Les tensions entre les partisans du projet d’exploitation de mine de pouzzolane à Dalhousie et les opposants à cette initiative montent d’un cran depuis quelques semaines. Les supporteurs de la mine ont pris pratiquement toute la place lundi soir lors d’une courte assemblée ayant débouché sur un changement de zonage favorable au projet.
La Ville de Baie-des-Hérons, au Nouveau-Brunswick, dont l’arrondissement Dalhousie fait partie, tient désormais ses réunions municipales dans une salle d’une capacité de 45 à 50 personnes, comparativement à un auditorium de quelques centaines de places, comme ce fut le cas quelques fois jusqu’à la fin de septembre.Lundi, les supporteurs du projet ont convergé vers le secteur de l’hôtel de ville quelques heures avant le début de l’assemblée portant sur la troisième lecture du nouveau règlement de zonage portant sur l’exploitation des ressources dans les limites de Baie-des-Hérons. L’intention était claire, occuper le plus de sièges possibles dans la salle du conseil municipal.
Ce projet génère de l’opposition à Baie-des-Hérons, mais aussi du côté gaspésien de la baie des Chaleurs, notamment à Miguasha, un secteur de Nouvelle, et à Escuminac, en raison de la grande proximité géographique des deux rives, séparées de quatre à cinq kilomètres de l’emplacement minier.
Une alliance entre ces opposants a pris forme au cours de l’été, puisque des citoyens néobrunswickois et québécois sont inquiets des conséquences d’une éventuelle exploitation de la mine sur leur santé, par le biais des poussières, du bruit, de la pollution découlant d’un éventuel dragage du port de Dalhousie, sans compter l’impact sur le paysage.«Nous devions nous rendre à la réunion de lundi, mais nous avons reçu un appel de membres du groupe avec qui nous travaillons étroitement. Ils nous ont dit de ne pas nous présenter, pour notre sécurité. Nous avons annulé notre déplacement, que ce soit par autobus ou en covoiturant», précise Lisa Mosher, de Miguasha.
Mme Mosher et son conjoint Jean-Marc Beaulieu ont suivi l’assemblée par le biais d’images transmises par la poignée d’opposants au projet ayant réussi à entrer dans la salle du conseil, très majoritairement occupée par des partisans de la mine, selon Radio-Canada Atlantique.
«Nous avions assisté à toutes les réunions des six derniers mois. L’atmosphère a complètement changé. Ça empire comme climat de tensions. Il y avait six personnes s’opposant à la mine et 45 personnes favorables. Les partisans sont très bruyants. Ce sont surtout des hommes, ils sont costauds et ils sont volontairement intimidants», note Lisa Mosher.
«Les partisans ne sont pas de Dalhousie, mais des communautés environnantes, comme Balmoral et Kedgwick», ajoute Jean-Marc Beaulieu. Le maire les appelle les fans du projet. Ce ne sont pas des citoyens de la ville. Ils n’y votent pas, comparativement aux opposants vivant à Baie-des-Hérons», enchaîne Mme Mosher.
«On dirait davantage un mouvement anti-Québécois qu’un mouvement pour la mine. Quand on regarde les commentaires sur les médias sociaux du camp du oui, c’est très menaçant. Ils n’aiment vraiment pas les Québécois. Ils disent qu’on vole leurs emplois. Ce sont pourtant des francophones. Ils semblent aussi oublier que c’est une compagnie québécoise qui veut ouvrir la mine», disent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.
La suite
Dans ce climat tendu, les opposants à l’exploitation de la pouzzolane mettent l’accent sur les aspects réglementaires du projet, en tentant de lui trouver des failles, en appui à leurs alliés néo-brunswickois.
«Nous pensons que le processus du changement de zonage pourrait avoir contourné trois règles. C’est le gouvernement du Nouveau-Brunswick qui décidera. On craint que ce soit accepté tel quel. Le nouveau gouvernement de Susan Holt ne s’est pas prononcé sur le projet», souligne Lisa Mosher.
Son conjoint et elle se préparent en vue de l’étude d’impact environnemental qui aura lieu au Nouveau-Brunswick, étude qui sera tenue en 2025 et 2026, de même que pour l’évaluation du gouvernement fédéral attendue en raison du dragage des sédiments du chenal menant au port de Dalhousie.
Ce port est inactif depuis 10 ans et la rivière Restigouche, alimentée par plusieurs affluents, a encombré ce chenal.
«C’est notre principal espoir, parce que ce sont des eaux interprovinciales. Des rivières à saumon se trouvent en amont et il y a une pêche commerciale du homard dans ces eaux», précise Misa Mosher.
Le couple aurait souhaité un appui plus prononcé de la part des élus de la MRC d’Avignon et de leur préfet, Mathieu Lapointe. Jusqu’à maintenant, le principal appui institutionnel est venu d’une proposition déposée par le Parti québécois et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 29 novembre.
Cette proposition demande au gouvernement du Nouveau-Brunswick de considérer l’impact du projet sur le côté québécois de la baie des Chaleurs. L’Assemblée nationale appuie du même élan la Direction de la santé publique, qui réalisera sa propre étude portant sur l’impact éventuel de la mine sur la population gaspésienne.
«Nous n’arrivons pas à convaincre les municipalités d’Avignon à signer notre document contre le projet, excepté Escuminac. On aurait aimé plus de leadership dans la MRC d’Avignon. Les élus attendent l’étude d’impact environnemental du Nouveau-Brunswick avant de procéder. À notre avis, il sera trop tard à ce moment», déplorent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.
Mathieu Lapointe a indiqué plus tôt cet automne qu’il attendait d’avoir plus d’information avant de se prononcer au sujet de la mine de pouzzolane.
Elle possède l’avantage d’avoir déjà été chauffée, contrairement au calcaire constituant le principal élément du ciment. La direction d’EcoRock y voit un avantage environnemental en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). Son extraction génère toutefois des GES, comme le calcaire, principal intrant du ciment.
EcoRock Dalhousie note que le gisement visé recèle environ 200 millions de tonnes de pouzzolane et souhaite y extraire un volume de 3 millions de tonnes annuellement. Le dragage du port de Dalhousie serait nécessaire pour l’exportation de la matière vers l’Europe dans des navires de 70 000 tonnes.
Le projet pourrait créer 168 emplois et nécessiterait un investissement de 300 millions de dollars. Dalhousie a perdu ses trois industries principales entre 2008 et 2012, à savoir une usine de pâtes et papiers, une usine de production de produits chimiques et une centrale thermique fonctionnant aux carburants fossiles.
L’exploitation du zircon au Sénégal par Grande Côte Opération (GCO), filiale du groupe français Eramet, est aujourd’hui au centre d’une controverse majeure. L’audit financier annoncé récemment par la Société des Mines du Sénégal (Somisen) pourrait bien éclairer des pratiques opaques qui suscitent la colère des citoyens et des activistes. Entre soupçons de fraude financière et atteintes à l’environnement, ce dossier s’impose comme une affaire d’État.
Des bénéfices évanescents pour le Sénégal
Malgré la participation à hauteur de 10 % de l’État sénégalais dans le capital de GCO, aucun dividende n’a été reversé à ce dernier depuis le début des opérations. En lieu et place de profits partagés, GCO met en avant des dettes jugées invérifiables pour justifier des contributions minimales sous forme de redevances. Ces sommes, bien en deçà des bénéfices réels engendrés par l’exploitation de cette ressource stratégique, suscitent des interrogations légitimes sur la gestion financière de la société.
Un élément clé de cette controverse réside dans le contrat liant GCO à Emas, une autre entité sous contrôle d’Eramet. Par ce biais, le zircon est vendu à un prix trois fois inférieur à celui du marché international, privant ainsi l’État sénégalais de revenus significatifs. Ce montage financier, perçu comme un stratagème visant à minimiser les obligations fiscales et sociales, est une illustration parfaite des pratiques déloyales souvent dénoncées dans le secteur extractif en Afrique.
