l’industrie minière
  • Au fond du puits… la révolte ! Sur la réouverture des mines et les luttes en cours en Europe

Pour obtenir un exemplaire : sansdessousdessus@distruzione.org

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Hambach (Allemagne) : sabotage de stations de pompage de la mine de lignite

[pompé sur sansnom]

Traduit de l’allemand de de.indymedia, 15 janvier 2024

Plusieurs stations de pompage de la mine de lignite à ciel ouvert de Hambach, qui captent les eaux souterraines et en privent les forêts de Sündi et de Hambach, ont été sabotées. L’exploitant de la mine, RWE, a arrêté aujourd’hui les stations détruites. L’occupation de la forêt de Sündi continue, et n’est pas encore expulsée ! La porte est ouverte pour ceux qui luttent contre l’État, le capital et l’écocide ! Tout continue !


L’appel initial : tous à Sündi  !
(traduit de l’allemand de de.indymedia, 3 janvier 2025

Une fois de plus la machine monstrueuse frappe à notre porte ! Le plus grand trou d’Europe – la mine à ciel ouvert de Hambach – s’agrandit de jour en jour. Une… petite forêt, que nous appelons « Sündi » (qui faisait autrefois partie de la forêt de Hambach) se trouve désormais sur leur route (juste à côté des ruines du village de Manheim, que le géant du charbon RWE a déjà rayé de la carte).

Depuis septembre 2024, le bois de Sündi est occupé ! Là où la mine de charbon dévoreuse du monde est sur le point de s’étendre, une zone autonome a émergé, barrant le chemin à l’expansion de la mine et au système de mort qui l’anime. A présent nous arrivent la nouvelle que l’État souhaite expulser le bois de Sündi, certainement le 6 janvier.

Nous appelons tou-te-s celleux qui lisent cela à venir MAINTENANT au Sündi !!! Ou si vous voulez, venez chez nous dans la forêt de Hambach qui se trouve juste à côté, et qui va peut-être aussi être assiégée par les flics. Partagez les infos avec vos ami-e-s, choppez une tente et rejoignez un de nos endroits ! Ou faites des actions de solidarité où que vous soyez !

Nous envoyons amour et rage à nos ami-e-s à Dieti et Grünheide qui ont été expulsées ! Maintenant l’État tente d’expulser le Sündi – ne permettons pas que trois expulsions aient lieu en si peu de temps ! Transformons la tentative d’expulsion en cauchemar pour l’État et ses sbires !!!
Pas de compromis avec le Pouvoir ! Pas un pas de plus … pour l’expansion industrielle
En solidarité avec tou-te-s celleux qui luttent contre la domination

Quelques créatures vivant dans la forêt de Hambach (Hambi)

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Des milliers manifestent contre une licence d’exploitation d’une mine de tungstène en Inde

[pompé sur newindianexpress]

Plusieurs milliers de personnes ont convergé à Madurai pour s’opposer au projet d’exploitation minière par une filiale de la société Vedanta pour extraire du tungstène sur une surface d’environ 20 km2 à travers 10 villages de Melur taluk.
Les villageois, les militants écologistes et les agriculteurs n’ont cessé d’organiser divers types de protestations, exigeant que le syndicat et le gouvernement de l’État annulent la licence.

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Du pain et des parpaings – No minara 2

Voici l’épisode #22 de l’émission « Du pain et des parpaings » de Radio Pikez à Brest.

Après la dernière émission où nous avons été à Glomel (22) et rencontré deux membres du collectif Mine de rien qui s’oppose à l’extension de la mine d’Imerys, nous poursuivons avec cette 22ème émission sur le sujet de l’extractivisme minier.

En compagnie de Dominique Williams qui suit de près ces dossiers au sein de l’association Eau et Rivières de Bretagne, nous creusons le sujet : quelles logiques sous-tendent l’intensification de l’activité minière dans le monde et son renouveau en France métropolitaine ? Une mine responsable et durable est-elle possible ?

Nous irons en Ariège où Jacques Renoud nous raconte leur combat contre la réouverture de la mine de tungstène à Couflens et la saga judiciaire face à Variscan Mines. Et en Bretagne, Dominique Williams nous parle des nouvelles prospections minières et des actions qu’Eau et Rivières de Bretagne met déjà en place pour les contrer.

Voici le lien pour écouter et télécharger l’émission : https://hearthis.at/radiopikez/set/du-pain-et-des-parpaings/

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Uranium : Orano signe un accord avec la Mongolie

pompé sur La Tribune

Uranium : Orano signe un accord avec la Mongolie

Photo d’illustrationLe groupe public français a signé avec le pays d’Asie de l’Est un accord pour l’exploitation d’une grande mine d’uranium, importante pour les centrales nucléaires françaises.

Orano Mining est présent depuis 25 ans en Mongolie via les activités minières d'Areva que le groupe a repris.

JEAN-PAUL PELISSIER

Nouvel accord minier pour le groupe public français Orano (ex-Areva). Il a signé ce vendredi à Oulan-Bator avec la Mongolie pour pouvoir exploiter une vaste mine d’uranium. Un investissement présenté par Paris comme important pour l’approvisionnement des centrales françaises.

