18 terrains de foot par jour : nos voitures électriques détruisent la forêt

[pompé sur reporterre.net]

Rouler à l’électrique accélère la déforestation. C’est la conclusion inquiétante d’une nouvelle étude, publiée le 7 mai par les ONG Fern et Rainforest Foundation Norway. « La future demande européenne en matière de véhicules électriques pourrait faire payer un lourd tribut aux forêts mondiales et aux peuples autochtones », alertent les ONG, alors que les pays de l’OCDE planchent sur un approvisionnement « responsable » en minerais.

D’après ce rapport, la poursuite de nos usages actuels, qui s’appuient sur des batteries composées principalement de minerais extraits des sols forestiers, entraînerait la destruction de 118 000 hectares de forêts. Soit l’équivalent de 18 terrains de football par jour au cours des vingt-cinq prochaines années, rien que pour satisfaire la demande européenne.

« La consommation en métaux des Européens génère des massacres »

Les batteries représentent environ 70 % de l’empreinte de déforestation des véhicules électriques. Comme Reporterre le révélait en 2023, même le cobalt dit « responsable » est extrait dans des conditions sociales et écologiques désastreuses. « La consommation en métaux des Européens génère des massacres », dénonçait également sur notre site l’association Génération Lumière.

Pour éviter ce désastre, les chercheurs de l’association négaWatt et de l’université de Vienne — qui ont rédigé l’étude — proposent un scénario alternatif, qui permettrait de réduire la déforestation prévue de 82 %. Celui-ci repose sur le passage à des batteries plus innovantes, qui utilisent du fer et du phosphate plutôt que du nickel et du cobalt, vecteurs de déforestation.

Il se base également sur des politiques de sobriété. « Cela veut dire promouvoir des voitures plus petites, encourager le covoiturage, réduire la demande de déplacements, ou encore diminuer la dépendance à l’égard de la voiture, en particulier grâce à une mobilité plus partagée », précise Adrien Toledano, coauteur de l’étude pour négaWatt, dans un communiqué.

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Le tracé de la RD301 va-t-il être modifié à Saint-Victor? Une consultation publique bientôt lancée

[pompé sur rjfm.net]

Le Conseil départemental de l’Allier va lancer une consultation publique à Saint-Victor le 19 mai,  Elle porte sur un projet de modification du tracé de la Route départementale 301, c’est l’axe qui longe l’usine Dunlop, et qui rejoint Vaux.

Une modification sollicitée par Imerys, dans le cadre de son projet Emili de transformation du lithium, zone de la Loue.Il nécessiterait en fait la création d’un embranchement ferroviaire afin d’acheminer la matière première. Le dévoiement de l’axe routier permettrait ainsi d’éviter le franchissement du faisceau ferroviaire. Et donc de renforcer la sécurité des automobilistes.

Les usagers et habitants pourront s’informer et donner leur avis sur les détails de ce projet à la mairie de Saint-Victor, à la cité administrative de Montluçon, en en ligne sur www.allier.fr. La consultation publique doit durer jusqu’au 13 juin.

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Écologie radicale : 49 grands chantiers « susceptibles de s’embraser » surveillés de près par les renseignements

[pompé sur marianne.net]

Ce vendredi 2 mai, « Le Figaro » a dévoilé une liste de 49 grands projets qui seraient surveillés par la Direction nationale du renseignement territorial. Extraction de minerais, infrastructures de transports, enfouissement des déchets… Selon le quotidien, ces chantiers seraient dans le viseur de « saboteurs » issus de la mouvance écologiste radicale.

Va-t-on vers de nouveaux « Sainte-Soline » – commune des Deux-Sèvres qui avait été le théâtre il y a deux ans de violents affrontements entre militants écologistes et forces de l’ordre autour du projet contesté de mégabassines – partout en France ? Le Figaro révèle ce vendredi 2 mai le dernier état des lieux en date du 18 avril de la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT). Le service de renseignement français identifie ainsi 49 sites « susceptibles de s’embraser à travers toute la France ». Extraction de minerais, infrastructures de transports, enfouissement des déchets… De nombreux secteurs seraient concernés.

Courrier de menace

Le quotidien évoque notamment cinq chantiers d’ampleur « susceptibles de donner lieu à une contestation violente » et qui seraient particulièrement surveillés par les renseignements. Sans surprise figure Bure (Meuse), dans le Marais poitevin, où se joue depuis des années une bataille contre le projet « Cigéo » d’enfouissement de déchets radioactifs porté par l’État et contesté par les associations environnementales. Selon les informations du Figaro, « un inquiétant courrier émanant de la mouvance antinucléaire » aurait même été envoyé en février dernier à un responsable du centre Meuse/Haute-Marne de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

« L’enveloppe contenait une munition d’arme de guerre, de type AK-47 », a ainsi rapporté une source au quotidien, ajoutant que « les activistes ont revendiqué cette action dans un long article publié sur les réseaux sociaux ». Et de préciser : « Le texte faisait largement référence à Alfredo Cospito, militant antinucléaire italien, figure de la fédération anarchiste informelle et auteur de deux attentats, dont un visant le directeur d’une entreprise opérant dans le domaine nucléaire et qui a été blessé par balle à la jambe. »

Cette missive, qui dévoile notamment l’adresse personnelle de la victime, avec des photographies de son domicile, est par ailleurs signée par la mention « Groupes autonomes contre le nucléaire » – une référence à la mouvance d’extrême gauche née en mai 1968 qui évolue en dehors de tout parti ou syndicat et prône des formes d’action insurrectionnelle ou illégale.

« Le concept de ZAD n’est plus en vogue »

Toujours selon Le Figaro, les services de renseignements suivent aussi de près le chantier ferroviaire de la Ligne nouvelle du Sud-Ouest (LNSO), qui doit relier Bordeaux à Toulouse et à Dax. Le collectif écologiste radical des Soulèvements de la Terre, fondé en 2021, voudrait « imposer un freinage d’urgence » des travaux. Le préfet de Gironde vient de prendre des mesures, « comme l’interdiction du port et du transport d’objets pouvant constituer une arme dans 30 communes implantées dans le sud du département », relève le journal.

