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Sur demande de plusieurs maires et présidents de communautés de communes de l’Allier, et de l’entreprise Imerys qui porte le projet, la mine de lithium baptisée « Émili » a été classée « d’intérêt national majeur » par un décret publié le 7 juillet. Ce statut, créé par la loi Industrie d’octobre 2023, est synonyme d’accélération des procédures et de dérogations administratives.
Cette décision intervient en plein débat public sur les conséquences environnementales et socioéconomiques du projet, qui doit être clôturé le 31 juillet. Contesté par des collectifs locaux, le projet colossal d’extraction de l’or blanc vise à produire, à partir de 2028, le lithium nécessaire à la fabrication des batteries de plus de 700 000 véhicules pendant vingt-cinq ans.
En raison de la période de réserve qui s’impose durant la campagne des élections législatives, les réunions prévues le 20/6, le 22/6, le 26/6 et le 4/7 ont été annulées. Le débat public a été prolongé jusqu’au 31 juillet pour pouvoir les reprogrammer. Découvrez les nouveaux rendez-vous ci-dessous.
Mardi 9 juillet à Montluçon (Centre Athanor, 18h – 21h)
Réunion publique « Échange avec l’État et le maître d’ouvrage »
1er temps : l’accompagnement du projet par l’État
En présence de Pascale Trimbach, Préfet de l’Allier, et de Benjamin Gallezot, Délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques
2e temps : les engagements de qualité et l’après-mine
Avec Pierre Petit-De Pasquale, directeur standard IRMA, et les représentants d’Imerys.
Jeudi 11 juillet, en visioconférence (18h – 20h)
“Les impacts sur l’eau : réponse à vos questions”
En raison d’un très grand nombre de questions posées lors de la réunion publique tenue à Vichy le 30 mai dernier, l’équipe du débat a décidé d’organiser une réunion supplémentaire, en visioconférence.
Lors de la première partie de la réunion, des réponses seront apportées aux questions posées à Vichy.
Puis, un second temps permettra des échanges libres entre les participant-es et les intervenant-es présent-es.
En présence des représentants d’Imerys et d’acteurs territoriaux de l’eau.
Mardi 16 juillet, en visioconférence (18h – 20h)
Webinaire “Approfondissements”
Ce temps d’approfondissement permettra de revenir sur certains sujets ayant été identifiés comme nécessitant des approfondissements.
Trois enjeux seront traités successivement, avec la réponse d’Imerys aux questions posées par la CNDP puis des questions libres des participant-es :
Le modèle économique
Les résidus et stériles
Les impacts environnementaux et risques industriels
Pour participer à cette réunion et recevoir un lien de connexion, veuillez vous inscrire via le lien ci-dessous.
Atelier « Le transport entre Echassières et Montluçon »
Cet atelier vise à travailler les différentes options évoquées durant le débat (canalisations, emplacement de la plateforme ferroviaire, transport par rail et/ou par camions…).
Il se tiendra en présentiel et ne sera ouvert qu’aux personnes inscrites.
Plus d’informations et modalités d’inscription à venir dans les prochains jours.
Jeudi 18 juillet, à Echassières (18h – 21h)
Réunion publique « Et après le débat ? »
Cette dernière réunion du débat public sera un temps résolument participatif !
Un premier temps sera dédié à la gouvernance et la participation du public.
Il sera suivi d’un atelier vous permettant d’exprimer vos attentes en la matière.
Enfin, un moment participatif de conclusion interrogera « projet et vision du territoire ».
La réunion se clôturera par un cocktail.
Si vous souhaitez suivre les échanges à distance, pas besoin de vous inscrire, rendez-vous directement sur la chaîne YouTube de la CNDP pour une retransmission en direct.
Si vous souhaitez assister à la réunion en présentiel, veuillez vous inscrire via le lien ci-dessous. En raison des fortes affluences en réunion publique jusqu’à présent, nous ne pourrons pas garantir votre accueil si vous ne vous inscrivez pas, la capacité d’accueil de la salle étant limitée.
Suite à l’invitation à Paris par celleux qui luttent contre la mine de litium à Echassière. Retour sur la « commission nationale du débat public » autour du projet Emili
Au rendez-vous on ne savait trop à q uoi s’atte ndre quant à la forme que prendrait cette mascarade. On est venu·e·s avec la haine du monde industriel et notre solidarité. À quelques-un·e·s on a plus ou moins silencieusement éclaté des boules puantes à deux endroits de la pièce et au pied de la régie vidéo, et jeté de la propagande Imerys à la poubelle pour la remplacer par des brochures informatives contre la multinationale et les raclures qui la font prospérer.