L’accord a été signé par le ministre français délégué chargé du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, et par le directeur général d’Orano, Nicolas Maes, a constaté une journaliste de l’AFP. « C’est un contrat important en matière de souveraineté énergétique et d’autonomie stratégique », ont déclaré les services de Laurent Saint-Martin. Cet accord « concrétise l’ambition française de sécurisation, pour les prochaines décennies, de son approvisionnement en uranium », ont-ils par ailleurs indiqué dans un communiqué.

Des discussions entamées plus de 2 ans auparavant

Ce projet franco-mongol est développé depuis plusieurs années par Badrakh Energy, la co-entreprise entre Orano et l’entreprise publique mongole MonAtom. Et cette signature, qui concrétise la bonne santé des liens bilatéraux, se faisait attendre depuis octobre 2023. A cette époque, le protocole d’accord sur l’exploitation de ce site avait été paraphé en France lors d’une visite d’État du président mongol Ukhnaa Khurelsukh. Les discussions ont, en effet, débuté entre Orano et le gouvernement mongol il y a plus de deux ans.

Les détails de l’accord final ne sont pas connus dans l’immédiat, mais devraient l’être vendredi dans la journée. Selon un communiqué du gouvernement mongol cité par la presse et diffusé en 2024, l’accord prévoyait un investissement total de 1,6 milliard de dollars avec une mise initiale de 500 millions et une première production effective en 2027.

La Mongolie, vaste pays enclavé entre la Chine et la Russie, a misé sur les richesses de son sous-sol pour diversifier et stimuler son économie historiquement basée sur l’agriculture. Outre le cuivre, la Mongolie est un grand exportateur de minerai de fer mais aussi de charbon. De son côté, Orano Mining est présent depuis 25 ans en Mongolie via les activités minières d’Areva que le groupe a repris.

Un gisement «majeur»

D’après Orano, ce gisement d’uranium de Zuuvch-Ovoo, découvert par les géologues de l’entreprise dans le sud-ouest de la Mongolie, est « majeur ». Il possède environ 90.000 tonnes de ressources et devrait être exploité sur trois décennies. Selon les estimations, la production de ce futur site devrait être d’environ 2.500 tonnes par an, soit environ un quart de la consommation annuelle du parc nucléaire français.

Pour la France, assurer la fourniture en uranium des centrales françaises par une entreprise nationale, Orano, détenue à 90% par l’État, est crucial car elle permet de sécuriser les approvisionnements. Point important toutefois : l’uranium extrait ne sera pas uniquement dirigé vers la France, Orano ayant d’autres clients qu’EDF (l’exploitant des centrales françaises).

Et d’après le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie paru jeudi, l’électricité d’origine nucléaire va atteindre un niveau record en 2025, représentant un peu moins de 10% de la production mondiale. Son centre géographique est notamment en train de basculer vers la Chine au détriment de vieux pays nucléaires comme les États-Unis ou la France. En 2023, plus de 410 réacteurs étaient en activité dans plus de 30 pays.

Par ailleurs, en 2022, Orano a produit 7.500 tonnes d’uranium issu de ses sites au Canada, au Kazakhstan et au Niger. Dans ce dernier pays, aux mains de putschistes depuis fin juillet, sa filiale de la Somaïr a dû cesser sa production de concentré d’uranium.

(Avec AFP)

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Au Canada, « la mine est un instrument de torture colonial »

pompé sur médiapart

Au Canada, « la mine est un instrument de torture colonial »

Alors que les projets miniers se multiplient au Canada, menaçant les terres autochtones, certains membres des Premières Nations organisent la lutte face aux entreprises extractivistes et aux gouvernements.

Celia Izoard

MontréalMontréal (Canada).– « La meilleure chose à faire pour le climat, c’est de laisser respirer ces terres », a déclaré Rick Cheechoo après un silence. Sur la carte du Canada épinglée au mur, il les indique en posant délicatement la main sur la zone concernée, comme s’il auscultait un poumon. Pour passer quelques jours de novembre dans ce centre communautaire de Montréal, Rick et d’autres membres de la Première Nation crie ont parcouru 1 400 kilomètres depuis les rives de l’Arctique.

Le nord de la province canadienne de l’Ontario, où ils vivent, abrite l’un des deux plus grands complexes de tourbières au monde. Ces « terres respirantes », comme on les appelle en langue crie, sont le territoire ancestral de neuf Premières Nations différentes qui y pratiquent la trappe (c’est-à-dire le piégeage), la pêche et travaillent le bois. Mais depuis la découverte en 2007 de gisements de nickel, de palladium et de cuivre, il a été rebaptisé « Ring of Fire » par les entreprises minières qui y détiennent des dizaines de permis d’exploration.

Comme le nickel peut servir à la fabrication de batteries et le cuivre à toutes sortes d’usages électriques, le projet prétend opportunément extraire des « minéraux critiques pour la transition ». Pourtant, il nécessite de construire une route de 500 kilomètres et menace un gigantesque puits de carbone naturel comparable aux forêts tropicales, dont la destruction relarguerait de grandes quantités de méthane.

