Mine de pouzzolane: les tensions augmentent d’un cran

[pompé sur lesoleil]

Les tensions entre les partisans du projet d’exploitation de mine de pouzzolane à Dalhousie et les opposants à cette initiative montent d’un cran depuis quelques semaines. Les supporteurs de la mine ont pris pratiquement toute la place lundi soir lors d’une courte assemblée ayant débouché sur un changement de zonage favorable au projet.

La Ville de Baie-des-Hérons, au Nouveau-Brunswick, dont l’arrondissement Dalhousie fait partie, tient désormais ses réunions municipales dans une salle d’une capacité de 45 à 50 personnes, comparativement à un auditorium de quelques centaines de places, comme ce fut le cas quelques fois jusqu’à la fin de septembre.Lundi, les supporteurs du projet ont convergé vers le secteur de l’hôtel de ville quelques heures avant le début de l’assemblée portant sur la troisième lecture du nouveau règlement de zonage portant sur l’exploitation des ressources dans les limites de Baie-des-Hérons. L’intention était claire, occuper le plus de sièges possibles dans la salle du conseil municipal.

Ce projet génère de l’opposition à Baie-des-Hérons, mais aussi du côté gaspésien de la baie des Chaleurs, notamment à Miguasha, un secteur de Nouvelle, et à Escuminac, en raison de la grande proximité géographique des deux rives, séparées de quatre à cinq kilomètres de l’emplacement minier.

Une alliance entre ces opposants a pris forme au cours de l’été, puisque des citoyens néobrunswickois et québécois sont inquiets des conséquences d’une éventuelle exploitation de la mine sur leur santé, par le biais des poussières, du bruit, de la pollution découlant d’un éventuel dragage du port de Dalhousie, sans compter l’impact sur le paysage.«Nous devions nous rendre à la réunion de lundi, mais nous avons reçu un appel de membres du groupe avec qui nous travaillons étroitement. Ils nous ont dit de ne pas nous présenter, pour notre sécurité. Nous avons annulé notre déplacement, que ce soit par autobus ou en covoiturant», précise Lisa Mosher, de Miguasha.

Mme Mosher et son conjoint Jean-Marc Beaulieu ont suivi l’assemblée par le biais d’images transmises par la poignée d’opposants au projet ayant réussi à entrer dans la salle du conseil, très majoritairement occupée par des partisans de la mine, selon Radio-Canada Atlantique.

«Nous avions assisté à toutes les réunions des six derniers mois. L’atmosphère a complètement changé. Ça empire comme climat de tensions. Il y avait six personnes s’opposant à la mine et 45 personnes favorables. Les partisans sont très bruyants. Ce sont surtout des hommes, ils sont costauds et ils sont volontairement intimidants», note Lisa Mosher.

«Les partisans ne sont pas de Dalhousie, mais des communautés environnantes, comme Balmoral et Kedgwick», ajoute Jean-Marc Beaulieu. Le maire les appelle les fans du projet. Ce ne sont pas des citoyens de la ville. Ils n’y votent pas, comparativement aux opposants vivant à Baie-des-Hérons», enchaîne Mme Mosher.

«On dirait davantage un mouvement anti-Québécois qu’un mouvement pour la mine. Quand on regarde les commentaires sur les médias sociaux du camp du oui, c’est très menaçant. Ils n’aiment vraiment pas les Québécois. Ils disent qu’on vole leurs emplois. Ce sont pourtant des francophones. Ils semblent aussi oublier que c’est une compagnie québécoise qui veut ouvrir la mine», disent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.

La suite

Dans ce climat tendu, les opposants à l’exploitation de la pouzzolane mettent l’accent sur les aspects réglementaires du projet, en tentant de lui trouver des failles, en appui à leurs alliés néo-brunswickois.

«Nous pensons que le processus du changement de zonage pourrait avoir contourné trois règles. C’est le gouvernement du Nouveau-Brunswick qui décidera. On craint que ce soit accepté tel quel. Le nouveau gouvernement de Susan Holt ne s’est pas prononcé sur le projet», souligne Lisa Mosher.

Son conjoint et elle se préparent en vue de l’étude d’impact environnemental qui aura lieu au Nouveau-Brunswick, étude qui sera tenue en 2025 et 2026, de même que pour l’évaluation du gouvernement fédéral attendue en raison du dragage des sédiments du chenal menant au port de Dalhousie.

Ce port est inactif depuis 10 ans et la rivière Restigouche, alimentée par plusieurs affluents, a encombré ce chenal.

«C’est notre principal espoir, parce que ce sont des eaux interprovinciales. Des rivières à saumon se trouvent en amont et il y a une pêche commerciale du homard dans ces eaux», précise Misa Mosher.

Le couple aurait souhaité un appui plus prononcé de la part des élus de la MRC d’Avignon et de leur préfet, Mathieu Lapointe. Jusqu’à maintenant, le principal appui institutionnel est venu d’une proposition déposée par le Parti québécois et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 29 novembre.

Cette proposition demande au gouvernement du Nouveau-Brunswick de considérer l’impact du projet sur le côté québécois de la baie des Chaleurs. L’Assemblée nationale appuie du même élan la Direction de la santé publique, qui réalisera sa propre étude portant sur l’impact éventuel de la mine sur la population gaspésienne.

«Nous n’arrivons pas à convaincre les municipalités d’Avignon à signer notre document contre le projet, excepté Escuminac. On aurait aimé plus de leadership dans la MRC d’Avignon. Les élus attendent l’étude d’impact environnemental du Nouveau-Brunswick avant de procéder. À notre avis, il sera trop tard à ce moment», déplorent Lisa Mosher et Jean-Marc Beaulieu.

Mathieu Lapointe a indiqué plus tôt cet automne qu’il attendait d’avoir plus d’information avant de se prononcer au sujet de la mine de pouzzolane.

Elle possède l’avantage d’avoir déjà été chauffée, contrairement au calcaire constituant le principal élément du ciment. La direction d’EcoRock y voit un avantage environnemental en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). Son extraction génère toutefois des GES, comme le calcaire, principal intrant du ciment.

EcoRock Dalhousie note que le gisement visé recèle environ 200 millions de tonnes de pouzzolane et souhaite y extraire un volume de 3 millions de tonnes annuellement. Le dragage du port de Dalhousie serait nécessaire pour l’exportation de la matière vers l’Europe dans des navires de 70 000 tonnes.

Le projet pourrait créer 168 emplois et nécessiterait un investissement de 300 millions de dollars. Dalhousie a perdu ses trois industries principales entre 2008 et 2012, à savoir une usine de pâtes et papiers, une usine de production de produits chimiques et une centrale thermique fonctionnant aux carburants fossiles.

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