Un coût environnemental écrasant
Au-delà des implications financières, l’exploitation du zircon par GCO a des conséquences environnementales catastrophiques. Les plages et terres agricoles voisines, riches en biodiversité, subissent une destruction irréversible due à l’extraction minérale. Les activités de GCO affectent directement les écosystèmes locaux, perturbant non seulement la faune et la flore, mais également les moyens de subsistance des communautés riveraines.
Les populations locales dénoncent l’absence de mesures compensatoires suffisantes pour réparer les dégâts écologiques. La rarefaction des terres cultivables et les problèmes de pollution affectant les nappes phréatiques sont autant de preuves que l’équilibre environnemental est gravement compromis. À cela s’ajoute un manque flagrant de transparence dans la conduite des études d’impact environnemental, accentuant la méfiance envers GCO et ses dirigeants.
Une nécessaire mobilisation pour la justice
Face à ces dérives, l’annonce de l’audit par la Somisen est perçue comme une lueur d’espoir. Cet examen minutieux pourrait permettre de révéler l’ampleur des pratiques douteuses et de redéfinir les termes d’une exploitation plus équitable et durable des ressources naturelles du Sénégal. Toutefois, pour qu’une véritable justice soit rendue, une volonté politique forte et une mobilisation citoyenne s’imposent.
Cette affaire souligne une fois de plus la nécessité pour les pays africains de renforcer la réglementation dans le secteur extractif et d’assurer une meilleure gouvernance des ressources naturelles. Le scandale Eramet-GCO n’est pas seulement une question locale, mais un rappel global des risques liés à l’exploitation irresponsable des richesses du sous-sol.
Au Sénégal, la ruée vers le zircon menace le désert de Lompoul
A mi-chemin entre Dakar et Saint-Louis, l’énorme drague flottante de la société Grande Côte Opérations avale le sable à la recherche du précieux minerai.
Tels des monstres tentaculaires, les machines reliées par d’épais tuyaux flottant sur un bassin artificiel avancent doucement sur la dune. La mine mobile de la société Grande Côte Opérations (GCO) se rapproche de son but : le désert de Lompoul, à 200 kilomètres au nord de Dakar. Un site très touristique, à mi-chemin entre la capitale sénégalaise et Saint-Louis, qui regorge de minerais, notamment de zircon.
Comme l’ilménite et le rutile, ce minerai utilisé en joaillerie, dans l’industrie nucléaire et le secteur automobile est extrait des sables. Détenue à 90 % par le groupe français Eramet et à 10 % par l’Etat du Sénégal, GCO en est désormais le quatrième producteur mondial. L’entreprise, qui a produit plus de 750 000 tonnes de concentré de sables minéralisés en 2022, dont 15 % de zircon, voit grand. « Notre production va augmenter entre 2024 et 2027, anticipe Guillaume Kurek, son directeur général, car la première partie du désert de Lompoul a une forte teneur en minerai et les dunes sont hautes. »
Le projet de plus de 800 millions d’euros d’investissement est ambitieux : la zone minière qui se déplace de trente mètres par jour s’étend sur plus d’un kilomètre et progresse sur la dune côtière entre la bande de filaos, des arbres plantés pour fixer les dunes, et la zone de maraîchage. En amont, les machines défrichent le terrain, où se trouvent des arbres, des champs, des routes ou des habitations qui sont rasés ou déplacés. Suit la drague flottant sur un bassin artificiel qui pompe le sable, envoyé par de larges tuyaux jusqu’à l’imposante unité de concentration – elle aussi flottante – qui sépare le sable minéralisé du sable ordinaire rejeté à l’arrière de l’unité. Seuls 2 % des 150 000 tonnes de sable traitées chaque jour sont conservés.
A l’arrière, des machines réhabilitent le terrain, en essayant de respecter une topographie similaire au paysage qui a été rasé. Mais l’arrivée de la mine mobile au niveau du désert de Lompoul inquiète les populations, qui craignent que le complexe industriel abîme l’environnement et nuise au tourisme.
Le projet fou de construire une « oasis du désert »
« C’est peine perdue de résister à l’arrivée de la mine », se lamente Justin Sarr, réceptionniste du Camp du désert, un terrain piqué de tentes blanches au creux d’une dune de sable orangé, au milieu des eucalyptus, où il travaille depuis cinq ans. La fermeture du campement est prévue en octobre 2023. « Est-ce que je vais trouver un travail où je vais avoir la même passion que dans le désert ? », se demande le jeune homme.
Même si GCO a promis des contreparties, la même question hante les habitants du village de Lompoul, d’où partent les excursions dans le désert. Pape Yerim Sow vend de l’artisanat local et joue du djembé le soir autour du feu dans les campements. « Toutes mes activités dépendent des touristes. S’il y a la mine, je perds tout », s’insurge le père de famille. « A nous, les impactés indirects, GCO n’a rien proposé car ils vont indemniser seulement ceux qui occupent le désert », critique Pape Yerim Sow, qui pense à déménager dans une autre zone touristique comme Saint-Louis ou le delta du Sine Saloum.
Pour répondre à ces impacts, GCO s’est lancée dans le projet fou de construire une « oasis du désert » de toutes pièces, sur un terrain où est déjà passée la drague, à dix kilomètres du site touristique actuel. Le chantier, encore en cours, a commencé en juillet 2022 et doit se terminer avant que les campements ne ferment pour éviter l’interruption du tourisme. « Nous avons reconstitué la dune originale, planté une palmeraie sur huit hectares, avec au milieu un plan d’eau de 2 000 m2. Nous allons aussi aménager le littoral qui n’est pas loin », détaille Samba Fall, chef du projet pour GCO.
Car l’objectif est d’inciter les touristes à rester plus d’une nuit sur le site. « Cette oasis nous permettra de répondre aux emplois indirects, qui ne sont pas intégrés dans la démarche de compensation obligatoire, et donc de maintenir l’activité des petites restaurations, des loisirs sportifs, des balades en chameaux, des prestations artistiques ou de la vente d’artisanat », espère M. Kurek.
L’inquiétude des acteurs du tourisme
Ces infrastructures construites par la société minière pour un budget total de 5 millions d’euros seront ensuite transférées à la Sapco, société publique d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques au Sénégal qui aura la charge de trouver les opérateurs. « Nous avons fait un premier tour de table avec les propriétaires des lodges actuels car ils connaissent déjà les circuits touristiques et sont connectés avec les tour–opérateurs », explique M. Kurek.
Mais les acteurs touristiques ont encore des inquiétudes sur les modalités d’attribution de la gestion du lieu. « Pour l’instant, il n’y a pas grand-chose de construit », constate Abdou Ba, gérant du Camp du désert, après avoir visité le chantier de l’oasis de GCO. « C’est luxueux, il y aura une piscine, mais ce n’est pas ce que nous voulons. Nous souhaitons recevoir des dédommagements pour lancer notre propre projet sur un autre terrain », continue le professionnel du tourisme. Des négociations sont encore en cours pour évaluer le montant des compensations distribuées aux entreprises touristiques.
A quelques mètres du bord du bassin où tourne la gigantesque usine de concentration se trouvent toujours de petites maisons blanches devant lesquelles du linge coloré est en train de sécher. Ces habitants n’ont pas suivi la délocalisation du village de Thiokhmat, qui est sur le chemin de la mine vers le désert de Lompoul.
« Il arrive que les négociations prennent du temps, donc nous nous retrouvons avec des hameaux autour de la drague, ce qui n’était pas prévu », reconnaît Ousmane Goudiaby, chef de département des relations avec les communautés de GCO, alors que la mine n’a jamais été aussi proche des habitations. Depuis le début de l’exploitation, trois villages et 2 000 personnes ont été déplacés vers des « villages modernes ». Mais « les mines ont souvent un souci avec une opinion négative sur leur impact environnemental », admet M. Goudiaby.
Autre enjeu : l’accès au foncier
Quelques activistes se mobilisent alors pour dénoncer le projet, notamment en pointant du doigt la grosse consommation en eau de l’industrie minière. « Les pistes construites en latérite manquent d’entretien et déposent de la poussière sur nos cultures », critique aussi Cheikh Fall, du collectif de la zone des Niayes, zone agricole où évolue la mine. Il ajoute qu’avec le défrichement et malgré le reboisement, des « plantes originales ont disparu » et « les sols se sont appauvris. » GCO reconnaît que « le sable a perdu sa couche fertile » et ajoute qu’ils travaillent à « amender le sol avec du fumier et en plantant des arbustes », répond M. Goudiaby.