 © Photo Paul Comeau

Selon un groupe de recherche de l’Université Laurentienne de Sudbury, le drainage des tourbières du nord de l’Ontario libérerait dans l’atmosphère l’équivalent des émissions annuelles de 39 milliards de voitures. « Bien sûr, une mine ne va pas tout détruire d’un coup, nuance Louise Nachet, doctorante à l’Université Laval (Québec) sur les enjeux extractifs. Mais une fois la route construite, les écosystèmes risquent d’être menacés par d’autres projets. »

Demande en métaux exponentielle

À Montréal, dans la grande salle du Centre St-Pierre qui bruisse de cris d’enfants et de bavardages, la carte du continent est couverte de points colorés, un pour chacune des localités représentées cette année aux rencontres du Western Mining Action Network, un réseau nord-américain de « communautés affectées par l’extraction minière oji ». La majorité de ces communautés sont des Premières Nations : Algonquins de l’Ontario, Attikameks de Haute-Mauricie, Ojibwés des Grands Lacs…

Toute la journée, dans ces ateliers, on parle de stratégie, de climat, de la santé des caribous. Et on pleure, parfois, comme cette oratrice qui vient d’apprendre que l’unique point d’eau de sa communauté est pollué aux métaux lourds.

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Si les peuples autochtones du Canada – cinquante Premières Nations, ainsi que les Inuits et les Métis – sont confrontés aux industries extractives depuis l’arrivée des Européens, les projets d’extraction de graphite, de lithium, d’uranium ou d’or se multiplient. La demande en métaux est exponentielle, portée par l’industrialisation des Brics, le secteur du numérique, la mise en production de milliards de batteries automobiles et la militarisation globale. Pour soutenir la guerre commerciale des puissances occidentales face à la Chine, le Canada a réaffirmé sa vocation de superproducteur de ressources. Dans les seules provinces du Québec et de l’Ontario, plus de 700 000 permis de recherche ont été accordés, tous en territoires autochtones.

Des métaux pour les industriels français et européens

En cette fin novembre, au congrès Mines + Energie de Québec, le ministère des ressources naturelles réunissait les entreprises minières autour de l’ambition du Québec de devenir le « chef de file mondial en matière de minéraux critiques et stratégiques ». Pour la deuxième année consécutive, on pouvait y croiser un envoyé de Matignon, Benjamin Gallezot, délégué interministériel à l’approvisionnement en minerais et métaux stratégiques (Diamms). En octobre 2023, la France a signé un accord de coopération bilatéral avec le Canada, puis une « déclaration d’intention » avec le Québec sur « les métaux critiques indispensables à la transition énergétique et numérique ». Au printemps 2024, un accord a été conclu avec la province du Saskatchewan pour l’achat d’uranium destiné aux centrales nucléaires.

Le gisement du projet Strange Lake est hautement radioactif, et toutes les communautés qui ont des droits sur ces terres y sont opposées.

« Plusieurs projets au Canada intéressent beaucoup les industriels français et européens », a déclaré le Diamms à la tribune, par exemple, « des terres rares pour approvisionner l’usine Solvay de La Rochelle ». Le géant européen de la chimie a créé en 2022 une nouvelle unité de production d’aimants permanents de haute technologie destinés à l’électronique, aux véhicules électriques, aux drones et aux éoliennes. Les matières premières dont elle a besoin sont le néodyme, le praséodyme, le terbium – des terres rares dont la production est particulièrement polluante. Au Québec, un projet de production baptisé « Strange Lake » a été lancé par l’entreprise canadienne Torngat Metals à 1 000 kilomètres au nord de Montréal, sur la Côte-Nord.

 Infographie Torngat Metals

C’est justement de là que venaient les délicieux homards frits mangés la veille, au Centre St-Pierre de Montréal : c’est un Innu de Sept-Îles, Roger Michel, qui les a pêchés. Dans les années 2010, avec sa communauté et un groupe de médecins, il s’est battu avec succès contre la création de mines d’uranium au nord du Québec. Aujourd’hui, Torngat Metals compte exploiter un gisement de la même zone, cette fois pour en extraire des terres rares.

« Ce gisement est hautement radioactif, et toutes les communautés qui ont des droits sur ces terres sont opposées au projet Strange Lake – les Innus, les Inuits et les Naskapis », a expliqué Marc Fafard, un ancien ingénieur, qui vit parmi les Innus depuis trente ans et travaille comme consultant juridique auprès des communautés autochtones. Le projet de mine, lui aussi présenté comme « indispensable à la lutte contre le changement climatique », est situé près du lac Brisson où plusieurs communautés chassent le caribou et pêchent une partie de l’année.

Pour le raffinage du minerai, une usine serait construite sur la Côte-Nord, dans la zone industrielle de Sept-Îles, juste à côté de la réserve de Uashat où vivent 1 500 personnes. Ces Innu·es, encore nomades il y a quelques décennies, ont déjà payé un lourd tribut à l’extraction minière. En 1949, ils ont été sédentarisés de force dans cette réserve pour permettre la mise en exploitation d’une mine de fer située à 300 kilomètres de là.

Traumatisme colonial

La raffinerie de Torngat Metals se trouverait à quelques centaines de mètres de la réserve. Elle concentrerait mille tonnes de terres rares par jour au moyen d’acides et de solvants, ce qui générerait des millions de tonnes de résidus radioactifs. Ce bassin toxique d’un kilomètre carré se trouverait aussi « à proximité du lac des Rapides où la ville puise maintenant notre eau potable, puisque toutes les autres nappes phréatiques sont contaminées par l’industrie », détaille Marc Fafard. Malgré l’opposition de la majorité des habitant·es, un fonds de l’État fédéral « pour l’infrastructure des minéraux critiques » vient d’attribuer au projet une subvention de 10 millions de dollars canadiens.