Les vigiles ont mis trop de temps à capter ce qui se passait et avant qu’on parte discrètement, volèrent au milieu de la salle plusieurs exemplaires d’un tract :
La Commission Nationale du Débat Public….
Voilà un bel exemple de comment la domination d’aujourd’hui préfère procéder, une spécialité toute particulièrement appréciée dans la grrrande République française, berceau du « débat public » à tout va.
Cela peut nous rappeler le « débat public » autour de l’introduction des organismes génétiquement modifiés il y a plus de deux décennies. Décriés comme de la « nourriture Frankenstein », les OGM s’étaient heurtés à de nombreux fauchages de champs expérimentaux et aux sabotages de laboratoires. Il n’y avait rien à marchander, rien à négocier : non, c’est non. Heureusement qu’il y avait ce « débat public », permettant à toutes les stars de la contestation de s’exprimer, parfois en face à face, avec les défenseurs des OGM.
C’était beau, c’était « vachement intéressant » et c’était nul : de la poudre aux yeux, de la confusion, du démocratisme appliqué à bonnes doses aux naïfs et aux aspirants gestionnaires. Le « débat public », c’est l’autre versant de la répression des condés, le désamorçage de tout conflit réel et vivant, de l’hostilité irréductible.
On peut s’attendre à ce que certains se prêtent à ce jeu et multiplient les initiatives pour que s’installe un « débat citoyen » pour déterminer quel degré d’exposition aux ondes serait acceptable, comment faire confluer l’agriculture bio avec un téléguidage smart, pour inscrire le droit à la grève digitale dans le Code du travail. Ils seront, consciemment ou inconsciemment, les hérauts de la restructuration technologie en cours. Ils joueront un rôle encore plus néfaste dans le désamorçage de l’hostilité sourde et croissante contre ce monde infesté d’antennes, de portables, de fibres optiques, signe du naufrage physique, mental et sensible de l’humanité telle qu’on croyait la connaître.
Nous n’avons cure d’un quelconque « débat », cela fait des années que nous discutons, approfondissons, partageons, confrontons pour comprendre ce monde. Nous n’avons cure d’aucun « débat public », car cela fait des années que nous fuyons le public, l’arène de la politique, pour nous retrouver à échelle humaine, tête à tête, face à face, bien loin des médiations des partis, syndicats, institutions, médias. Nous n’avons cure d’aucune urgence de « débat », car cela fait des années que nous essayons de choisir nous-mêmes les échéances de nos hostilités, de nos réflexions, de nos attaques, réalisant ainsi une autonomie de pensée et d’action que l’État craint peut-être plus que tout … C’est de la poudre de perlimpinpin
Solidarité avec celleux qui se bougent contre l’extractivisme, et merci d’avoir fait passer l’info !
Abandonné en 2022 après un important mouvement de contestation, le projet de mine de lithium de Jadar, dans le sud-ouest de ce pays des Balkans, vient d’être remis sur les rails par le président nationaliste Aleksandar Vucic. Les défenseurs de l’environnement promettent de se remobiliser.
Le gouvernement serbe avait officiellement annoncé en janvier 2022 « la fin » du projet et la révocation de toutes les licences accordées au géant minier anglo-australien Rio Tinto pour ouvrir sur le territoire de ce pays des Balkans l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe. Mais, surprise, dimanche 16 juin, le président et homme fort de la Serbie, Aleksandar Vucic, a annoncé dans les colonnes du quotidien financier britannique Financial Times la relance de ce gigantesque projet minier visant à produire 58 000 tonnes de lithium par an.
Un volume suffisant pour « fournir 17 % de la production européenne annuelle de véhicule électrique », vante M. Vucic dans cette interview en justifiant son retournement deux ans et demi après son annonce d’annulation par de « nouvelles garanties » qui auraient été apportées par Rio Tinto pour rassurer l’opinion publique serbe, fortement opposée à la mine. Ce brusque changement de pied devrait soulager l’Union européenne (UE), qui essaie désespérément de sécuriser ses sources d’approvisionnement de ce minerai crucial pour la transition écologique.
Situé dans le sud-ouest de ce pays candidat à l’adhésion à l’UE, le filon de Jadar est en effet considéré depuis longtemps comme un des plus prometteurs du Vieux Continent. Mais, en 2022, M. Vucic, dirigeant nationaliste qui adore jouer avec les intérêts géopolitiques des grandes puissances, avait reculé face aux inquiétudes environnementales exprimées par les dizaines de milliers de Serbes descendus à plusieurs reprises dans la rue contre ce projet de mine.