L’autre enjeu est l’accès au foncier, alors que 85 hectares réhabilités ont été rendus à l’Etat sénégalais et que 1 000 hectares devraient être rendus les cinq prochaines années selon le directeur général M. Kurek. « Mais rien de revient aux populations », s’inquiète Serigne Maar Sow, président de l’alliance des jeunes pour le développement de Lompoul village, qui assure que des agriculteurs et des éleveurs ont perdu leurs terres.
De son côté, GCO fait valoir sa politique sociale et environnementale. « La partie relocalisation et communauté représente 14 % de nos dépenses courantes, soit le troisième poste de dépense après l’énergie et la masse salariale », révèle M. Kurek. Si elle reconnaît que l’impact sur son environnement est certain, GCO met en avant en contrepartie son rôle dans l’économique de la région et du Sénégal.
« Nous avons créé plus de 2 000 emplois locaux et nous sommes le sixième contributeur au budget de l’Etat en termes de société minière, en plus d’apporter des devises, se vante M. Kurek, patron de la société qui fait 300 millions d’euros de chiffre d’affaires. A travers les emplois, les achats et les taxes, les retombées correspondent à plus de 120 millions d’euros pour le Sénégal. »
Le jour même du vote de la censure du gouvernement de Michel Barnier, la nouvelle est passée presque inaperçue. Mercredi 4 décembre, le gouvernement renversé a mis en consultation un projet de décret qui entend modifier les catégories de projets soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP). L’exécutif veut exclure du champ de la CNDP tout projet industriel dont le coût serait supérieur à 300 millions d’euros, sous prétexte d’accélérer la réindustrialisation du pays.
Cette autorité indépendante, créée en 1995 par Michel Barnier, alors ministre de l’Environnement, s’assure que le public est bien concerté dans l’élaboration des projets ayant un impact sur l’environnement. C’était par exemple le cas pour l’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier ou la création d’usines de batteries électriques dans le Nord.
Consultation en ligne jusqu’au 27 décembre
Si les recommandations recueillies par la CNDP ne sont pas contraignantes, elles peuvent jouer un rôle important. Dans 60 % des cas, le projet en ressort modifié. En 2022, l’instance avait conclu que le projet éolien offshore au large de l’île d’Oléron ne suscitait « aucun consentement de la population ». Face à ces résultats, l’État avait retenu un autre lieu.
Le décret gouvernemental est soumis à une consultation publique en ligne jusqu’au vendredi 27 décembre. Pour l’heure, il a fait l’objet de 2 500 contributions, majoritairement négatives. Le projet suscite également une levée de boucliers parmi les associations environnementales.
« Ce projet de décret montre que l’État a peur de la parole citoyenne »
Pour l’association Générations futures, « sous couvert d’accélérer la réalisation de projets industriels », ce texte est « une nouvelle régression du droit à l’environnement ». Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP, estime que, si le décret est adopté, « la population n’aura plus son mot à dire sur ces projets et elle ne sera même pas informée de leur existence, de leur impact, de leur coût… ».
Or, ces projets liés à la décarbonation de l’industrie, et donc à la transition écologique, « méritent d’être débattus, car ils sont au cœur de la transformation des territoires », insiste-t-elle. Lors des débats, « il n’y a pas de tabou, les citoyens peuvent parler de tout et avoir accès à des informations fiables pour se forger un avis ». Pour Ilaria Casillo, « ce projet de décret montre que l’État a peur de la parole citoyenne ».
Ce n’est pas la première fois que la CNDP est dans le viseur de l’exécutif. L’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait tenté de la supprimer au printemps avec le projet de loi de simplification, finalement interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale.
Publié dansEnquête publique, Rebut de presse|Commentaires fermés sur Grands projets industriels : l’État veut supprimer les consultations citoyennes
La Mongolie et le groupe français Orano ont conclu un accord préliminaire pour l’exploitation de la mine d’uranium de Zuuvch Ovoo, marquant une étape clé pour les deux parties. Cet investissement, estimé à 1,6 milliard de dollars, reste soumis à l’approbation du Parlement mongol. La production, prévue pour 2027, pourrait propulser la Mongolie parmi les dix premiers pays détenteurs de ressources mondiales en uranium.
Ce projet, développé par Badrakh Energy — une coentreprise entre Orano et MonAtom —, reflète la stratégie de la Mongolie pour diversifier son économie, historiquement centrée sur l’agriculture et les ressources fossiles comme le charbon. L’exploitation de cette mine contribuera également à répondre à la demande mondiale croissante en énergie nucléaire.
Cet accord intervient dans un contexte délicat. Orano doit composer avec des enjeux juridiques, ayant accepté une amende de 4,8 millions d’euros pour des accusations de corruption passées en Mongolie, tout en renforçant ses normes de conformité. La Mongolie, quant à elle, jongle entre ses puissants voisins, la Chine et la Russie, tout en cherchant à renforcer ses liens avec des partenaires occidentaux, tels que la France.
Géothermie à Glovelier (Jura suisse)
Traduit de l’allemand de Barrikade, 21 décembre 2024
Tout devient électrique. Notre utilisation devient de plus en plus élevée. Les brosses à dents, les smart-homes, en passant par les voitures, les vélos, les trottinettes et, depuis peu, même les pantalons électriques sont censés nous permettre de gravir les montagnes. Donc toujours plus de confort, et toujours plus de consommation.
Nous nous trouvons désormais dans une situation délicate : il faut trouver de l’énergie propre. Mais d’où doit-elle venir ? Pour GeoEnergieSuisse et la Confédération suisse, apparemment du projet de fracturation dans le Jura suisse. Il s’agirait de « géothermie profonde pétrothermique » : forer à des kilomètres de profondeur dans la terre, pomper d’énormes quantités d’eau et de produits chimiques dans le trou, et produire ainsi de l’électricité pendant 10 à 15 ans, jusqu’à ce que le trou redevienne froid. Et ensuite ? Un nouveau forage ?
La terre n’est pas de l’Emmenthal [du gruyère] !
Mais le gouvernement fédéral et le reste de la classe politique sont têtus. Leur seul intérêt est le profit et que tout continue comme avant. Tout cela dans un délai court et en prenant des risques s’il le faut. Au diable l’environnement et la santé des gens.
Mais nous sommes contre ! Pour nous, il est clair qu’un changement est urgent. La question n’est pas de savoir comment les marchandises et la consommation de ressources continuent de tourner sur elles-mêmes. Notre question est : quand cela s’arrêtera-t-il ?
Notre comportement de consommation, la surproduction absurde ainsi que la consommation actuelle d’électricité doivent changer. Et la réponse à cette question ne peut pas être du FRACKING greenwashé !
Une visite a donc été effectuée à l’entreprise « Sitadel Sarl Delémont », qui s’est terminée par l’incendie de quelques voitures. D’une part pour se défendre, d’autre part pour lancer un appel à tous ceux qui en ont marre de ce projet insensé de géothermie à Glovelier.
Défendez-vous, protestez et sabotez !
La population dit depuis longtemps qu’elle ne veut pas de la « géothermie profonde pétrothermique » et tous les moyens légaux de s’y opposer ont été épuisés. L’État fait malgré tout avancer le projet. Il n’y a donc pas d’autre choix que d’agir nous-mêmes.
Cette attaque visait le bureau de planification du projet géothermique, mais ils ne sont pas les seuls impliqués. Il existe d’innombrables façons de se défendre et de saboter d’innombrables entreprises, car elles ont toutes des noms et des adresses.
Dans cet esprit, amusez-vous bien et faites attention à vous ! Soyons du sable dans les engrenages et bloquons-les !