Autre chantier dans le collimateur des écologistes radicaux : la ligne électrique à très haute tension (THT), développé par RTE, reliant la France à l’Espagne via un tunnel en forme de boucle long de 27 kilomètres, avec notamment la présence d’un canyon sous-marin nécessitant de passer les câbles sur terre dans les Landes… Au grand dam des habitants, mais aussi des activistes qui ont occupé la forêt près de Hossegor en début d’année. Un dossier « potentiellement explosif » pour les autorités si la convergence des luttes opère, alors que plusieurs recours en justice ont été lancés pour mettre fin à ce projet.

« Si le concept de ZAD n’est plus en vogue, puisqu’officiellement nous ne comptabilisons que celle des Lentillères à Dijon et que les autres tentatives sont aujourd’hui fréquemment entravées, les militants de l’ultragauche et de l’écologie radicale restent actifs en adaptant les modes opératoires. Désormais, les actes de sabotages des outils, des machines et les tentatives de blocages des chantiers ont pris le dessus, avec un retour plus marqué à des actions clandestines menées à la nuit tombée », analyse dans les colonnes du Figaro le directeur national du renseignement territorial (RT) Bertrand Chamoulaud.

SLT et XR à la manœuvre

Et ce dernier d’ajouter : « La situation se dégrade lorsque les collectifs sont repris en main par des groupes plus structurés, qui versent volontiers dans la violence ». La DNRT observe que les militants des Soulèvements de la Terre ou encore ceux d’Extinction Rebellion (« XR ») sont « souvent à la manœuvre » dans les mobilisations contre ces chantiers rebaptisés « grands projets inutiles et imposés » par leurs opposants. D’après l’organisme, les deux organisations seraient impliquées dans 23 des 49 grands projets contestés, soit près de 50 % du total.

Selon Le Figaro, le renseignement territorial a identifié dix grands projets qui pourraient se « radicaliser » et « amener à une contestation plus virulente ». Parmi ces derniers, on peut noter le chantier de mines de lithium dans l’Allier, qui doit accueillir l’un des plus grands réservoirs en Europe d’« or blanc », ou encore celui du titanesque canal Seine-Nord-Europe, même si la récente découverte d’espèces protégées pourrait retarder ou modifier profondément les travaux.

Les renseignements classent aussi 17 autres sites en « contestations faibles », tels que les parcs photovoltaïques dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Ardennes, où l’on note la présence des Soulèvements de la Terre. Enfin, ils gardent un œil sur 17 sites à la contestation jugé « en sommeil », comme sur le chantier controversé de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, en attente d’une décision de justice après l’arrêt des travaux en février dernier à la suite d’une décision du tribunal administratif donnant gain de cause à ses opposants.

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Guerre au Soudan : comment les Émirats convoitent l’or et les terres agricoles

[pompé sur reporterre]

Depuis deux ans, le peuple soudanais subit les conséquences d’une guerre impitoyable entre l’armée régulière et un groupe paramilitaire. Dans l’ombre du conflit, les Émirats arabes unis lorgnent l’or et les terres arables.

Cela fait exactement deux ans que le Soudan, troisième plus grand pays d’Afrique, est ravagé par une guerre civile. Ce conflit, décrit comme « la crise humanitaire et de déplacement la plus dévastatrice au monde » par les Nations unies, oppose les Forces armées soudanaises (FAS), l’armée régulière commandée par Abdel Fattah al-Bourhane, et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR), dirigé par Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti », un ancien chef de milice qui a opéré pendant la guerre du Darfour (2003-2020).

Les chiffres sont horrifiants : on compte 12 millions de déplacés et plus de 150 000 morts, d’après une estimation faite en 2024 par l’ancien envoyé spécial étasunien au Soudan Tom Perriello. Près de 25 millions de personnes, soit la moitié de la population, souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë, dont 8,5 millions en situation d’urgence ou de famine, selon les Nations unies et le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

Les mines et les terres au cœur du conflit

En janvier, les Forces de soutien rapide ont été accusées par les États-Unis de génocide contre la communauté Masalit, dans le Darfour, où leurs soldats ont « systématiquement tué des hommes et jeunes garçons et violé des femmes et jeunes femmes du fait de leur origine ethnique ».

Au cœur de cette guerre effroyable, les ressources naturelles du Soudan, en premier lieu son or et ses terres, suscitent l’intérêt d’acteurs puissants. Le pays, qui occupe une position stratégique sur la mer Rouge, est le troisième producteur d’or d’Afrique.

Actuellement, des mines sont exploitées dans les zones sous contrôle des FAS comme dans celles des FSR. Les bénéfices des ventes des deux groupes ennemis, qui avaient créé des sociétés de négoce d’or bien avant la guerre, leur permettent d’acheter des armes.

Ce commerce profite aussi aux acheteurs, et surtout aux Émirats arabes unis (EAU). Ces derniers sont connus pour être l’une des « principales plaques tournantes internationales du commerce » de ce métal précieux, et la première destination de l’or illégal africain, comme l’a montré l’ONG suisse SwissAid.

Les Émirats arabes unis sont obligés d’importer 90 % de leurs denrées alimentaires

Avant le déclenchement de la guerre, la quasi-totalité de la production du Soudan partait vers les EAU, un trajet qui semble toujours d’actualité. Une partie passe aussi en contrebande par d’autres États, dont l’Égypte, avant d’y arriver.

Les vastes terres arables et les produits agricoles du Soudan sont une autre source d’intérêt majeur dans cette guerre. Depuis le début des hostilités, les Forces de soutien rapide mènent de violentes campagnes qui déplacent les populations et s’emparent des terres.

Elles ont détruit de nombreux villages dans l’État de Gezira, la plus grande zone agricole irriguée du pays, pour convertir cette dernière en « gigantesques ranchs militarisés », a rapporté en 2024 dans le Guardian Nicholas Stockton, un ancien fonctionnaire des Nations unies. Le commerce du bétail vers les pays du Golfe est « redevenu la principale industrie d’exportation du Soudan » et « le principal moteur de la guerre », a-t-il dit.