Les entreprises s’appuient sur le traumatisme des communautés autochtones pour avancer leurs projets.

Le Canada s’est engagé depuis une vingtaine d’années dans une politique nationale de « réconciliation » vis-à-vis des peuples autochtones. En 2008, le pays a présenté des excuses officielles pour le « génocide culturel » qu’a constitué le système des pensionnats, clé de voûte du système colonial. Entre 1894 et le milieu des années 1990, les enfants autochtones ont été systématiquement enlevés à leurs familles dès 6 ou 7 ans et placés dans des pensionnats religieux. Les élèves y étaient punis s’ils parlaient leur langue et ont souvent subi des violences physiques et sexuelles. Des milliers d’entre eux, morts de malnutrition et de mauvais traitements, n’en sont jamais revenus.

© Photo Paul Comeau

« Les addictions, les suicides d’adolescents, les violences… énumère Elysia Petrone, avocate d’origine ojibwée basée à Thunder Bay, au bord du lac Supérieur. Ce que nous vivons dans les réserves résulte en partie de ce traumatisme intergénérationnel. À cause de tous ces problèmes, les communautés renoncent souvent à lutter contre les projets miniers, poursuit cette membre de Mining Watch Canada venue assister à la rencontre au Centre St-Pierre. Les entreprises s’appuient sur le traumatisme des communautés autochtones pour avancer leurs projets. »

Le titre autochtone

La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît l’existence d’un titre autochtone (on parle aussi d’un titre aborigène) sur des terres, lorsque les Autochtones occupent des territoires que leurs ancêtres habitaient lors du contact avec les Européens, qu’un principe de continuité peut être établi entre l’occupation première et actuelle, et que ce titre n’a jamais été cédé de quelque façon que ce soit. Le titre autochtone est un droit territorial collectif et inaliénable, sauf par le gouvernement fédéral. En d’autres termes, il constitue un droit ancestral, mais différent des autres droits ancestraux également reconnus par la Loi constitutionnelle, car il comporte un droit d’utilisation qui ne se limite pas à des usages traditionnels.

En théorie, le Canada respecte la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) : un projet minier ne peut être réalisé sans leur « consentement préalable, libre et éclairé ». Mais « le système du free mining, qui date des ruées vers l’or du XIXsiècle, contrevient directement à ce principe », explique Rodrigue Turgeon, avocat et porte-parole du réseau Pour que le Québec ait meilleure mine. En un clic, n’importe quelle entreprise peut obtenir un permis d’exploration sur un territoire sans même en avertir les communautés détentrices de droits. Ce permis lui permet de construire un camp, de réaliser des forages et d’autres activités de prospection. Rodrigue Turgeon qualifie ce régime minier d’« instrument de torture colonial ».

Les Algonquins du lac Barrière font partie des rares Premières Nations à avoir trouvé les moyens de se défendre, avec l’appui du Centre québécois du droit de l’environnement. Le 18 octobre dernier, la Cour suprême leur a donné raison contre le gouvernement du Québec, qui avait attribué des permis d’exploration sans les consulter. Cette jurisprudence pourrait aboutir à invalider rétrospectivement des dizaines de milliers de permis attribués selon la même procédure en un clic. Mais le 4 décembre, le gouvernement a fait appel de cette décision. Une situation emblématique de l’ambivalence de l’État canadien, dont les ambitions extractivistes contredisent le repentir colonial.

Actions autochtones pour le climat

En 2015, dans son rapport sur le système des pensionnats, la Commission de vérité et réconciliation concluait que cette réconciliation nécessitait de « reconnaître les torts qui ont été causés, d’expier les causes et d’agir pour changer les comportements ». Le Canada peut-il « expier les causes » tout en cherchant à devenir un « fournisseur mondial de métaux critiques » ? « Les pensionnats étaient une manière pour les colonisateurs de s’approprier les terres, rappelle Donna Ashamock, membre de Mining Watch Canada, installée dans la communauté crie de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug (« le lac de la grosse truite »), au nord de l’Ontario. Déraciner les enfants autochtones servait à faire place nette pour les activités extractives : mines, industrie forestière, barrages. Je ne peux pas me réconcilier avec le colonisateur s’il ne démonte pas sa propre maison. Et l’extraction de ressources est le pilier de sa maison. »

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Au Canada, des autochtones se réapproprient leur territoire perdu

Donna Ashamock fait partie d’Indigenous Climate Action, un réseau d’entraide « ancré dans les communautés et porté par la jeune génération » qui s’organise avec des peuples premiers du monde entier. Ce réseau valorise les pratiques de subsistance autochtones face à la catastrophe écologique et récuse les ententes « Répercussions et avantages » proposées aux Premières Nations par les entreprises minières. « La mine apporte une vie où l’on ne peut plus boire l’eau des lacs et pêcher, où les animaux sont malades, conclut-elle. Une vie où on doit tout acheter, il n’y a rien de plus fragile. Si nous conservons l’eau, les terres et la biodiversité, il nous restera quelque chose pour résister au changement climatique. »

Celia Izoard

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émission de radio

Une nouvelle émission sur « Du pain et des parpaings »

Cette émission nous parle de la
« carrière » de Glomel, dans le centre-bretagne, à écouter sur :
https://hearthis.at/radiopikez/dpedp21-nominaran-1/

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Mine de pouzzolane: les tensions augmentent d’un cran

[pompé sur lesoleil]

Les tensions entre les partisans du projet d’exploitation de mine de pouzzolane à Dalhousie et les opposants à cette initiative montent d’un cran depuis quelques semaines. Les supporteurs de la mine ont pris pratiquement toute la place lundi soir lors d’une courte assemblée ayant débouché sur un changement de zonage favorable au projet.