Deux voitures d’une entreprise liée au projet de géothermie prennent mystérieusement feu
Le Quotidien Jurassien, 1er décembre 2024
Il était 4 h lorsque l’appel de la police a tiré Manuel Lachat de son lit, samedi matin: « Vous êtes bien le directeur de l’entreprise Sitadel? Vos deux véhicules ont pris feu. » Une heure plus tôt, c’est une automobiliste, voyant les flammes sur le parking devant ses locaux à l’entrée de Delémont, qui a donné l’alerte.
L’homme se rend sur place et constate de lui-même: les deux véhicules floqués au nom de son entreprise, un bureau de géomatique, sont bel et bien calcinés. Un détail le frappe immédiatement: ils ne sont pas côte à côte. Il y a une place entre eux, certes vide, mais qui représente près de trois mètres d’espace. Difficile pour le directeur de penser qu’un défaut technique aurait donné le feu à un engin, puis que la proximité l’aurait fait se propager à l’autre. Il s’agirait plutôt d’un acte malveillant, selon lui. La police l’enjoint à porter plainte et lui demande d’établir une liste des gens qui pourraient lui en vouloir.
Fortes pressions
Une fois l’acte administratif effectué, Manuel Lachat retourne sur les lieux du sinistre. L’odeur âcre du brûlé entoure toujours les bâtiments. Qui pourrait donc bien lui en vouloir au point d’incendier des véhicules? Manuel Lachat cogite, songe à des conflits financiers. Puis il considère les menaces qu’il a reçues en lien avec le projet de géothermie de Haute-Sorne.
Son entreprise est en effet chargée de dresser l’état des bâtiments à proximité du site et d’en répertorier chaque fissure avant le début du forage. « Je ne suis pas « avec » le projet. Mon entreprise a simplement été mandatée pour ce travail. C’était une contrainte imposée au promoteur, non une volonté de sa part. Les gens mélangent souvent les choses« , clarifie Manuel Lachat, qui dit faire, parfois, l’objet de fortes pressions dans ce cadre.
L’explication à ce mystérieux sinistre pourrait venir de là, convient-il, mais en précisant bien qu’il ne s’agit que d’une piste parmi d’autres et qu’il ne veut en aucun cas jeter de l’huile sur le feu dans un contexte déjà extrêmement sensible.
La police garde également toutes ses réserves à un stade précoce de l’enquête: « Rien ne confirme qu’il s’agisse d’un acte malveillant. » En attendant, Manuel Lachat estime les dégâts à plusieurs dizaines de milliers de francs. Du matériel professionnel se trouvait dans les véhicules qui ont brûlé.
Une après-midi de discussions contre l’extractivisme à l’Impasse (1 impasse Lapujade). Le premier Février à 14h. Discussions, infokiosque, goûter & repas.
Des personnes impliquées dans les luttes contre les projets de mines de lithium à Échassières dans l’Allier et à Barroso au Portugal viennent parler de leurs contextes. C’est un moment pour faire circuler des infos sur des endroits où des gent.es se bougent contre l’industrie minière, mais pas seulement. On a aussi pensé cette présentation comme un point de départ pour élargir la question et réfléchir au-delà des luttes spécifiques de sites. Suivra donc différentes discussions en parallèles autours de certains enjeux liés au boom minier actuel.
Aujourd’hui le système industriel connaît une restructuration technologique et énergétique majeure. À l’heure de chaos climatiques, de tensions sociales et d’escalades guerrières de plus en plus explosives, les États et les entreprises misent sur cette mutation pour perpétuer le système sur lequel ils reposent et avec lequel ils nous asservissent. La « transition énergétique et numérique » ne signifie qu’une chose : aggravation du désastre industriel, colonisation de nouveaux territoires, extraction de nouvelles ressources, extension du contrôle social, empoisonnements, pollutions, militarisation… Elle est au cœur du projet de puissance des États contemporains, et ils se livrent une féroce compétition pour la première place du podium. À l’heure actuelle les États européens sont dans une phase d’insécurité vis-à-vis de leur approvisionnement en matières premières minérales, nécessaires à cette compétition technologique et militaire. Cet approvisionnement est pour eux un enjeux majeur. Cela se traduit évidement par une intensification de l’exploitation minière hors de l’Europe et dans ses anciennes et actuelles colonies. Mais on voit aussi de plus en plus de projets miniers, et d’infrastructures correspondantes, voir le jour sur le sol européen. Fort heureusement, tout le monde ne se résigne pas à voir la terre éventrée pour obtenir les matériaux de nos chaînes.
Cet après-midi se veut être un moment pour échanger autour de l’extractivisme, donner de la visibilité et du souffle à des luttes existantes, et imaginer des moyens de mettre des bâtons dans le roues de la mégamachine, sans chef.fes, sans représentant.es et sans compromis.
Bienvenue !
14h : présentation des contextes et des luttes en cours à Barroso et à Échassières, par des personnes impliquées, notamment par des personnes du collectif Stop Mines 03.
Ensuite : discussions sur certains enjeux du boom minier actuel et des luttes qui s’y opposent
19h30 : repas vegan à prix libre (on sait pas encore où les sous vont aller comme soutien, mais ce sera indiqué le jour J)
La SLN [Société Le Nickel] a annoncé la mise en sommeil des sites miniers de Thio le 14 octobre. Depuis, la mairie tente de résister, tant bien que mal, à l’exode de ses habitants. Familles, commerçants, anciens sous-traitants de la SLN… nombreux sont ceux qui partent pour trouver du travail. Le maire Jean-Patrick Toura veut impulser de nouvelles activités.
L’activité minière à Thio s’est brusquement arrêtée en avril. La SLN a sonné le glas le 14 octobre, à la suite des destructions du mois de mai. Depuis lors, Thio fait grise mine. Les lettres de rupture de contrat de travail commencent à pleuvoir. Elles seront effectives à compter du 12 décembre pour les quelque 230 salariés de la SLN.
« Sur la commune, on sent l’impact, constate le maire, Jean-Patrick Toura. Au niveau des commerçants, les magasins ne sont pas tout le temps ouverts. Il faudra attendre l’année prochaine pour avoir plus de visibilité sur les écoles mais déjà dans la population, des gens en recherche de travail ont quitté Thio. Il y a aussi des sous-traitants qui n’ont pas pu bénéficier de toutes les mesures d’aide mises en œuvre. »
Baisse du pouvoir d’achat
Cette situation a un effet boule de neige sur d’autres activités dans la commune. L’un des commerces du village voit sa fréquentation de clients baisser de moitié.
« Ça a fortement touché le pouvoir d’achat de ma clientèle. Les personnes qui touchent le chômage partiel font attention à leurs dépenses maintenant », témoigne Teva Puahio, gérant d’un magasin à Thio.
La mine a été pendant 140 ans la principale activité économique à Thio faisant vivre à peu près 350 familles. Des familles qui doivent trouver des alternatives pour subvenir à leurs besoins. Véronique Delessert, une exposante régulière au marché de Thio, a remarqué l’affluence de ces nouveaux vendeurs. « Tous les jeudis on a du monde et de nouvelles personnes qui essaient de vendre des produits pour survivre. »
Développer de nouvelles filières
Au pied du mur, Thio plonge subitement dans l’après-nickel. C’est pourquoi le maire s’investit dans l’aide à la reconversion des anciens salariés de la SLN. L’agriculture et la pêche sont, pour l’heure, les filières envisagées pour relancer l’économie de la commune.
« Je me suis rapproché de la chambre d’agriculture et la province Sud pour lancer, dès l’année prochaine, des formations auprès de la population. Il faut que les gens puissent se retourner en trouvant un travail dans l’agriculture ou dans la pêche. » À cette fin, le maire souhaite également solliciter les chambres consulaires.
Le numéro 6 des cahiers anarchistes internationalistes Hourriya, « La guerre du sous-sol – Le champ de bataille des matières premières » a été rajouté à la documentation sous format PDF.