Près d’un million d’hectares de terres sous contrôle

Dans ce secteur, les Émirats arabes unis, qui manquent de terres arables et doivent importer 90 % de leurs denrées alimentaires, sont en première ligne. Comme les autres pays du Golfe, ils sécurisent leurs approvisionnements depuis la crise alimentaire de 2008 en prenant le contrôle de grandes superficies de terres agricoles un peu partout dans le monde. L’organisation Grain a documenté leur « pouvoir croissant » dans « le système alimentaire mondial ».

Le Soudan occupe une place importante au sein de cet « empire logistique » que les Émirats sont en train de bâtir et « qui relie désormais environ un million d’hectares de terres agricoles acquises par les Émirats dans le monde entier à un réseau de ports et de plates-formes logistiques », souligne Grain.

Ainsi, avant la guerre, les EAU avaient conclu avec Khartoum un contrat de six milliards de dollars pour construire un port sur la côte soudanaise et misaient sur des investissements agricoles à grande échelle. Depuis plusieurs années déjà, de grosses entreprises émiraties contrôlent des dizaines de milliers d’hectares dans le pays.

Les chiffres traduisent bien l’importance que les ressources soudanaises représentent pour les EAU : en 2023, les principaux produits exportés par le Soudan vers les Émirats étaient l’or (1,03 milliard de dollars), des graines oléagineuses (15,9 millions de dollars) et des cultures fourragères (14,2 millions de dollars).

Les Émirats arabes unis, acteur incontournable

Pour protéger leurs intérêts, les EAU n’ont pas hésité à prendre parti lorsque la guerre a éclaté : ils ont choisi de soutenir les FSR de Hemetti, avec lesquelles ils étaient déjà en lien d’affaires, selon de nombreux spécialistes de la région et des enquêtes journalistiques. Ils les alimenteraient, entre autres, en armes, en violation d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

De l’avis de plusieurs experts, ce mécénat, que les Émirats nient cependant assurer, a été jusqu’ici décisif : sans lui, les FSR n’auraient pas pu tenir aussi longtemps face aux Forces armées du Soudan, comme l’ont expliqué des experts, dont le politologue Federico Donelli et le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, qui dépend du département de la Défense des États-Unis.

« Des acteurs extérieurs ont soit activement encouragé les combats, soit fermé les yeux »

« L’horreur au Soudan montre de façon alarmante jusqu’où les Émirats arabes unis sont prêts à aller pour sécuriser leurs intérêts agricoles à l’étranger », constate Grain. Tout en fournissant des armes et un soutien logistique aux FSR, les Émirats prônent la paix et versent des centaines de millions de dollars pour financer l’aide humanitaire au Soudan. Alors que la guerre a détruit le système de production du pays, ils ont aussi organisé en 2024 un sommet mondial sur la sécurité alimentaire.

Le rôle déterminant des EAU fait dire à des experts que l’une des principales clés du conflit se trouve aujourd’hui du côté d’Abou Dabi. « On peut affirmer sans crainte que quiconque souhaite mettre fin aux combats au Soudan devra composer un numéro commençant par +971 [indicatif téléphonique des EAU], puisque toutes les routes menant à Hemetti passent inévitablement par les Émirats », estime Andreas Krieg, professeur assistant au King’s College à Londres.

Mais on sait aussi que l’Égypte et le Qatar, notamment, soutiennent de leur côté les FAS. Si la guerre et les massacres se prolongent, c’est en partie « parce que des acteurs extérieurs ont soit activement encouragé les combats, soit fermé les yeux », a analysé la chercheuse Leena Badri.

Les pays voisins menacés

L’Union européenne (UE) et les autres acteurs internationaux « n’ont pas su agir de manière significative pour protéger les civils attaqués », a déploré de son côté un collectif d’organisations dans une lettre adressée fin mars à la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne et aux ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’UE.

Lire aussi : Un groupe minier français détruit un désert unique au Sénégal

Pour l’instant, il n’y a aucune perspective de paix en vue. Fin mars, les troupes d’Abdel Fattah al-Bourhane, considéré par les Nations unies comme le dirigeant de facto du pays, ont repris l’entier contrôle de Karthoum, mais les FSR tiennent toujours une partie du sud du pays et presque tout le Darfour (ouest).

Désormais, les experts redoutent une propagation du conflit aux pays voisins, comme le Soudan du Sud et le Tchad, où la situation est déjà très fragile, voire explosive. Près de deux millions de Soudanais y sont réfugiés.

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PJL simplification : déréguler l’IA, accélérer sa fuite en avant écocide

[pompé sur laquadraturedunet]

Ce soir ou demain seront examinés les amendements à l’article 15 du projet de loi « simplification » de la vie économique. La Quadrature du Net, en lien avec le collectif Le Nuage était sous nos pieds et les membres de la coalition Hiatus, appelle à sa suppression, et avec beaucoup d’autres actrices et acteurs de la société civile ainsi que des représentant·es politiques, à l’instauration d’un moratoire sur les gros data centers. Participez à cette bataille en vous rendant sur notre page de campagne !

Que prévoit l’article 15 ?

L’article 15 du projet de loi, relatif aux centres de données, s’inscrit parfaitement dans cette sombre histoire : il autorise le gouvernement à octroyer aux projets de construction de très gros data centers, extrêmement impactants sur le plan environnemental, un statut issu de la loi de 2023 sur l’industrie verte : le label « projet d’intérêt national majeur » (PINM). D’après le gouvernement, ce statut pourra être octroyé aux data centers d’une surface comprise entre 30 et 50 hectares (soit jusqu’à 71 terrains de foot) !