La Ville de Baie-des-Hérons, au Nouveau-Brunswick, dont l’arrondissement Dalhousie fait partie, tient désormais ses réunions municipales dans une salle d’une capacité de 45 à 50 personnes, comparativement à un auditorium de quelques centaines de places, comme ce fut le cas quelques fois jusqu’à la fin de septembre.Lundi, les supporteurs du projet ont convergé vers le secteur de l’hôtel de ville quelques heures avant le début de l’assemblée portant sur la troisième lecture du nouveau règlement de zonage portant sur l’exploitation des ressources dans les limites de Baie-des-Hérons. L’intention était claire, occuper le plus de sièges possibles dans la salle du conseil municipal.

Ce projet génère de l’opposition à Baie-des-Hérons, mais aussi du côté gaspésien de la baie des Chaleurs, notamment à Miguasha, un secteur de Nouvelle, et à Escuminac, en raison de la grande proximité géographique des deux rives, séparées de quatre à cinq kilomètres de l’emplacement minier.

Une alliance entre ces opposants a pris forme au cours de l’été, puisque des citoyens néobrunswickois et québécois sont inquiets des conséquences d’une éventuelle exploitation de la mine sur leur santé, par le biais des poussières, du bruit, de la pollution découlant d’un éventuel dragage du port de Dalhousie, sans compter l’impact sur le paysage.«Nous devions nous rendre à la réunion de lundi, mais nous avons reçu un appel de membres du groupe avec qui nous travaillons étroitement. Ils nous ont dit de ne pas nous présenter, pour notre sécurité. Nous avons annulé notre déplacement, que ce soit par autobus ou en covoiturant», précise Lisa Mosher, de Miguasha.

Mme Mosher et son conjoint Jean-Marc Beaulieu ont suivi l’assemblée par le biais d’images transmises par la poignée d’opposants au projet ayant réussi à entrer dans la salle du conseil, très majoritairement occupée par des partisans de la mine, selon Radio-Canada Atlantique.

«Nous avions assisté à toutes les réunions des six derniers mois. L’atmosphère a complètement changé. Ça empire comme climat de tensions. Il y avait six personnes s’opposant à la mine et 45 personnes favorables. Les partisans sont très bruyants. Ce sont surtout des hommes, ils sont costauds et ils sont volontairement intimidants», note Lisa Mosher.

«Les partisans ne sont pas de Dalhousie, mais des communautés environnantes, comme Balmoral et Kedgwick», ajoute Jean-Marc Beaulieu. Le maire les appelle les fans du projet. Ce ne sont pas des citoyens de la ville. Ils n’y votent pas, comparativement aux opposants vivant à Baie-des-Hérons», enchaîne Mme Mosher.

«On dirait davantage un mouvement anti-Québécois qu’un mouvement pour la mine. Quand on regarde les commentaires sur les médias sociaux du camp du oui, c’est très menaçant. Ils n’aiment vraiment pas les Québécois. Ils disent qu’on vole leurs emplois. Ce sont pourtant des francophones. Ils semblent aussi oublier que c’est une compagnie québécoise qui veut ouvrir la mine», disent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.

La suite

Dans ce climat tendu, les opposants à l’exploitation de la pouzzolane mettent l’accent sur les aspects réglementaires du projet, en tentant de lui trouver des failles, en appui à leurs alliés néo-brunswickois.

«Nous pensons que le processus du changement de zonage pourrait avoir contourné trois règles. C’est le gouvernement du Nouveau-Brunswick qui décidera. On craint que ce soit accepté tel quel. Le nouveau gouvernement de Susan Holt ne s’est pas prononcé sur le projet», souligne Lisa Mosher.

Son conjoint et elle se préparent en vue de l’étude d’impact environnemental qui aura lieu au Nouveau-Brunswick, étude qui sera tenue en 2025 et 2026, de même que pour l’évaluation du gouvernement fédéral attendue en raison du dragage des sédiments du chenal menant au port de Dalhousie.

Ce port est inactif depuis 10 ans et la rivière Restigouche, alimentée par plusieurs affluents, a encombré ce chenal.

«C’est notre principal espoir, parce que ce sont des eaux interprovinciales. Des rivières à saumon se trouvent en amont et il y a une pêche commerciale du homard dans ces eaux», précise Misa Mosher.

Le couple aurait souhaité un appui plus prononcé de la part des élus de la MRC d’Avignon et de leur préfet, Mathieu Lapointe. Jusqu’à maintenant, le principal appui institutionnel est venu d’une proposition déposée par le Parti québécois et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 29 novembre.