L’exploitation des matières premières constitue peut-être l’un des aspects matériels les plus crus du pouvoir au vu de la dévastation qu’elle provoque, mais elle révèle aussi profondément les rapports sociaux qui sont à la base de « cette marche du progrès ». Ces pages se focalisent en effet sur ses nerfs à vif, sur les racines par lesquelles coulent des substances dont la domination se nourrit pour continuer à s’étendre et à accroître sa puissance. Ces racines qui pénètrent profondément dans le ventre de la terre, qui chambardent la planète, l’intoxiquent, la surchauffent, la ravagent. D’innombrables êtres humains et non humains sont sacrifiés chaque jour — réduits en esclavage, empoisonnés, exterminés, tués par des armes toujours plus puissantes et sophistiquées — pour la possession de ces éléments du sous-sol, piliers fondamentaux de l’édifice mondial de l’exploitation. Si la machine dévastatrice est fortement dépendante de l’extraction du charbon, du gaz, du pétrole, des minerais,… cela donne lieu à des guerres, des conflits sanguinaires, mais aussi à des luttes et des révoltes aux quatre coins du globe.
Sommaire
Introduction
Des fleuves de sang, pétrole et déchets. Brève histoire de l’industrie énergétique
Dans les coulisses du négoce international
Le plan IIRSA. Infrastructure et dévastation en Amérique-Latine
Des cris de révolte entre les Andes et l’Amazonie
Détruire ce qui nous détruit, ici et ailleurs
Trois permis exclusifs de recherches minières (PERM) ont été déposés en Bretagne par la société Breizh Ressources dans la plus grande discrétion. Ils concernent pourtant 42 communes et plus de 850 km². Malgré l’opacité qui entoure ce projet, les citoyens se mobilisent déjà largement pour empêcher le lancement des opérations.
• La start-up Breizh Ressources a déposé trois permis de recherches minières entre la Bretagne et le Maine-et-Loire entre juillet et octobre 2023. Mais l’information n’a été rendue publique que début 2024.
• Depuis, certaines associations, riverains et élus se mobilisent pour s’opposer aux explorations de potentielles futures mines. D’autres y voient une opportunité pour créer de l’emploi.
• Alors que le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie aurait dû donner son feu vert aux permis fin 2024, une nouvelle jurisprudence a ralenti la procédure.
C’est par hasard, en lisant le Journal Officiel du 10 janvier 2024, que Dominique Williams, spécialiste des mines à l’association Eau et rivières de Bretagne, tombe sur une information détonante : une société nommée Breizh Ressources a déposé, quelques mois auparavant, un permis exclusif de recherche minière (PERM) baptisé « Epona » dans quatre communes de sa région.
Cette start-up basée à Lorient et constituée spécialement pour l’occasion a pour unique actionnaire Aurania Resources, société canadienne immatriculée aux Bermudes, dirigée par Keith Barron, un géologue connu pour avoir découvert l’une plus grandes mines d’or au monde [lire « Un nouvel Indiana Jones à la recherche d’or en Bretagne].
Dominique Williams tire tout de suite la sonnette d’alarme et l’association envoie, dès le 16 janvier, un courrier à la préfecture du Morbihan pour avoir accès au dossier. Deux jours plus tard, la préfecture adresse un courriel aux collectivités locales pour les informer du dépôt du PERM : « Le vendredi 19 janvier, alors que j’étais de permanence, Jean-Paul Pallier et Stéphane Ansermet de Breizh Ressources sont venus me voir pour me présenter le projet », se souvient Élodie Le Floch, maire de Kervignac (56).
Le 22 février, une réunion avec le sous-préfet est organisée à la demande des élus pour détailler le dossier. « Nous étions surpris car la demande avait été déposée en juillet 2023 et nous n’avions eu aucune information jusqu’à cette date », s’étonne encore Michèle Dollé, maire d’Hennebont (56).
Même discrétion pour les deux autres PERM baptisés « Taranis » et « Bélénos », qui concernent une partie du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique.
Jeannick Martel, adjointe à la mairie de La Chapelle-de-Brain (35) n’a découvert l’existence du PERM Taranis, qui concerne sa commune, qu’en juillet 2024 lors d’un conseil municipal. « La mairie avait reçu un mél de la préfecture pour l’informer du lancement d’une consultation publique. On s’est questionné sur le tempo : non seulement l’information était tardive, mais c’était en pleine période estivale et pendant les législatives. Les conditions n’étaient propices ni à la publicité du projet ni au débat », constate-t-elle.
Quant au permis Bélénos, déposé en octobre 2023, son existence a été médiatisée par un article de Ouest-France daté du 16 mai 2024, qui relatait le débat à ce sujet au sein du conseil Anjou Bleu Communautés.
Sur le papier, pas de quoi s’inquiéter selon l’étude d’impact
Que sait-on vraiment du dépôt de ces PERM, longtemps passés sous les radars des élus et de l’opinion publique ? À la lecture des dossiers, on apprend que le premier d’entre eux, nommé Epona, qui concerne quatre communes dans le Morbihan, et qui s’étend sur 51 km², a été déposé le 21 juillet 2023, alors que Breizh Ressources était encore en cours de constitution.
Il s’agit d’une demande de permis d’exploration, c’est-à-dire que Breizh Ressources a repéré ces zones comme étant potentiellement intéressantes pour y exploiter du minerai, mais elle doit d’abord réaliser des études approfondies des sous-sols afin de savoir exactement ce qu’ils contiennent.
C’est pour cela que la société a déposé ces demandes de trois permis miniers pour trois et cinq ans renouvelables. « Un PERM donne un droit foncier sur les matériaux sans pour autant autoriser les travaux miniers. […] Il est caractérisé par une limite de durée, un périmètre limité, une liste de substances recherchées, la description des investigations envisagées et de leur enchaînement », précise le cabinet du ministre délégué chargé de l’industrie.
Les trois permis déposés par la « junior », terme qui désigne les entreprises d’exploration, ont un spectre assez large : elle part en quête de métaux stratégiques comme l’antimoine, le zirconium, les terres rares ou le tungstène, mais aussi de minerais plus classiques comme l’argent ou l’or.
Sur le papier, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. L’étude d’impact menée par le cabinet ENCEM, basé à Vénissieux, près de Lyon, établit que les techniques utilisées, telles que le prélèvement d’échantillon, l’utilisation d’un hélicoptère pour mesurer le champ électro-magnétique ou la pose d’électrodes dans les sols ne sont pas invasives et n’auront pas de conséquences néfastes sur l’environnement.
Et, de toute façon, il est très peu probable que les recherches soient fructueuses d’après Jean-Paul Pallier, le représentant de Breizh Ressources en France. D’après les nombreux témoins que nous avons rencontrés, qu’ils soient élus ou membres d’associations, Jean-Paul Pallier rassure sans cesse ses interlocuteurs en leur disant qu’il y a une chance très mince de trouver des minerais économiquement viables et qu’en conséquence, il ne faut pas s’alarmer. À ce propos, la société précise à Splann ! que seuls 1 % à 5 % des projets d’exploration aboutissent à l’ouverture d’une mine.
Dans un article de Ouest-France daté d’avril 2024, Stefan Ansermet, présenté comme l’un des dirigeants de la société Breizh Ressources aux côtés de Jean-Paul Pallier (alors qu’ils sont en fait le conseiller et vice-président d’Aurania Resources), conclut ainsi : « même si les mines ne sont pas exploitées, les générations futures sauront quelles ressources minérales sont présentes dans le sol ». Des recherches qui, au pire, seraient donc utiles à nos enfants et petits-enfants.
Contactée, Breizh Ressources insiste sur l’effort de communication qu’elle fournit pour garantir un « esprit de transparence ». La société liste les réunions avec les élus, les rencontres avec les associations : « cette démarche a été menée individuellement, en groupes, et dans le cadre de réunions organisées avec la préfecture, bien que nos projets soient encore à un stade préliminaire et n’aient pas commencé ».
L’opposition des riverains : un cauchemar pour les entreprises minières
Cette communication peut aussi représenter un moyen de rassurer la population. L’opposition des communautés locales est le cauchemar des entreprises minières : elle peut ralentir les recherches en cours, attirer l’attention des médias, inquiéter les élus et, finalement, leur faire perdre beaucoup de temps et d’argent.
