[pompé sur marianne.net]
Ce vendredi 2 mai, « Le Figaro » a dévoilé une liste de 49 grands projets qui seraient surveillés par la Direction nationale du renseignement territorial. Extraction de minerais, infrastructures de transports, enfouissement des déchets… Selon le quotidien, ces chantiers seraient dans le viseur de « saboteurs » issus de la mouvance écologiste radicale.
Va-t-on vers de nouveaux « Sainte-Soline » – commune des Deux-Sèvres qui avait été le théâtre il y a deux ans de violents affrontements entre militants écologistes et forces de l’ordre autour du projet contesté de mégabassines – partout en France ? Le Figaro révèle ce vendredi 2 mai le dernier état des lieux en date du 18 avril de la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT). Le service de renseignement français identifie ainsi 49 sites « susceptibles de s’embraser à travers toute la France ». Extraction de minerais, infrastructures de transports, enfouissement des déchets… De nombreux secteurs seraient concernés.
Courrier de menace
Le quotidien évoque notamment cinq chantiers d’ampleur « susceptibles de donner lieu à une contestation violente » et qui seraient particulièrement surveillés par les renseignements. Sans surprise figure Bure (Meuse), dans le Marais poitevin, où se joue depuis des années une bataille contre le projet « Cigéo » d’enfouissement de déchets radioactifs porté par l’État et contesté par les associations environnementales. Selon les informations du Figaro, « un inquiétant courrier émanant de la mouvance antinucléaire » aurait même été envoyé en février dernier à un responsable du centre Meuse/Haute-Marne de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
« L’enveloppe contenait une munition d’arme de guerre, de type AK-47 », a ainsi rapporté une source au quotidien, ajoutant que « les activistes ont revendiqué cette action dans un long article publié sur les réseaux sociaux ». Et de préciser : « Le texte faisait largement référence à Alfredo Cospito, militant antinucléaire italien, figure de la fédération anarchiste informelle et auteur de deux attentats, dont un visant le directeur d’une entreprise opérant dans le domaine nucléaire et qui a été blessé par balle à la jambe. »
Cette missive, qui dévoile notamment l’adresse personnelle de la victime, avec des photographies de son domicile, est par ailleurs signée par la mention « Groupes autonomes contre le nucléaire » – une référence à la mouvance d’extrême gauche née en mai 1968 qui évolue en dehors de tout parti ou syndicat et prône des formes d’action insurrectionnelle ou illégale.
« Le concept de ZAD n’est plus en vogue »
Toujours selon Le Figaro, les services de renseignements suivent aussi de près le chantier ferroviaire de la Ligne nouvelle du Sud-Ouest (LNSO), qui doit relier Bordeaux à Toulouse et à Dax. Le collectif écologiste radical des Soulèvements de la Terre, fondé en 2021, voudrait « imposer un freinage d’urgence » des travaux. Le préfet de Gironde vient de prendre des mesures, « comme l’interdiction du port et du transport d’objets pouvant constituer une arme dans 30 communes implantées dans le sud du département », relève le journal.
Autre chantier dans le collimateur des écologistes radicaux : la ligne électrique à très haute tension (THT), développé par RTE, reliant la France à l’Espagne via un tunnel en forme de boucle long de 27 kilomètres, avec notamment la présence d’un canyon sous-marin nécessitant de passer les câbles sur terre dans les Landes… Au grand dam des habitants, mais aussi des activistes qui ont occupé la forêt près de Hossegor en début d’année. Un dossier « potentiellement explosif » pour les autorités si la convergence des luttes opère, alors que plusieurs recours en justice ont été lancés pour mettre fin à ce projet.
« Si le concept de ZAD n’est plus en vogue, puisqu’officiellement nous ne comptabilisons que celle des Lentillères à Dijon et que les autres tentatives sont aujourd’hui fréquemment entravées, les militants de l’ultragauche et de l’écologie radicale restent actifs en adaptant les modes opératoires. Désormais, les actes de sabotages des outils, des machines et les tentatives de blocages des chantiers ont pris le dessus, avec un retour plus marqué à des actions clandestines menées à la nuit tombée », analyse dans les colonnes du Figaro le directeur national du renseignement territorial (RT) Bertrand Chamoulaud.
SLT et XR à la manœuvre
Et ce dernier d’ajouter : « La situation se dégrade lorsque les collectifs sont repris en main par des groupes plus structurés, qui versent volontiers dans la violence ». La DNRT observe que les militants des Soulèvements de la Terre ou encore ceux d’Extinction Rebellion (« XR ») sont « souvent à la manœuvre » dans les mobilisations contre ces chantiers rebaptisés « grands projets inutiles et imposés » par leurs opposants. D’après l’organisme, les deux organisations seraient impliquées dans 23 des 49 grands projets contestés, soit près de 50 % du total.
Selon Le Figaro, le renseignement territorial a identifié dix grands projets qui pourraient se « radicaliser » et « amener à une contestation plus virulente ». Parmi ces derniers, on peut noter le chantier de mines de lithium dans l’Allier, qui doit accueillir l’un des plus grands réservoirs en Europe d’« or blanc », ou encore celui du titanesque canal Seine-Nord-Europe, même si la récente découverte d’espèces protégées pourrait retarder ou modifier profondément les travaux.
Les renseignements classent aussi 17 autres sites en « contestations faibles », tels que les parcs photovoltaïques dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Ardennes, où l’on note la présence des Soulèvements de la Terre. Enfin, ils gardent un œil sur 17 sites à la contestation jugé « en sommeil », comme sur le chantier controversé de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, en attente d’une décision de justice après l’arrêt des travaux en février dernier à la suite d’une décision du tribunal administratif donnant gain de cause à ses opposants.