Avec sa longue histoire d’atteintes environnementales, Rio Tinto n’avait pas réussi à rassurer sur sa capacité à préserver la qualité de l’eau de la rivière Jadar. A quoi il faut ajouter le rejet atavique de tout projet venu de l’Occident de la part du fort courant prorusse dans l’opinion serbe.
Pression des diplomates européens
« Rio Tinto n’a absolument pas fourni suffisamment d’informations aux citoyens ou au gouvernement serbe », avait fustigé la première ministre de l’époque, Ana Brnabic, une alliée de M. Vucic, en regrettant l’opacité de l’entreprise anglo-australienne. Désormais présidente du Parlement, celle-ci soutient pourtant à nouveau le projet et a promis d’organiser un débat entre les députés dans les prochains jours. Selon le Financial Times, M. Vucic compte organiser une rencontre avec tous les acteurs du projet minier « le mois prochain [en juillet] » à Belgrade avec pour objectif un début des activités « en 2028 », soit deux ans de retard sur le calendrier initial.
Si la relance du projet s’annonce aussi facile, c’est qu’en réalité il n’avait pas été totalement enterré, en dépit des annonces. Depuis 2022, Rio Tinto avait notamment continué d’acquérir des terres dans la région de Loznica, où la mine devrait avoir, en tout, une emprise de près de 400 hectares. Les diplomates européens – à commencer par les Allemands très inquiets pour l’approvisionnement de leur puissante industrie automobile – continuaient aussi discrètement à faire pression en coulisses sur la Serbie pour qu’elle revienne sur sa décision en promettant en contrepartie d’installer sur son territoire plusieurs activités liées à la mobilité électrique.
Après avoir largement gagné les élections législatives et locales qu’il a organisées respectivement fin décembre 2023 et début juin face à une opposition très remontée contre le projet de Rio Tinto mais aussi très faible et très divisée, M. Vucic a les mains libres pour faire accepter son changement de position aux 6 millions de Serbes au nom d’un impact économique considérable. Rio Tinto promet d’investir plus de 2,5 milliards d’euros et de créer plus de 1 300 emplois directs en Serbie. Les autorités serbes estiment que la mine va permettre à elle seule une hausse du produit intérieur brut de plus de 10 milliards d’euros par an.
Eau de pluie « collectée et traitée »
Dans ce qui ressemble à un effet d’annonce savamment orchestré, Rio Tinto avait publié, jeudi 13 juin, ses études d’impact environnemental préliminaires, longtemps gardées secrètes. Au fil de centaines de pages, Rio Tinto promet notamment aux populations locales de « respecter tous les standards européens » et d’« empêcher les infiltrations » d’eaux polluées dans le sol tandis que « l’eau de pluie qui aura été en contact avec le déchet sera collectée et traitée ». L’entreprise anglo-australienne a de nouveau vanté dimanche un projet « qui a le potentiel pour devenir un actif de classe mondiale ».
Les opposants au projet ont en revanche fustigé ce retournement. « Vucic peut dire ce qu’il veut, mais si tous les permis dont disposait Rio Tinto ont expiré, sur la base de quel acte juridique présente-t-elle au public son projet d’étude d’impact environnemental ? », s’est exclamé le parti d’opposition Soulèvement écologique qui avait émergé dans la politique serbe en 2021 et 2022 à l’occasion du mouvement anti-lithium.
« Je suis sûr que les citoyens serbes vont arrêter ce projet destructeur pour notre environnement », assure aussi Savo Manojlovic, un autre opposant qui s’était fait connaître en organisant des manifestations à l’époque contre la mine. Candidat aux élections municipales de Belgrade le 2 juin, il a toutefois été largement battu par le candidat du pouvoir.
Publié dansContre les mines, Luttes internationales|Commentaires fermés sur La Serbie relance un projet controversé de mine de lithium avec le géant Rio Tinto
Dans le département de l’Allier, l’entreprise Imerys projette d’ouvrir une mine et des installations industrielles pour exploiter un important gisement de lithium. Cette première mine de lithium en France permettrait de fournir de quoi produire l’équivalent de 700 000 batteries de voitures électriques chaque année.