Cette proposition demande au gouvernement du Nouveau-Brunswick de considérer l’impact du projet sur le côté québécois de la baie des Chaleurs. L’Assemblée nationale appuie du même élan la Direction de la santé publique, qui réalisera sa propre étude portant sur l’impact éventuel de la mine sur la population gaspésienne.

«Nous n’arrivons pas à convaincre les municipalités d’Avignon à signer notre document contre le projet, excepté Escuminac. On aurait aimé plus de leadership dans la MRC d’Avignon. Les élus attendent l’étude d’impact environnemental du Nouveau-Brunswick avant de procéder. À notre avis, il sera trop tard à ce moment», déplorent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.

Mathieu Lapointe a indiqué plus tôt cet automne qu’il attendait d’avoir plus d’information avant de se prononcer au sujet de la mine de pouzzolane.

Elle possède l’avantage d’avoir déjà été chauffée, contrairement au calcaire constituant le principal élément du ciment. La direction d’EcoRock y voit un avantage environnemental en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). Son extraction génère toutefois des GES, comme le calcaire, principal intrant du ciment.

EcoRock Dalhousie note que le gisement visé recèle environ 200 millions de tonnes de pouzzolane et souhaite y extraire un volume de 3 millions de tonnes annuellement. Le dragage du port de Dalhousie serait nécessaire pour l’exportation de la matière vers l’Europe dans des navires de 70 000 tonnes.

Le projet pourrait créer 168 emplois et nécessiterait un investissement de 300 millions de dollars. Dalhousie a perdu ses trois industries principales entre 2008 et 2012, à savoir une usine de pâtes et papiers, une usine de production de produits chimiques et une centrale thermique fonctionnant aux carburants fossiles.

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Sénégal : Eramet, CGO et le Zircon

Exploitation du Zircon : Eramet-GCO, un scandale financier et environnemental qui dérange

[pompé sur timisactu]

L’exploitation du zircon au Sénégal par Grande Côte Opération (GCO), filiale du groupe français Eramet, est aujourd’hui au centre d’une controverse majeure. L’audit financier annoncé récemment par la Société des Mines du Sénégal (Somisen) pourrait bien éclairer des pratiques opaques qui suscitent la colère des citoyens et des activistes. Entre soupçons de fraude financière et atteintes à l’environnement, ce dossier s’impose comme une affaire d’État.

Des bénéfices évanescents pour le Sénégal

Malgré la participation à hauteur de 10 % de l’État sénégalais dans le capital de GCO, aucun dividende n’a été reversé à ce dernier depuis le début des opérations. En lieu et place de profits partagés, GCO met en avant des dettes jugées invérifiables pour justifier des contributions minimales sous forme de redevances. Ces sommes, bien en deçà des bénéfices réels engendrés par l’exploitation de cette ressource stratégique, suscitent des interrogations légitimes sur la gestion financière de la société.

Un élément clé de cette controverse réside dans le contrat liant GCO à Emas, une autre entité sous contrôle d’Eramet. Par ce biais, le zircon est vendu à un prix trois fois inférieur à celui du marché international, privant ainsi l’État sénégalais de revenus significatifs. Ce montage financier, perçu comme un stratagème visant à minimiser les obligations fiscales et sociales, est une illustration parfaite des pratiques déloyales souvent dénoncées dans le secteur extractif en Afrique.

Un coût environnemental écrasant

Au-delà des implications financières, l’exploitation du zircon par GCO a des conséquences environnementales catastrophiques. Les plages et terres agricoles voisines, riches en biodiversité, subissent une destruction irréversible due à l’extraction minérale. Les activités de GCO affectent directement les écosystèmes locaux, perturbant non seulement la faune et la flore, mais également les moyens de subsistance des communautés riveraines.

Les populations locales dénoncent l’absence de mesures compensatoires suffisantes pour réparer les dégâts écologiques. La rarefaction des terres cultivables et les problèmes de pollution affectant les nappes phréatiques sont autant de preuves que l’équilibre environnemental est gravement compromis. À cela s’ajoute un manque flagrant de transparence dans la conduite des études d’impact environnemental, accentuant la méfiance envers GCO et ses dirigeants.

Une nécessaire mobilisation pour la justice

Face à ces dérives, l’annonce de l’audit par la Somisen est perçue comme une lueur d’espoir. Cet examen minutieux pourrait permettre de révéler l’ampleur des pratiques douteuses et de redéfinir les termes d’une exploitation plus équitable et durable des ressources naturelles du Sénégal. Toutefois, pour qu’une véritable justice soit rendue, une volonté politique forte et une mobilisation citoyenne s’imposent.

Cette affaire souligne une fois de plus la nécessité pour les pays africains de renforcer la réglementation dans le secteur extractif et d’assurer une meilleure gouvernance des ressources naturelles. Le scandale Eramet-GCO n’est pas seulement une question locale, mais un rappel global des risques liés à l’exploitation irresponsable des richesses du sous-sol.


Au Sénégal, la ruée vers le zircon menace le désert de Lompoul

[pompé sur lemonde]

A mi-chemin entre Dakar et Saint-Louis, l’énorme drague flottante de la société Grande Côte Opérations avale le sable à la recherche du précieux minerai.