Avec ce statut PINM, les multinationales de la tech et les fonds d’investissements qui les soutiennent se verraient assistés par le gouvernement pour imposer les data centers aux communes : l’État prendrait alors la main sur les compétences des collectivités locales relatives à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire, en menant lui-même la réécriture des plans locaux d’urbanisme afin de les adapter aux projets concernés. Les procédures de consultation du public seraient encore allégées. Enfin, l’État pourrait accorder des dérogations aux réglementations environnementales, notamment celles relatives aux espèces protégées. En d’autres termes, l’État pourrait court-circuiter les règles existantes au nom de la « simplification » et « l’innovation » et imposer la construction de data centers polluants à des communes.

Déréguler la tech

La loi « simplification » marque donc une étape fondamentale dans la dérégulation de l’IA, le tout au service de l’industrie de la tech et dans le contexte d’une bulle spéculative autour des data centers et d’une rivalité géopolitique croissante entre les puissances impérialistes de ce monde.

Lors du sommet relatif à l’IA organisé par la France en février dernier, la couleur était clairement affichée. Dans son allocution, Emmanuel Macron affirmait : « Si on régule avant d’innover, on se coupera de l’innovation ». Le vice-président étasunien techno-réactionnaire JD Vance, qui avait fait le déplacement à Paris, n’avait pas caché sa satisfaction : « Je suis content de voir qu’un parfum de dérégulation se fait sentir dans nombre de discussions », avait-il déclaré lors de son allocution.

En réalité, dès 2023, la France avait fait des pieds et des mains au niveau de l’Union européenne pour faire primer la sacro-sainte « innovation » sur les droits humains, dans le cadre des négociations sur le règlement IA. Aiguillée par l’ancien ministre Cédric O devenu lobbyiste en chef de la tech française, et à force de coups de pressions voulus par Emmanuel Macron, Paris était parvenu à convaincre ses partenaires européens de privilégier une approche moins-disante. Ces renoncements se sont particulièrement fait sentir sur le front des IA policières, avec la légalisation de la reconnaissance faciale en temps réel et un certain nombre d’exceptions réservées aux forces de police et autres services de renseignement.

Dans le même temps, toujours au nom de l’IA, on multipliait les dispositifs dérogatoires au droit, par exemple via des mécanismes de « bacs-à-sable réglementaires ». Et c’est désormais le RGPD que certains aimeraient détricoter pour « libérer » les IA censément « entravées » par les règles adoptées pour protéger le droit à la vie privée et les données personnelles. Loin de défendre les « valeurs » associées aux droits humains, sociaux et environnementaux, l’Union européenne s’enfonce dans un suivisme mortifère face à la Chine et les États-Unis, deux puissances engagées dans une course à l’IA.

La technocratie en marche

Au nom de la « simplification », l’article 15 du projet de loi débattu par l’Assemblée nationale poursuit ce mouvement de dérégulation en rognant cette fois sur les législations environnementales et le droit à la participation des citoyens concernant les projets de gros centres de données.

Parmi ces derniers, se trouvent les immenses data centers soutenus par le gouvernement français. Dans la perspective de développer ces infrastructures, ossature du numérique dominant, et d’accélérer l’accaparement des terres, des ressources foncières, minières, hydriques et l’exploitation des travailleur·euses qu’elles impliquent, nous voyons aujourd’hui des entreprises comme RTE, normalement garantes du service public de l’énergie vanter leur collaboration avec les multinationales étasuniennes du secteur, comme Digital Realty. Le bilan prévisionnel de RTE prévoit ainsi un triplement de la consommation d’électricité des data centers d’ici à 2035, soit autour de 4% de la consommation nationale.

Du côté du gouvernement, on voit dans les milliards d’euros d’investissements privés annoncés dans les data centers construits en France la confirmation du bien-fondé de sa politique de relance du nucléaire, quitte à passer sous silence les dangers et les grandes inconnues qui entourent ces programmes. Quitte aussi à engager une relance débridée de l’extractivisme minier et des prédations qui y sont liées, comme y encourage l’article 19 de ce même projet de loi « simplification ». Quitte, enfin, à museler les contestations, à s’asseoir sur le droit à la consultation du public et à rogner encore un peu plus sur les compétences de la Commission nationale du débat public, qui depuis des années demande à être saisie lors de la construction des centres de données.

À la clé, c’est d’abord l’impossibilité d’une politique de sobriété collective pour faire face aux crises sociales, climatiques et écologiques. Avec l’augmentation de la demande liée aux data centers, c’est aussi la perspective d’une explosion des prix de l’électricité, la précarité énergétique qu’elle suppose et des risques décuplés de conflits d’usage. Car, à la mesure de leurs moyens financiers, l’appétit des géants de la tech en électricité est insatiable. Il y a quelques jours, Eric Schmidt, ancien PDG de Google et émissaire de la Silicon Valley à Washington, l’admettait sans détour devant une commission du Congrès étasunien au sujet du développement de l’IA :

« Ce que nous attendons de vous [le gouvernement], c’est que nous [la tech] ayons de l’énergie sous toutes ses formes, qu’elle soit renouvelable, non renouvelable, peu importe. Il faut qu’elle soit là, et qu’elle soit là rapidement. De nombreuses personnes prévoient que la demande pour notre industrie passera de 3 % à 99 % de la production totale [d’électricité au niveau mondial] (…) ».

Aux États-Unis, de nombreux producteurs d’électricité s’apprêtent ainsi à rallumer des centrales à gaz ou au charbon, ou à retarder leur fermeture face à la consommation croissante des data centers. Technofascisme et carbofascisme vont indéniablement de pair.

Contre cette fuite en avant, il faut voter contre l’article 15 du projet de loi, et soutenir un moratoire sur les gros data centers, le temps que les conditions d’une maîtrise collective des infrastructures numériques puissent être posées. La balle est désormais dans le camp des parlementaires. Retrouvez notre pour contacter vos représentant·es à l’Assemblée et peser sur leur vote !

 

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Madagascar : l’ambitieux projet de développement minier Base Toliara face aux réalités du terrain

[pompé sur theconveration]

Le projet minier Base Toliara (ex-Tulear) dans le sud-ouest de Madagascar, ré-autorisé fin novembre 2024 par le gouvernement, après une suspension en 2019, ravive des débats passionnés sur l’exploitation des ressources naturelles à Madagascar.