Compte tenu de la nouveauté de ce projet et de ses potentiels impacts environnementaux et socio-économiques, la Commission nationale du débat public (CNDP) a décidé d’organiser un grand débat public, du 11 mars au 7 juillet 2024. Informez-vous et donnez votre avis !
Calendrier du débat
20 juin 2024
Et après le débat ? La vie du projet et l’après-mine – Echassières
22 juin 2024
Approfondissement des sujets du débat – Montluçon
26 juin 2024
Les impacts sur l’eau / Vos questions – Visioconférence
Si la France n’est plus vraiment un pays minier à proprement parler, elle n’est pas exempte de toute activité minière, loin de là : nombreuses exploitations aurifères en Guyane et nickélifères en Nouvelle-Calédonie, exploitations encore en activité en Métropole, récents permis d’exploration attribués… C’est dans ce contexte que SystExt a jugé utile de recenser et de compiler toutes les informations disponibles en lien avec l’activité minière en France sur un nouvel outil : Panoramine.
Les informations qui ont permis de réaliser cet outil proviennent de sources officielles et accessibles au public.
Il est à noter que les supports mis à disposition par les services de l’Etat français sont souvent peu ergonomiques et difficilement exploitables, rendant complexes les travaux de recueil d’informations et de cartographie. C’est donc dans la mesure du possible que SystExt a repris les coordonnées des limites des titres miniers (qu’ils soient en cours d’étude ou octroyés). Nous avons cherché à représenter le plus fidèlement possible leur emprise en surface. En complément des noms des sociétés officiellement en activité, ceux des sociétés-mères associées (pour beaucoup basées à l’étranger) ont été mentionnés lorsque possible.
Par ailleurs, bien qu’autonomes politiquement et souveraines en matière de ressources naturelles, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française restent rattachées à l’Outre-Mer français. Ainsi, elles ont logiquement été intégrées à cette carte.
Ce panorama minier interactif se donne pour objectif de permettre à tout citoyen de disposer d’un état des lieux actualisé de la réalité de l’activité minière en France.
Publié dansContre les mines|Commentaires fermés sur Panoramine : la carte de l’activité minière en France
Malgré le volontarisme des autorités coloniales françaises, qui annoncent jour après jour à grand renfort de communiqués un retour à la normale, la situation en Nouvelle-Calédonie est loin d’être réglée quatre semaines après le déclenchement de l’insurrection d’une partie de la jeunesse kanak. Et certains signes ne trompent pas, comme le maintien du couvre-feu (18h-6h) au moins jusqu’au 17 juin, la réquisition de stations-service à destination exclusive des flics et militaires qui vient seulement d’être levée le 8 juin, ou encore le fait que l’aéroport international de La Tontouta reste fermé « jusqu’à nouvel ordre ». Seul l’aérodrome de Magenta est de nouveau ouvert aux vols commerciaux depuis le 5 juin, soit aux vols internes à la Nouvelle-Calédonie vers Lifou, Ouvéa et Maré, et près de 500 touristes français sont ainsi toujours bloqués sur l’île depuis trois semaines. Quant au Nord de la Nouvelle-Calédonie, c’est l’armée qui se charge directement de l’approvisionnement (et donc du rationnement et des priorités) des magasins, en gérant les containers qui arrivent par barge jusqu’à Koné.
A l’heure actuelle, malgré la pression des 3500 flics et militaires envoyés sur place, une partie des barrages sont encore remis en place par des insurgés kanak après leur démantèlement, dans les quartiers de Nouméa ou le long de la route de 50 kilomètres qui mène à l’aéroport, sans oublier parfois de les piéger avec des bonbonnes de gaz ou même de préparer quelques surprises-maison pour les bleus : le 4 juin à Dumbéa, un gendarme est par exemple tombé au fond d’une bouche d’égout, en marchant sur des branchages placés dessus afin d’en masquer l’ouverture. « D’une profondeur de 1m20, des fers à béton de 2 mm de diamètre avaient été positionnés au fond à la verticale pour créer des pieux. Le gendarme s’est empalé au niveau d’une jambe et un pieu métallique s’est infiltré entre le gilet pare-balles et le gilet de corps qui a été percé mais sans pénétration, grâce à la plaque en kevlar ».
Au total, sur cet archipel de 270 000 habitants, ce sont 212 policiers et gendarmes qui ont été blessés depuis le 13 mai, mais aussi un nombre important de Kanak que les autorités se refusent officiellement à comptabiliser, mais dont on sait qu’il est important et de façon parfois très grave : plusieurs insurgés ont perdu un œil ou ont les os du visage fracassés suite à des tirs policiers de flash ball, d’autres présentent des blessures par balles et sont dans le coma.