C’est sans doute la raison pour laquelle les sociétés minières aiment manœuvrer discrètement pour attirer le moins possible l’attention. Même si Breizh Ressources s’en défend : « la procédure et la communication autour des demandes de permis relèvent de l’État, et le calendrier est défini par les autorités, notamment la préfecture ».
Pour les trois PERM en question, Breizh Ressources est tombée sur un os : la vigilance de Dominique Williams à Eau et rivières de Bretagne et, dans la foulée, la mobilisation de nombreux habitants.
« Il faut se mobiliser dès maintenant pour prévenir les risques et empêcher une exploitation minière dans nos régions. Les PERM sont une menace sur nos territoires, car il n’y a pas d’exploitation minière ni d’après-mines heureuses », prévient Dominique Williams.
« En Ille-et-Vilaine, seulement 3 % des masses d’eau sont en bon état et ça chute à 2 % en Loire-Atlantique. Il y a peu d’eau souterraine et nous dépendons largement des eaux de surface. Or, avec le réchauffement climatique, nous sommes en vigilance sécheresse régulièrement. Les besoins en eau dans le cas d’une exploitation minière causeraient des dégâts irréversibles dans nos régions », abonde Pauline Pennober, animatrice Eau et rivières.
C’est pourquoi l’association s’est saisie du dossier dès qu’elle a pris connaissance du dépôt du PERM Epona en janvier 2024. Elle a communiqué sur son site, organisé des réunions d’information, rencontré les élus, sensibilisé la société civile sur le terrain ou via des webinaires (évènements en ligne, NDLR).
Surtout, elle a lancé une opération qui a déjà fait ses preuves. « Nous avons initié une campagne de refus d’accès aux propriétés. Les propriétaires de terrains où Breizh Ressources doit mener ses recherches, peuvent signer un formulaire en ligne où ils déclarent qu’ils en interdisent l’accès. Cela complique les démarches de prospection », explique Dominique Williams. Parallèlement, l’association suit de près la mobilisation citoyenne qui s’organise sur le terrain. Comme à Sainte-Anne-sur-Vilaine (35), concernée par le PERM Taranis.
« Tout est parti d’un groupe Whatsapp qui réunit des parents d’élèves. On a appris l’existence d’une consultation publique un jour avant qu’elle se finisse, raconte Olivier Lemoyne, peintre en bâtiment qui habite le village. On s’est rendu compte que la surface concernée par le PERM était énorme, mais que la société noyait le poisson en disant que c’était de la simple prospection sans conséquence. Nous avons décidé de faire des flyers et d’aller informer les gens sur le marché. Puis, nous avons organisé une réunion à Langon, en octobre 2024, où 250 personnes sont venues, dont la députée (NFP-LFI) d’Ille-et-Vilaine, Mathilde Hignet. Maintenant, nous essayons de constituer un réseau régional avec des groupes locaux dans les communes concernées. »
Même réflexe à La Chapelle-de-Brain (35) où, en juillet 2024, Jeannick Martel, adjointe à la mairie, découvrait simultanément le lancement de la consultation publique et le dépôt du PERM Taranis. Elle a alerté les élus sur le sujet, mais selon elle, ils ne semblaient pas inquiets : « Ils m’ont dit qu’il fallait laisser venir et qu’il y avait peu de chance qu’on trouve quelque chose ».
Les collectivités locales ne pèsent pas lourd dans le processus minier
L’association locale La Feuille n’est pas de cet avis. Elle s’est emparée du sujet en bénéficiant de l’expertise précieuse de Jean Baranger, qui a travaillé dans le secteur de la bijouterie de luxe, aujourd’hui retraité, et qui connaît bien les enjeux miniers.
D’après lui, la société Breizh Ressources, bien qu’elle ait étendu sa demande de permis à une vingtaine d’autres minerais, est prioritairement à la recherche d’or. « Quand on lit les dossiers, on se rend compte que les différents points mis en évidence sur les cartes concernent des gisements d’or. D’ailleurs, c’est logique : le cours de l’or a explosé ces dernières années. En 2021, le kilo était à 45.000 € et aujourd’hui, il atteint 75.000 €. À ce prix-là, ça vaut le coup de forer très profond. Avant, on creusait jusqu’à 300 mètres pour extraire des minéraux qui contenaient 2 g d’or par tonne. Maintenant, forer jusqu’à 600 mètres reste rentable ».
Malgré cette analyse, à laquelle adhérent de nombreux interlocuteurs, Breizh Ressources maintient s’intéresser à une variété de minerai : « Les permis d’exploration visent une recherche polymétallique. L’or, bien qu’un indicateur clé des systèmes hydrothermaux pouvant contenir d’autres métaux, n’est pas la cible principale de Breizh Ressources. La société s’intéresse à l’ensemble des minerais de ces contextes, notamment en vue de soutenir des filières industrielles stratégiques ».
Quel que soit l’objectif de la « junior », pour Jean Baranger le but de l’opposition citoyenne est évident : pour qu’il n’y ait pas d’exploitation, il faut lutter contre la prospection. « Jean-Paul Pallier m’a affirmé que s’ils ne pouvaient pas faire leurs recherches ici, ils les feraient ailleurs », relate Jean Baranger.
Le mouvement est lancé et la société civile organise la mobilisation. La plupart des habitants qui s’opposent au permis Taranis se sont rassemblés dans le collectif Stop Taranis qui va organiser une rencontre début janvier 2025.
De son côté, l’association France Nature Environnement de Loire-Atlantique estime qu’il n’y a aucune urgence. « Cela ne sert à rien de s’opposer dès maintenant. Nous avons étudié le dossier, rencontré Jean-Paul Pallier et nous en avons conclu que ces dépôts de permis ne servent qu’à maintenir le niveau de leurs actions. Nous restons attentifs, mais franchement, nous préférons garder notre énergie pour d’autres sujets », tranche Xavier Metay, coordinateur.
Quant aux élus, pour l’instant, ils sont sur la réserve. Ceux qui sont concernés par les permis Taranis et Bélénos essaient de s’organiser entre eux afin de s’exprimer d’une seule voix. De son côté, Anjou Bleu Communauté (Maine et Loire) a d’ores et déjà exprimé un avis favorable assorti de remarques. Tandis que trois des quatre communes morbihannaises couvertes par le permis Epona (Nostang, Hennebont et Kervignac) n’hésitent pas à afficher leur opposition. Leurs conseils municipaux se sont prononcés majoritairement contre entre mai et juin 2024.
Laurent Duval, le maire de Languidic (56), a un avis différent. « Si on a des ressources sous nos pieds, elles seront utiles aux générations futures », estime-t-il en mai 2024 dans un article de Ouest-France. Ces divergences sont à l’image de ce qui se passe sur les autres territoires : certains élus se dressent contre les permis tandis que d’autres plaident la souveraineté énergétique.
Quelles que soient leurs positions, les collectivités locales ne pèsent pas bien lourd dans le processus de décision : le mot final revient à l’État via le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. « Nous n’avons aucune place dans la procédure, on ne maîtrise rien. On ne connaît pas le délai de réponse et nous n’avons aucune information sur les résultats de la consultation publique », regrette Michèle Dollé à Hennebont (56). « Nous sommes exclus, nous devons aller chercher les informations pour savoir où en est le dossier », ajoute Élodie Le Floch, maire de Kervignac (56).
Peut-être que l’intervention de la députée La France Insoumise de la quatrième circonscription d’Ille-et-Vilaine, Mathilde Hignet, permettra d’en savoir plus. « J’ai interpellé le ministre de l’Économie par un courrier en date du 26 octobre 2024 afin de lui demander de me transmettre et de rendre publique la synthèse de la consultation faite cet été, ainsi que les avis des administrations publiques sollicitées dans le cadre de l’instruction des demandes. La population doit avoir accès à ces informations. À ce jour, je n’ai eu aucun retour », déplore-t-elle.