Ce projet porté par l’entreprise américaine Energy Fuels suscite une forte opposition chez les populations locales en raison de ses impacts environnementaux, notamment la destruction d’écosystèmes et la pollution des eaux. Il exploite du sable minéralisé contenant de l’ilménite et les minéralisations de zircon et de rutile.

Le projet menace les moyens de subsistance des communautés locales. Ces dernières dénoncent également une répartition inéquitable des bénéfices, les profits étant largement captés par des acteurs étrangers (pour Base Toliara détenue par Energy fuels Inc basée aux Etats-Unis) au détriment du développement local. La méfiance est accentuée par des précédents miniers à Madagascar où les promesses économiques n’ont pas été tenues, alimentant des tensions sociales et des manifestations .

Entre promesses de croissance économique et craintes environnementales et sociales, les populations locales se retrouvent une fois de plus au cœur d’un dilemme complexe.

Nous sommes doctorants en économie à l’Université d’Antananarivo. Nos recherches portent sur la négociation collective dans les grandes entreprises à Madagascar et l’impact des dynamiques démographiques et de la qualité institutionnelle sur la croissance économique et la pauvreté.

Dans les lignes qui suivent, nous analysons les impacts économiques, sociaux et environnementaux du projet minier de Base Toliara à Madagascar. Selon nous, une transformation du modèle extractiviste en une véritable stratégie de valorisation locale des ressources est nécessaire, afin de garantir un développement durable et une meilleure répartition des bénéfices.

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La “malédiction des ressources”

L’histoire regorge d’exemples où l’abondance de ressources naturelles a paradoxalement freiné le développement des pays, un phénomène connu sous le nom de “malédiction des ressources”. À Madagascar, les précédents miniers, comme celui de l’ilménite à Fort-Dauphin (Sud de Madagascar) avec l’entreprise QMM – Rio Tinto a généré 900 emplois directs, mais seulement 10 % des bénéfices ont été réinvestis localement entre 2010 et 2020. L’exploitation à QMM a été marquée par de multiples incidents environnementaux, notamment deux ruptures de barrages de résidus en 2022, entraînant une pollution massive de l’eau et la mort de nombreux poissons.

Ces événements, combinés à des problèmes d’indemnisation des populations locales, ont engendré de fortes tensions sociales culminant en de violentes manifestations en octobre 2023, et causant la mort de trois manifestants. Contrairement au Botswana, où les revenus des diamants financent des projets sociaux, les précédents malgaches montrent que les profits miniers bénéficient rarement aux régions productrices. La majeure partie est captée au niveau national.

Les craintes des populations de Toliara sont donc loin d’être infondées. Cela explique les manifestations du 17 février 2025 qui ont réuni plusieurs dizaines d’opposants en particulier de la communauté de pécheurs Zanadriake. Le rejet des dons de la compagnie Base Toliara par les pêcheurs d’Andranogadra (quartier de Toliara) illustre cette méfiance enracinée.

Pour eux, ces gestes perçus comme des tentatives d’achat du consentement ne sauraient compenser les menaces pesant sur leur mode de vie. « Nous ne voulons pas de la Base Toliara ici, et encore moins de ses dons », a clamé un représentant de l’association de pêcheurs Zanadriake. Il a souligné l’attachement des communautés à leur autonomie, à la préservation de leurs ressources marines voire même leurs manières de vivre. Ce refus catégorique traduit chez eux un sentiment d’injustice et une opposition farouche à un projet qu’ils considèrent comme une menace existentielle pour leur avenir.

Le projet Base Toliara, axé sur l’extraction de minéraux lourds, suscite des inquiétudes légitimes concernant la destruction d’écosystèmes fragiles. La pollution des eaux et des sols, ainsi que la perte de biodiversité, sont autant de risques qui pèsent sur la région.

Les communautés locales, dont la subsistance dépend souvent de l’agriculture et de la pêche, craignent de voir leurs moyens de subsistance anéantis. Les agriculteurs s’inquiètent de la contamination de leurs terres et de la raréfaction de l’eau. Les pêcheurs redoutent la destruction des récifs coralliens et la diminution des ressources halieutiques.

Une gouvernance à renforcer

La réussite d’un projet minier dépend en grande partie de la qualité de la gouvernance et de la transparence des processus décisionnels. À Madagascar, les lacunes en matière de gouvernance sont souvent pointées du doigt, avec des risques de corruption et de manque de redevabilité. Les derniers rapports de Transparency International vont dans ce sens.

Les populations locales veulent être impliquées dans les décisions qui les concernent. Elles réclament une gouvernance participative, où leurs voix sont entendues et leurs préoccupations prises en compte.

Dans cette optique, en février 2025, la direction de Base Toliara a cherché à instaurer un dialogue en partenariat avec la Commission justice et paix de Madagascar. Cette initiative vise à assurer que les droits des communautés locales soient respectés et que le projet bénéficie réellement à la population. Ce cas de « médiation » mérite attention.

Cependant, des doutes subsistent quant à l’impact réel de cette démarche. Malgré les déclarations d’intention de transparence et d’équité de l’entreprise, la méfiance demeure. Elle est alimentée par des précédents où les promesses de retombées économiques n’ont pas été tenues comme nous l’avons vu dans le cas de QMM-Rio Tinto.

De plus, les critiques soulignent que ce type de médiation institutionnelle ne remplace pas une véritable consultation démocratique et une prise en compte effective des revendications des communautés. La nouvelle réglementation sur l’évaluation environnementale et sociale vise à aligner les investissements sur les exigences environnementales.

Elle stipule que les autorités traditionnelles doivent collaborer avec le promoteur et les autres parties prenantes pour informer, consulter et concerter les communautés locales à chaque étape des processus d’évaluation et de suivi environnementaux et sociaux du projet.