Tels des monstres tentaculaires, les machines reliées par d’épais tuyaux flottant sur un bassin artificiel avancent doucement sur la dune. La mine mobile de la société Grande Côte Opérations (GCO) se rapproche de son but : le désert de Lompoul, à 200 kilomètres au nord de Dakar. Un site très touristique, à mi-chemin entre la capitale sénégalaise et Saint-Louis, qui regorge de minerais, notamment de zircon.

Comme l’ilménite et le rutile, ce minerai utilisé en joaillerie, dans l’industrie nucléaire et le secteur automobile est extrait des sables. Détenue à 90 % par le groupe français Eramet et à 10 % par l’Etat du Sénégal, GCO en est désormais le quatrième producteur mondial. L’entreprise, qui a produit plus de 750 000 tonnes de concentré de sables minéralisés en 2022, dont 15 % de zircon, voit grand. « Notre production va augmenter entre 2024 et 2027, anticipe Guillaume Kurek, son directeur général, car la première partie du désert de Lompoul a une forte teneur en minerai et les dunes sont hautes. »

Le projet de plus de 800 millions d’euros d’investissement est ambitieux : la zone minière qui se déplace de trente mètres par jour s’étend sur plus d’un kilomètre et progresse sur la dune côtière entre la bande de filaos, des arbres plantés pour fixer les dunes, et la zone de maraîchage. En amont, les machines défrichent le terrain, où se trouvent des arbres, des champs, des routes ou des habitations qui sont rasés ou déplacés. Suit la drague flottant sur un bassin artificiel qui pompe le sable, envoyé par de larges tuyaux jusqu’à l’imposante unité de concentration – elle aussi flottante – qui sépare le sable minéralisé du sable ordinaire rejeté à l’arrière de l’unité. Seuls 2 % des 150 000 tonnes de sable traitées chaque jour sont conservés.

A l’arrière, des machines réhabilitent le terrain, en essayant de respecter une topographie similaire au paysage qui a été rasé. Mais l’arrivée de la mine mobile au niveau du désert de Lompoul inquiète les populations, qui craignent que le complexe industriel abîme l’environnement et nuise au tourisme.

Le projet fou de construire une « oasis du désert »

« C’est peine perdue de résister à l’arrivée de la mine », se lamente Justin Sarr, réceptionniste du Camp du désert, un terrain piqué de tentes blanches au creux d’une dune de sable orangé, au milieu des eucalyptus, où il travaille depuis cinq ans. La fermeture du campement est prévue en octobre 2023. « Est-ce que je vais trouver un travail où je vais avoir la même passion que dans le désert ? », se demande le jeune homme.

Même si GCO a promis des contreparties, la même question hante les habitants du village de Lompoul, d’où partent les excursions dans le désert. Pape Yerim Sow vend de l’artisanat local et joue du djembé le soir autour du feu dans les campements. « Toutes mes activités dépendent des touristes. S’il y a la mine, je perds tout », s’insurge le père de famille. « A nous, les impactés indirects, GCO n’a rien proposé car ils vont indemniser seulement ceux qui occupent le désert », critique Pape Yerim Sow, qui pense à déménager dans une autre zone touristique comme Saint-Louis ou le delta du Sine Saloum.

Le campement touristique Le Camp du désert, près des dunes de Lompoul, le 5 mai 2023. e campement touristique Le Camp du désert, près des dunes de Lompoul, le 5 mai 2023.

Pour répondre à ces impacts, GCO s’est lancée dans le projet fou de construire une « oasis du désert » de toutes pièces, sur un terrain où est déjà passée la drague, à dix kilomètres du site touristique actuel. Le chantier, encore en cours, a commencé en juillet 2022 et doit se terminer avant que les campements ne ferment pour éviter l’interruption du tourisme. « Nous avons reconstitué la dune originale, planté une palmeraie sur huit hectares, avec au milieu un plan d’eau de 2 000 m2. Nous allons aussi aménager le littoral qui n’est pas loin », détaille Samba Fall, chef du projet pour GCO.

Car l’objectif est d’inciter les touristes à rester plus d’une nuit sur le site. « Cette oasis nous permettra de répondre aux emplois indirects, qui ne sont pas intégrés dans la démarche de compensation obligatoire, et donc de maintenir l’activité des petites restaurations, des loisirs sportifs, des balades en chameaux, des prestations artistiques ou de la vente d’artisanat », espère M. Kurek.

L’inquiétude des acteurs du tourisme

Ces infrastructures construites par la société minière pour un budget total de 5 millions d’euros seront ensuite transférées à la Sapco, société publique d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques au Sénégal qui aura la charge de trouver les opérateurs. « Nous avons fait un premier tour de table avec les propriétaires des lodges actuels car ils connaissent déjà les circuits touristiques et sont connectés avec les touropérateurs », explique M. Kurek.

Mais les acteurs touristiques ont encore des inquiétudes sur les modalités d’attribution de la gestion du lieu. « Pour l’instant, il n’y a pas grand-chose de construit », constate Abdou Ba, gérant du Camp du désert, après avoir visité le chantier de l’oasis de GCO. « C’est luxueux, il y aura une piscine, mais ce n’est pas ce que nous voulons. Nous souhaitons recevoir des dédommagements pour lancer notre propre projet sur un autre terrain », continue le professionnel du tourisme. Des négociations sont encore en cours pour évaluer le montant des compensations distribuées aux entreprises touristiques.

Le campement touristique Le Camp du désert, près des dunes de Lompoul, le 5 mai 2023.