La lutte contre Variscan Mines : « Un exemple qui nous donne de l’espoir »
Dominique Williams, à Eau et rivières de Bretagne, est assez confiante quant à l’issue de ce mouvement d’opposition. Comme une grande partie du milieu associatif, elle a participé à la lutte contre la société Variscan Mines qui a eu une issue positive. « En Bretagne, nous avons bataillé pendant plus de cinq ans contre l’octroi de trois PERM dans une zone similaire, qui concernait plus de 70 communes. Finalement, face à la contestation, la société Variscan Mines, a fini par abandonner ses démarches en 2019. Nous avons tous cet exemple en tête et c’est ce qui nous donne espoir », raconte-t-elle.
Pour l’instant, l’opposition suit son cours et elle va sans doute bénéficier d’un sursis inattendu. Le ministère de l’Économie a averti Splann ! qu’un nouvel élément s’est glissé dans le processus d’examen des PERM. Une étude d’impact suffisait jusqu’à présent pour déposer une demande de PERM, mais depuis le 10 juillet 2024, la jurisprudence a évolué et les projets doivent maintenant être soumis à une évaluation environnementale.
« Le ministre a demandé au demandeur de compléter ses dossiers et l’Autorité environnementale a donc récemment été saisie de ces trois demandes, afin qu’elle rende un avis dans un délai de trois mois. En fonction de l’avis rendu, le pétitionnaire pourra être, le cas échéant, invité à compléter son dossier », précise le ministère. Qui ajoute qu’« une nouvelle consultation dématérialisée du public sera ensuite organisée sur le site du ministère de l’Économie ».
En conséquence, la décision de Bercy ne sera pas rendue fin 2024 comme cela aurait dû être le cas, mais plutôt courant 2025. Keith Barron, le dirigeant de Breizh Ressources [lire « Un nouvel Indiana Jones à la recherche d’or en Bretagne »], qui regrettait déjà dans des vidéos diffusées en ligne la lenteur bureaucratique de la France, va devoir faire preuve d’un peu plus de patience.
Publié dansContre les mines|Commentaires fermés sur Breizh Ressources, la société minière la plus discrète de l’Ouest
Le débat public autour de projet de mine de lithium dans l’Allier est clos. Imerys vient d’y répondre. La société minière veut montrer patte blanche en proposant quelques aménagements à la marge. Mais sur le fond, elle persiste et signe quant à sa volonté de mener à bien cette aventure industrielle pharaonique d’un milliard d’euros.
Imerys veut poursuivre son projet. Mais Alan Parte, vice-président au projet lithium, le promet : la société compte redoubler d’efforts sur les questions environnementales ou de transparence. Pour un projet qu’il souhaite « exemplaire », et qui pourrait voir le jour « avant la fin de la décennie ».
Le projet
Le groupe Imerys exploite à Échassières, depuis 2005, une mine de kaolin. Dessous, elle a trouvé un immense gisement de lithium. Plus de 34.000 tonnes d’hydroxyde de lithium, un minerai indispensable à la fabrication des batteries de voitures électriques. De quoi équiper l’équivalent de 700.000 de véhicules par an sur plusieurs décennies. Si Imerys misait sur 25 ans au départ, l’avis de l’Autorité environnementale, adopté lors de la séance du 21 novembre 2024 évoque 50 années d’exploitation.
Nom de code de ce projet, devenu d’intérêt stratégique national : Emili, pour « Exploitation de MIca Lithinifère par Imerys ». Il est estimé à un milliard d’euros.
Le débat public
Eu égard à sa taille, le projet a fait l’objet d’un grand débat public, de mars à juillet. Le 30 septembre, la CNDP (Commission nationale du débat public, autorité publique indépendante) a publié son compte rendu et sa synthèse. À partir de là, la société Imerys devait apporter une réponse avant la fin de l’année. C’est désormais chose faite.
« C’est un exercice assez particulier pour nous, on se met un peu à nu, devant le miroir. Nous avons abordé cela très humblement, et tenté de faire un travail de pédagogie tout au long du débat », sourit Alan Parte.
Il précise : « Sur la partie liée au projet, on n’a pas attendu le débat pour parler avec les différents acteurs. Dans les grandes thématiques, l’eau, l’emploi, le trafic… nous n’avons donc pas eu de grandes surprises. Mais ce qui a pesé dans ce débat, ce n’est pas tant le projet lui-même, ou sa conception, mais la question des usages en général, des mobilités, du rôle de l’électrification dans l’équation du changement climatique. Cela a pris un poids qu’à titre personnel, j’avais un peu sous-estimé. »
Et c’est aussi sur ce point de philosophie globale que le débat achoppe entre détracteurs et partisans du projet. « Les opposants ont tendance à dire : “Clarifions d’abord ça, et ensuite on parlera du projet”. Nous, nous disons qu’il est nécessaire de faire les choses en parallèle. On ne peut pas attendre que tout soit clair avant de trouver des solutions, alors que les solutions matures sont là. »
Quoi qu’il en soit, s’il y voit « un exercice démocratique réussi », le dirigeant a également noté « les questions, les inquiétudes, et le besoin de transparence, exprimé de manière assez forte ».
Les aménagements au projet Emili
Globalement, Imerys ne remet pas en cause « les fondamentaux du projet », avec « une mine souterraine, l’extraction par canalisations, et le transport par voies ferroviaires. Les briques de base ne sont pas remises en question ».
Pour Alan Parte, « c’est une chance d’avoir du lithium en France », et le gisement d’Échassières apporterait « des retombées économiques importantes à un territoire qui en a besoin et qui en mesure la valeur. On sait que c’est un projet stratégique, et que nous pourrions être les premiers à rouvrir une mine en France. Les conséquences seraient importantes ». Avec quelques aménagements, cependant.
Le feldspath. « Nous avons décidé d’abandonner la production et la commercialisation du feldspath. Nous avions en tête d’envoyer ce minéral, extrait lors du traitement de la roche pour obtenir le lithium, vers l’Italie, notamment pour le marché du carrelage. Mais nous avons entendu les discussions autour des produits chimiques. Et le fait de ne pas produire de feldspath enlèvera, de fait, un certain nombre de ces produits. On valorisera un peu moins ce qui sort de la mine, mais on réduira d’autant plus les risques autour des résidus, et d’une potentielle pollution chimique. Et ça ne remet pas en cause l’équilibre financier du projet. »
Le chargement. « Le débat public a fait remonter un site alternatif à celui de Saint-Bonnet-de-Rochefort, sur la commune de Vicq. Nous disposons maintenant d’une étude comparative entre les deux sites. Les deux solutions sont faisables techniquement, avec des impacts assez comparables. Nous présenterons ces études aux parties concernées, et la décision sera prise, au plus tôt, début 2025. »
Le rail. « On perçoit que cette question est importante, et que le fait de développer cet aspect apporterait beaucoup de valeur au territoire. Le projet serait une sorte de catalyseur pour la pérennité du rail. Les études ont déjà été lancées par SNCF Réseau, et on se battra pour qu’il n’y ait pas de retard de ce côté-là. Il faut juste cranter tout cela. »
La forêt des Colettes. « Nous continuerons à pousser pour que des études approfondies soient menées et partagées. En ce qui concerne l’eau, on se limitera aux chiffres mentionnés pendant le débat, pas plus. Nous allons également participer à la connaissance et à la protection de la forêt des Colettes. Les études montrent que l’état de cette forêt est davantage dû au changement climatique qu’à autre chose, mais nous participerons à son suivi, en facilitant le travail des écologues, le recensement des essences, ou les analyses des eaux et des zones humides. »
Formation. « Nous avons aussi le souhait de développer des formations localement en chimie, ou en maintenance par exemple. Nos pilotes pourront d’ailleurs servir d’outils pour ces formations. »
Dialogue. « Nous avons une vraie volonté de dialogue, de transparence et de compréhension publique de notre projet. La concertation va continuer. La CNDP devrait nommer, l’année prochaine, un garant, pour s’assurer de cette continuité du dialogue, jusqu’à la fin de l’enquête publique. Nous allons également mettre en place des comités de suivi, un par site concerné. Les standards de la norme Irma (Créée en 2006, IRMA (Initiative for Responsible Mining Assurance) a défini un objectif global pour une mine responsable), demandent d’ailleurs de ne pas s’arrêter à la mise en route du projet, mais de poursuivre le dialogue pendant toute la vie du projet.