Publié en janvier 2025, ce décret ne semble pas appliqué dans le cas de Base Toliara. Cette initiative dé médiation pilotée par l’Église catholique peut constituer un pas vers une meilleure gouvernance du projet. Elle devra toutefois se traduire par des actions concrètes et un véritable engagement à respecter les intérêts des populations locales, sous peine de voir la contestation perdurer.

Création de valeur

Le projet Base Toliara illustre les contradictions d’un modèle de développement encore largement fondé sur l’extractivisme, où l’exploitation des ressources naturelles au profit du Nord prime sur la transformation et la valorisation locale dans le Sud. Or, cette approche ne permet pas de garantir une autonomie économique durable.

À l’instar de réflexions portées par un certain nombre d’économistes, Madagascar doit repenser son rapport aux ressources naturelles. Il ne s’agit plus seulement d’extraire, mais de créer de la valeur sur place. Cette approche est d’autant plus cruciale que la transition vers une économie bas carbone nécessite un déploiement massif de technologies vertes, telles que les éoliennes, les panneaux solaires et les véhicules électriques.

Ces technologies, massivement déployées dans le Nord, sont gourmandes en minerais stratégiques (lithium, cobalt, terres rares, etc.), dont les réserves sont souvent concentrées dans quelques pays du Sud.

Une première étape consiste à cartographier stratégiquement les ressources pour identifier les potentiels d’exploitation. Ensuite, il est essentiel de déterminer comment les intégrer dans des chaînes de valeur locales et internationales. L’extraction brute, suivie d’une exportation sans transformation, doit céder la place à une politique industrielle capable d’ancrer les richesses minières dans l’économie nationale.

Cela implique la fin de l’économie extractiviste pure. Plutôt que de se limiter à la vente de matières premières, Madagascar pourrait investir dans le développement d’infrastructures industrielles pour le raffinage et la transformation des minerais. Cela permettrait de capter une plus grande part de la valeur ajoutée et de réduire la dépendance aux fluctuations des prix mondiaux des matières premières.

L’industrialisation du secteur minier doit également s’appuyer sur la formation et le développement de viviers de compétences. Sans ingénieurs, techniciens et ouvriers qualifiés, toute tentative de transformation locale restera limitée. Le développement de filières éducatives spécialisées et la coopération avec des universités et centres de recherche locaux doivent devenir des priorités stratégiques.

Enfin, pour assurer un réel bénéfice national, Madagascar doit encourager l’émergence de champions nationaux capables de structurer l’industrie minière au-delà de la simple extraction.

En soutenant des entreprises locales, en leur donnant accès aux financements et en leur permettant de participer activement aux projets d’envergure, le pays pourrait se positionner comme un acteur économique autonome et non plus comme un simple fournisseur de ressources pour les puissances étrangères.

L’enjeu n’est donc pas seulement d’exploiter les richesses du sous-sol, mais bien de transformer l’extraction minière en levier de développement. Sans cette réflexion stratégique, Madagascar risque de rester prisonnier d’un modèle économique qui, jusqu’ici, n’a pas tenu ses promesses pour la majorité de sa population.

 

Publié dans Contre les mines, Luttes internationales, Rebut de presse | Commentaires fermés sur Madagascar : l’ambitieux projet de développement minier Base Toliara face aux réalités du terrain

Donald Trump livre les océans à l’exploitation minière

[pompé sur reporterre]

Donald Trump a signé un décret autorisant l’exploitation minière des fonds marins. Une décision à rebours des accords internationaux, qui sera mortifère pour la vie et la biodiversité des océans.

Il aura suffi de 537 mots et d’une signature pour que Donald Trump condamne les abysses et enterre, d’un même jet de plume, dix ans de négociations internationales. Jeudi 24 avril, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé, par décret, sa volonté d’ouvrir l’exploitation minière dans les grands fonds marins, y compris dans les eaux internationales. Cette décision brave l’Autorité internationale des fonds marins. Cette organisation, qui regroupe 167 États, est en théorie seule compétente en matière d’exploitation de la haute mer, en vertu d’accords datant des années 1990 que les États-Unis n’ont jamais ratifiés.

L’Autorité internationale des fonds marins s’échine depuis plus d’une décennie à accoucher d’un Code minier, destiné à encadrer les activités minières dans les abysses. Initialement attendu pour 2025, le texte a pris du retard. Quoique l’idée d’un moratoire soit encore loin de faire consensus, 32 États-membres (dont la France) ont officiellement appelé à une mise en pause des projets miniers, au moins jusqu’à ce que la rédaction de ce Code soit finalisée.

Passage en force

Avec ce décret, Donald Trump opte pour le passage en force. Jusqu’à présent, seuls des projets d’exploration et d’exploitation à petite échelle ont été menés, en guise de test, dans les abysses. Le texte promet de faire des États-Unis « un leader mondial de l’exploration et de l’exploitation des ressources minérales des fonds marins, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la juridiction nationale ». Le président des États-Unis y presse le secrétaire au Commerce « d’accélérer la procédure d’examen et de délivrance des permis de prospection et d’exploitation commerciale » des minéraux.

Il somme également son gouvernement d’identifier des partenaires économiques, d’engager un dialogue avec le secteur privé, de cartographier les zones les plus riches, et de préparer un rapport sur « la faisabilité d’un mécanisme de partage » des bénéfices. L’objectif : extraire un milliard de tonnes de matériaux en dix ans.

Donald Trump espère rétablir ainsi « la domination des États-Unis » sur la scène minière, et « contrer l’influence » de la Chine. Le régime dirigé par Xi Jinping exerce un contrôle de plus en plus important sur les chaînes d’approvisionnement du cobalt, du nickel et du manganèse, des minerais considérés comme cruciaux pour la sécurité du pays et dont regorgent les abysses.

« Un précédent extrêmement inquiétant »

Avec ce décret, les États-Unis ouvrent un boulevard à l’entreprise canadienne The Metals Company, principale promotrice de l’exploitation minière des fonds marins. Après avoir longtemps misé sur le soutien de Nauru, petite île du Pacifique ravagée par l’exploitation du phosphate, l’entreprise avait révélé fin mars négocier avec l’administration Trump pour démarrer ses machines excavatrices au plus vite, au prétexte de la lenteur de l’Autorité internationale des fonds marins.