A quelques mètres du bord du bassin où tourne la gigantesque usine de concentration se trouvent toujours de petites maisons blanches devant lesquelles du linge coloré est en train de sécher. Ces habitants n’ont pas suivi la délocalisation du village de Thiokhmat, qui est sur le chemin de la mine vers le désert de Lompoul.

« Il arrive que les négociations prennent du temps, donc nous nous retrouvons avec des hameaux autour de la drague, ce qui n’était pas prévu », reconnaît Ousmane Goudiaby, chef de département des relations avec les communautés de GCO, alors que la mine n’a jamais été aussi proche des habitations. Depuis le début de l’exploitation, trois villages et 2 000 personnes ont été déplacés vers des « villages modernes ». Mais « les mines ont souvent un souci avec une opinion négative sur leur impact environnemental », admet M. Goudiaby.

Autre enjeu : l’accès au foncier

Quelques activistes se mobilisent alors pour dénoncer le projet, notamment en pointant du doigt la grosse consommation en eau de l’industrie minière. « Les pistes construites en latérite manquent d’entretien et déposent de la poussière sur nos cultures », critique aussi Cheikh Fall, du collectif de la zone des Niayes, zone agricole où évolue la mine. Il ajoute qu’avec le défrichement et malgré le reboisement, des « plantes originales ont disparu » et « les sols se sont appauvris. » GCO reconnaît que « le sable a perdu sa couche fertile » et ajoute qu’ils travaillent à « amender le sol avec du fumier et en plantant des arbustes », répond M. Goudiaby.

L’autre enjeu est l’accès au foncier, alors que 85 hectares réhabilités ont été rendus à l’Etat sénégalais et que 1 000 hectares devraient être rendus les cinq prochaines années selon le directeur général M. Kurek. « Mais rien de revient aux populations », s’inquiète Serigne Maar Sow, président de l’alliance des jeunes pour le développement de Lompoul village, qui assure que des agriculteurs et des éleveurs ont perdu leurs terres.

De son côté, GCO fait valoir sa politique sociale et environnementale. « La partie relocalisation et communauté représente 14 % de nos dépenses courantes, soit le troisième poste de dépense après l’énergie et la masse salariale », révèle M. Kurek. Si elle reconnaît que l’impact sur son environnement est certain, GCO met en avant en contrepartie son rôle dans l’économique de la région et du Sénégal.

« Nous avons créé plus de 2 000 emplois locaux et nous sommes le sixième contributeur au budget de l’Etat en termes de société minière, en plus d’apporter des devises, se vante M. Kurek, patron de la société qui fait 300 millions d’euros de chiffre d’affaires. A travers les emplois, les achats et les taxes, les retombées correspondent à plus de 120 millions d’euros pour le Sénégal. »

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Grands projets industriels : l’État veut supprimer les consultations citoyennes

[pompé sur reporterre]

Le jour même du vote de la censure du gouvernement de Michel Barnier, la nouvelle est passée presque inaperçue. Mercredi 4 décembre, le gouvernement renversé a mis en consultation un projet de décret qui entend modifier les catégories de projets soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP). L’exécutif veut exclure du champ de la CNDP tout projet industriel dont le coût serait supérieur à 300 millions d’euros, sous prétexte d’accélérer la réindustrialisation du pays.

Cette autorité indépendante, créée en 1995 par Michel Barnier, alors ministre de l’Environnement, s’assure que le public est bien concerté dans l’élaboration des projets ayant un impact sur l’environnement. C’était par exemple le cas pour l’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier ou la création d’usines de batteries électriques dans le Nord.

Consultation en ligne jusqu’au 27 décembre

Si les recommandations recueillies par la CNDP ne sont pas contraignantes, elles peuvent jouer un rôle important. Dans 60 % des cas, le projet en ressort modifié. En 2022, l’instance avait conclu que le projet éolien offshore au large de l’île d’Oléron ne suscitait « aucun consentement de la population ». Face à ces résultats, l’État avait retenu un autre lieu.

Le décret gouvernemental est soumis à une consultation publique en ligne jusqu’au vendredi 27 décembre. Pour l’heure, il a fait l’objet de 2 500 contributions, majoritairement négatives. Le projet suscite également une levée de boucliers parmi les associations environnementales.

« Ce projet de décret montre que l’État a peur de la parole citoyenne »

Pour l’association Générations futures, « sous couvert d’accélérer la réalisation de projets industriels », ce texte est « une nouvelle régression du droit à l’environnement ». Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP, estime que, si le décret est adopté, « la population n’aura plus son mot à dire sur ces projets et elle ne sera même pas informée de leur existence, de leur impact, de leur coût… ».

Or, ces projets liés à la décarbonation de l’industrie, et donc à la transition écologique, « méritent d’être débattus, car ils sont au cœur de la transformation des territoires », insiste-t-elle. Lors des débats, « il n’y a pas de tabou, les citoyens peuvent parler de tout et avoir accès à des informations fiables pour se forger un avis ». Pour Ilaria Casillo, « ce projet de décret montre que l’État a peur de la parole citoyenne ».

Ce n’est pas la première fois que la CNDP est dans le viseur de l’exécutif. L’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait tenté de la supprimer au printemps avec le projet de loi de simplification, finalement interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale.

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