Enfin, nous reprendrons notre newsletter, suspendue le temps du débat public, dès le début de l’année prochaine. Elle sera distribuée à plus de 40.000 exemplaires. »
L’environnement
À l’aube de l’éventuelle réouverture d’une mine en France, la question est prégnante dans le débat : est-il possible de créer un tel site en respectant l’environnement??
« Mais respecter l’environnement, c’est comprendre ce que l’on fait, l’état initial, les impacts qu’on peut avoir, et les éviter quand c’est possible. D’où nos choix structurants, avec par exemple une usine zéro effluent liquides à Montluçon. »
Il poursuit : « De la même façon, est-ce qu’on peut se passer de prélever de l’eau?? Non. Mais comme beaucoup d’autres industries. Et nous serons très sourcilleux sur cette question. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le recyclage, avec un taux de 90 %, ce qui est extrêmement élevé. »
Enfin, « il reste l’impact résiduel. Nous allons donc voir comment compenser, comme nous le faisons sur tous nos autres sites. Et on compense plus ce qu’on détruit. C’est ça, respecter l’environnement. Il ne faut pas être naïf, la vraie question c’est : est-ce que le projet est suffisamment vertueux pour justifier cet impact résiduel?? Nous pensons que oui. »
Les opposants
Différentes associations et collectifs restent vent debout contre le projet Emili (lire ci-dessous) : France Nature Environnement Allier, Préservons la forêt des Colettes, StopMines03, ou encore le Collectif de Riverains de Saint-Bonnet-de-Rochefort. Elles reprochent notamment à Imerys son manque de transparence, sur les différentes études.
« La transparence est importante, dit Alan Parte, mais il faut faire les choses dans le bon ordre. Donner beaucoup d’infos, ça ne sert pas la transparence. On travaille sur le dossier, on le soumet à l’État et à l’Autorité environnementale, et ensuite, on peut le partager. »
Les déchets
La question de la gestion des déchets, principalement sur le site de la Loue, à côté de Montluçon, a également émergé.
« Les résidus ne seront pas stockés sur le site de Montluçon, promet Alan Parte. À nous de chercher un site, qui sera branché sur le rail, suffisamment grand, et avec un accueil favorable, afin de limiter l’impact. C’est-à-dire avec un fond géochimique compatible avec le résidu. »
Le marché
Après un départ en flèche en 2020, le marché des véhicules électriques stagne aujourd’hui en France. Mais pas de quoi décourager le vice-président au projet lithium.
« Les besoins sont énormes. Nous avions étudié plusieurs scénarios, et même le plus timide indique que notre capacité à produire du lithium sera largement inférieure à nos besoins. »
« Actuellement, la conjoncture n’est pas bonne, mais les projections pour l’année prochaines sont optimistes. Avec la baisse du prix des matières premières, on va être capable de mettre sur le marché des véhicules abordables. La lame de fond est toujours là, comme l’échéance de 2035 pour l’arrêt de la production de véhicules thermiques. »
Les prochaines étapes
« En 2025, la concertation va donc se poursuivre avec les phases de pilotes industriels. Nous avons déposé les demandes de permis et espérons pouvoir commencer la construction au deuxième semestre 2025. Celle-ci prendra douze à dix-huit mois. Ils devraient donc être mis en service fin 2026. Et nous allons également poursuivre toutes les différentes études. »
Le point de vue des opposants
Jacques Morisot, membre de l’association Préservons la forêt des Colettes, a été très impliqué depuis la genèse du projet Emili, et notamment lors du débat public. Débat dont il se félicite. « Nous trouvons le compte rendu très intéressant, même si on sait que ce n’est absolument pas contraignant. En tout cas, il montre plusieurs choses. D’abord, le fait qu’il manque le débat en amont sur le pourquoi et le pour quoi de la mine, c’est-à-dire les raisons générales de cette mine et à quoi elle est destinée. » Ensuite, « quand on rentre dans le projet, le débat public a souligné toutes les études qui manquent aujourd’hui sur l’eau la biodiversité… Rien n’est levé là-dessus. »
Mais surtout, Jacques Morisot conteste la méthode. « Autant Imerys que la préfecture ont pu dire qu’ils étaient attentifs à ce qu’ils appellent les “parties prenantes”. Or, depuis juillet, on a demandé à avoir les dossiers déposés pour les usines pilotes, comme le code de l’environnement nous en offre la possibilité. Aujourd’hui on n’a toujours rien malgré des demandes orales, puis en lettres recommandées avec accusé de réception puis avec la mise en demeure de nos avocats. Aujourd’hui, nos avocats ont donc saisi la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) par rapport à ce refus. Donc il n’y a plus du tout de confiance. Ce n’est pas de “l’attention aux parties prenantes” qu’on a, c’est du mépris. »
D’une manière générale, les associations ne baissent pas les bras, convaincues que la pression populaire peut faire bouger les lignes. « Nous, on dit que rien n’a débuté, et nous demandons à aux citoyennes et aux citoyens, quelle que soit leur opinion, de se mobiliser pour que tout soit mis sur la table, et qu’il y ait des vrais choix citoyens là-dessus ça nous paraît essentiel. »
Dans un rapport daté du 25 novembre, France Nature Environnement (FNE) a livré ses conclusions autour du débat public. Selon l’association, celui-ci « a mis en évidence différents points de vue et permis de les confronter et/ou de les cristalliser. Certains y voient une opportunité économique par l’emploi, les redevances et autres activités induites, D’autres voient le saccage de leur territoire, de leur cadre de vie, de la nature, de leur santé. Si la participation locale a été importante, on peut regretter le manque de participation au-delà du département de l’Allier s’agissant d’un projet d’envergure national qui annonce la relance minière en France ». « Les réponses apportées par Imerys n’ont pas été à la hauteur des attentes, poursuit FNE, des études étant toujours en cours dont certaines ne seront pas connues avant 2028. »
Aurélie Chambon, pour le Collectif de Riverains de Saint-Bonnet-de-Rochefort, n’a pas été convaincue par le débat public, avec « globalement peu de réponses et encore beaucoup d’incertitudes ». Pour elle, « ce débat n’était pas vraiment un débat mais plutôt une succession de questions/réponses sans possibilité de réellement débattre. Donc une certaine frustration à ce niveau. Trop de questions sont restées sans réponse, on a le sentiment d’avoir beaucoup entendu « on ne sait pas encore » alors que le projet se peaufine depuis des années ».
Pour autant, « cette consultation de la CNDP est toutefois essentielle et représente une forme de garde-fou pour la population. Sans eux, on n’aurait vraiment eu aucune information. S’agissant du site de Saint-Bonnet, le collectif de riverains est totalement interloqué de voir qu’ils peuvent envisager de s’implanter aussi proche des habitations, vraiment en pleine ligne de mire des maisons. On a entendu des propos choquants comme « il ne faut pas que ça vous empêche de dormir » montrant bien à quel point ils ne réalisent pas le niveau d’anxiété qu’ils engendrent chez les gens avec la possibilité de voir un immense site industriel se monter littéralement devant chez eux. »
Au final, « nous espérons être entendus, termine Aurélie Chambon, tant par eux que par les services de l’Etat pour que personne n’ait à subir une dégradation de son cadre de vie. Nous demandons de réels efforts à Imerys, car s’ils viennent à construire une usine, les conséquences pour les habitations proches sont désastreuses. On ne demande rien de bien compliqué. C’est du bon sens. Ils ne peuvent pas venir ainsi ruiner la vie des gens qui vivent ici. Car on ne cache pas une usine de 20 mètres de haut derrière une haie, quand bien même il y a un talus de 3 mètres de haut. Au delà de cela de nombreux éléments demandent approfondissement : ressource en eau face au changement climatique, la gestion des déchets miniers, l’incidence du ferroviaire, les conséquences sur la santé, le bilan carbone … Le dossier est finalement bien pauvre et rien n’établit que le rapport bénéfice/risque est positif et justifie cette mine. »
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