À peine le décret signé, le patron de The Metals Company s’est réjoui du « retour du leadership américain », avant de préciser que son entreprise se tenait « prête » à lancer le premier projet d’extraction commerciale de minerais dans les abysses au monde.

La décision des États-Unis crée « un précédent extrêmement inquiétant », déplore auprès de Reporterre François Chartier, chargé de campagne Océans et pétrole au sein de la branche française de Greenpeace. « Ça revient à dire que, parce que une entreprise n’est pas contente, qu’elle trouve qu’une organisation internationale n’avance pas assez vite, on peut se permettre de sortir complètement du cadre du multilatéralisme et du droit international. »

Avec ce décret, Donald Trump ouvre une boîte de Pandore juridique. Si les États-Unis ont légalement le droit d’exploiter comme ils l’entendent leur « zone économique exclusive » (qui s’étend jusqu’à 200 milles marins des côtes), selon la logique de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, seule l’Autorité internationale des fonds marins est souveraine en ce qui concerne l’exploitation minière en haute mer, explique François Chartier : « Il n’est pas possible d’exploiter les fonds marins en dehors de ce cadre, même si on ne l’a pas ratifié. »

Une attaque sur le « patrimoine commun de l’humanité »

« Dans les textes des Nations Unies sur le droit de la mer, les grands fonds marins dans les eaux internationales sont considérés comme patrimoine commun de l’humanité, sur lequel aucun État ne peut clamer sa souveraineté », abonde l’activiste Anne-Sophie Roux, cofondatrice du mouvement citoyen LookDown. Certes, les États-Unis n’ont pas ratifié la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « mais ils ont signé l’accord de 1994 qui se rapporte aux grands fonds marins et sont légalement tenus par ce droit », dit-elle.

Donald Trump brandit, pour justifier sa décision, une obscure loi de 1980, octroyant au gouvernement fédéral étasunien le droit de délivrer des permis d’exploitation dans les eaux internationales. « Mais dans la hiérarchie des normes, le droit international prime », indique François Chartier. Ce décret pourrait éventuellement être attaqué par d’autres pays devant le Tribunal international du droit de la mer, situé à Hambourg. « Mais les délais sont importants », pointe-t-il.

La catastrophe environnementale, elle, est imminente. Les alertes des scientifiques sur les risques associés à cette industrie s’accumulent. La dernière étude en date, publiée fin mars dans la revue Nature, montre que l’extraction minière a des répercussions sur la vie marine pendant des décennies. Les scientifiques ont étudié un site du Pacifique Nord soumis à un test d’exploitation minière en 1979. 44 ans plus tard, il montre encore des niveaux de biodiversité inférieurs à ceux des sites voisins non exploités.

« Des océans sains, vitaux pour les êtres humains, seront détruits »

Un rapport publié quelques jours plus tard par l’International Platform for Ocean Sustainability (IPOS) enfonce le clou. « Nous pouvons affirmer avec une confiance absolue […] que l’exploitation minière en eaux profondes modifiera les fondements biologiques, biochimiques et géochimiques de la vie dans les océans », y écrit Judith Gobin, biologiste marine renommée et professeure à l’université des Indes occidentales. Les risques « sont inévitables et très probablement irréversibles. Des océans sains, vitaux pour les êtres humains, seront détruits. »

En laissant les bulldozers ratisser les tréfonds de l’océan, Donald Trump risque d’anéantir des écosystèmes dont nous ne connaissons encore presque rien, si ce n’est qu’ils foisonnent d’êtres bioluminescents, élastiques et captivants, et produisent un « oxygène noir » qui pourrait, selon certains scientifiques, nous mener à repenser l’origine de la vie sur Terre.

L’urgence d’une réaction internationale

« Il faut que tous les pays attachés au droit international et au multilatéralisme réagissent pour empêcher ça, dit Anne-Sophie Roux. Sinon le risque, concrètement, c’est que le plus vaste écosystème de la planète devienne une zone de non-droit, un Far West. » L’avenir des fonds marins fait partie des sujets qui doivent être discutés lors de la prochaine Conférence des Nations Unies sur l’Océan (Unoc), qui se tiendra en juin à Nice. François Chartier espère « qu’un maximum de pays » s’y opposeront de manière ferme et coordonnée à Trump, et exigeront un moratoire.

Les pays participant à l’Unoc sont censés y acter des avancées pour l’océan, notamment la ratification du premier traité de protection de la haute mer, porteur de beaucoup d’espoir pour les écosystèmes hors des juridictions nationales. « Tous ces objectifs tombent à terre si Trump va miner en haute mer en violant le droit international, pointe Anne-Sophie Roux. D’un point de vue écosystémique, d’abord, parce que cela détruirait la haute mer, mais aussi d’un point de vue diplomatique et multilatéral. Tous les pays qui négocient dans les règles depuis des décennies passeraient pour des idiots. »

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[Radio] Guerres des métaux rares au Congo

[pompé sur paris-luttes.infio]

Dans cette émission de Vive la Sociale – FPP 106.3 MhZ – nous vous proposons d’écouter des interventions concernant le développement de l’industrie des micro-processeurs ainsi que le développement de la numérisation et de l’électrification des véhicules qui ont précédés la manifestation du 30 mars contre l’extension de l’usine STMicroelectronics près de Grenoble (« De l’eau, pas des puces »). Bonne écoute !

La manifestation du 30 mars contre l’extension de l’usine STMicroelectronics près de Grenoble (« De l’eau, pas des puces ») a été précédée par des rencontres organisées par le collectif StopMicro (stopmicro38.noblogs.org), où ont été développées toutes les raisons de s’opposer au développement de l’industrie des micro-processeurs, et plus largement au développement de la numérisation et de l’électrification des véhicules. Parmi les interventions faites à cette occasion, nous avons sélectionné celles qui portent sur la dimension extractiviste de cette industrie, avec ses effets terribles au Congo surtout, mais aussi, en plus insidieux, au Canada.

À travers les interventions croisées de Fabien Lebrun, auteur de La Barbarie numérique (éd. L’Echappée), et de David Maenda Kithoko, de l’association Génération lumière, il est successivement question de l’histoire de la colonisation du Congo, de la situation endémique de guerre que subit le pays avec l’intervention de bandes armées et des pays voisins, de l’importance cruciale de plusieurs des métaux contenus dans le sous-sol du Congo pour la fabrication des téléphones portables et les batteries des voitures, et donc du fondement économique de ces guerres qui ravagent le pays, souvent présentées en Occident comme des conflits ethniques.

La réalité de l’exploitation minière au Congo est particulièrement abjecte, mais le témoignage du militant Marc Fafard (à 1h16’) qui suit nous montre que dans un pays occidental et riche comme le Canada, les conséquences humaines des entreprises minières sont là aussi particulièrement destructrices.

Source : http://vivelasociale.org/images/emission-radio-vive-la-sociale/2025/25-04-03-vls-stop-micro-congo-canada-2.mp3

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En Guyane, le discret cadeau de l’État à l’activité minière

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La loi de Simplification pourrait avoir de lourds impacts en Guyane. Elle prévoit d’écarter l’Office national des forêts du processus d’autorisations de recherche minière. Une « régression environnementale majeure », pour les écologistes.

En Guyane, 96 % du territoire est recouvert par la canopée amazonienne et les mines sont presque toutes situées au milieu de la forêt dense. Si cet ensemble d’écosystèmes est parmi les mieux préservés au monde, les fonctionnaires chargés de le protéger pourraient bien être absents des politiques minières.

Une discrète mesure du projet de loi de Simplification de la vie économique, examiné depuis le 8 avril à l’Assemblée nationale, supprime l’avis contraignant que l’Office national des forêts (ONF) est tenu de délivrer dans le cadre d’un dossier d’autorisation de recherche minière (ARM).

Victoire des miniers

Concrètement, cette autorisation de recherche minière permet à un minier de prospecter un gisement précis, en vue, plus tard, d’obtenir une autorisation d’exploitation minière (AEX). Il s’agit là de deux procédures dérogatoires (l’autorisation de recherche n’existe qu’en Guyane) et allégées (les autorisations d’exploitation de moins de 25 hectares ne nécessitent pas d’enquête publique) conçues pour faciliter l’installation de mines alluvionnaires.

Ces exploitations de petite envergure dites « artisanales », par opposition aux projets industriels de type Montagne d’or, capables de forer dans la roche primaire représentent la grande majorité des sites guyanais, département où se concentrent 82 % des 123 mines légales françaises.

Dès la phase exploratoire, l’ONF a donc pour mission de s’assurer qu’un certain nombre de zones classées pour leur sensibilité — espèces protégées, habitats patrimoniaux reconnus, captages d’eau, etc. — ne seront pas menacées par l’activité minière, synonyme de déforestation et de perturbation des cours d’eau.

Or, si la réforme passe en l’état, ce garde-fou sera retiré et l’octroi d’une autorisation de recherche minière dépendra uniquement de la préfecture.

« Ce serait la plus grande régression environnementale de cette réforme, l’ONF étant jusqu’à présent la seule autorité publique qui refusait ces autorisations pour des motifs environnementaux, réagit l’association Guyane Nature Environnement. La seule fois où les services préfectoraux se sont opposés à un projet minier pour des questions écologiques, c’était sur les concessions minières de la Montagne d’or et cela suivait la décision du ministère. » En 2024, l’ONF a prononcé 13 désaccords sur 80 dossiers d’ARM.

Menace sur la filière bois

Pour la Fédération des opérateurs miniers guyanais (Fedomg), il s’agirait au contraire d’une grande victoire contre une administration que la profession ne se lasse pas de critiquer. En novembre dernier, les miniers étaient allés jusqu’à bloquer les locaux de l’ONF pour dénoncer la réduction des zones ouvertes aux autorisations d’exploitation minière et plus largement ce qu’ils décrivent comme un « excès de normes » et de « zèle administratif », alors que, dans le même temps, des orpailleurs illégaux pillent impunément les ressources guyanaises.

« Concernant l’attribution des ARM, nous appliquerons la loi telle qu’elle sera rédigée, mais nous poursuivrons aussi nos opérations de contrôles hebdomadaires, que ce soit pour la mine illégale ou pour la mine légale où nous faisons notamment un suivi de la réhabilitation des sites et des mesures de pollution », réagit François Korysko, directeur de l’ONF Guyane.

Pour l’établissement public, l’enjeu est aussi de garantir la « durabilité » de sa filière bois, dont le label PEFC — garantissant que le bois est issu de sources responsables — pourrait être menacé par une trop grande activité minière.

Course aux métaux

Le projet de loi de Simplification de la vie économique prévoit aussi de réduire le délai d’instruction des permis exclusifs de recherches (PER) pour atteindre 6 à 9 mois, contre 12 à 18 aujourd’hui. Il facilite aussi la prolongation de ces permis en cas de « circonstances exceptionnelles » et la réutilisation d’ouvrages miniers, notamment à des fins de stockage de carbone.

Cet assouplissement du Code minier s’inscrit dans un contexte où la France et l’Union européenne cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en métaux stratégiques pour la transition écologique, les technologies de pointe ou le secteur de l’armement.

C’est à cette aune qu’il faut comprendre le lancement, le 13 février, d’un nouvel inventaire minier sur cinq territoires, dont le nord de la Guyane, et dont la réalisation par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) devrait prendre cinq ans.

Si le potentiel non aurifère du sous-sol guyanais reste largement méconnu et si l’exploration ne signifie pas automatiquement exploitation, des gisements en tantale et en niobium ont déjà été identifiés et des indices très forts existent pour le lithium. Autant de ressources qui ne cesseront de prendre en valeur, et d’attirer les regards, dans les années à venir.

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Appel à une assemblée de lutte contre la réouverture d’une mine en Ariège

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