Gendarmes assassins
Deux exemples récents : le 29 mai à Dumbéa vers 20h, lors de l’attaque d’un barrage par les flics, ces derniers essuient de nombreux jets de pierre mais aussi un tir de fusil. Le GIGN réplique et tire six fois « vers » le tireur. Un insurgé est grièvement blessé : « En dépit d’une intervention chirurgicale, son pronostic vital est toujours engagé, les constatations médico-légales faisant état de la présence de deux projectiles, l’un au niveau du thorax et l’autre à l’épaule ».
Puis le 3 juin vers 16h au col de la Pirogue, au niveau du barrage de la tribu de Saint-Laurent, sur la route stratégique menant à l’aéroport international, les gendarmes ouvrent le feu sur des insurgés kanak (qui d’après les pandores auraient d’abord tiré sur leur véhicule) : l’un se prend une balle dans l’épaule, et un autre dans la tête. On a appris samedi 8 juin que ce dernier, Lionel Païta, était décédé à l’hôpital, portant à huit le nombre de morts sur le territoire (cinq Kanak dont deux originaires de Canala, une de Maré, un de Poindimié, un de Païta / un caldoche à Kaala-Gomen qui avait tiré contre un barrage / deux gendarmes, dont un tué par un collègue).
Inutile de dire que dans une telle situation, de folles rumeurs tournent sur le nombre de « disparus » bien au-delà des 8 morts officiels (voir ici), tandis que les prisons de Nouméa et de Koné se remplissent à ras bord et que des prisonniers Kanak sont déportés en Polynésie et à Fresnes (voir là), le bilan officiel annonce 726 gardes à vue, 115 renvois devant le tribunal et 60 mandats de dépôts depuis le 13 mai.
L’industrie du nickel
Pour le dire rapidement, la Nouvelle-Calédonie possède un quart des réserves mondiales de nickel, exploitées dans des mines à ciel ouvert, pour alimenter trois usines de transformation pyrométallurgiques. Les deux premières produisent du ferronickel, un mélange de qualité moindre qui sert à l’acier inoxydable, et la troisième du nickel de qualité batteries (destiné essentiellement à Tesla depuis 2021).
La première usine (Koniambo Nickel, KNS), celle aux mains des indépendantistes kanak dans le nord, est à l’arrêt depuis février 2024 et le retrait de son actionnaire de référence, le géant suisse du négoce des matières premières Glencore. L’activité est depuis uniquement concentrée sur le maintien de l’intégrité des fours (si le four d’une usine métallurgique s’arrête en n’étant plus alimenté en minerai ou en électricité, non seulement cela peut l’endommager définitivement si l’arrêt est brusque, mais il faut aussi des mois pour le redémarrer).
La seconde usine, celle historique de la SLN fondée en 1880 (Société Le Nickel, propriété à 56% du groupe français Eramet, lui même détenu à 27% par l’État français) située à Doniambo, était déjà en cessation de paiement avant l’insurrection, et maintenue artificiellement en vie grâce un prêt de l’État de 60 millions d’euros en février dernier. De plus, Eramet souhaite elle aussi se débarrasser de ses activités de métallurgie en Nouvelle-Calédonie, notamment depuis qu’elle exploite la plus grosse mine de nickel au monde de Weda Bay, sur l’île d’Halmahera (Indonésie) au beau milieu de forêts primaires, et qu’elle vient d’obtenir de gigantesques concessions d’extraction de lithium au Chili et en Argentine. En Kanaky, avec l’ensemble des cinq sites miniers qui l’approvisionnaient bloqués depuis quatre semaines, tandis que son stock de minerai a fini par s’épuiser, sans parler des émeutes qui se déroulaient à quelques centaines de mètres de son usine, c’est elle qui est l’objet de plusieurs opérations contre-insurrectionnelles de l’État français.
Quant à la troisième usine, dite du Sud et située à Goro, propriété du consortium Prony Resources, elle est également en cessation de paiement, et ne survit que grâce à un prêt de l’Etat français de 140 millions d’euros accordé en mars. Son actionnaire de référence, le négociant suisse Trafigura, souhaite revendre ses parts depuis des mois, et le fameux « contrat du siècle » signé en 2021 avec Tesla est bien loin déjà. Comme pour la SLN, les activités de Prony Resources sur mine comme à l’usine sont arrêtées depuis le début de l’insurrection, même si son procédé hydro-métallurgique est différent de celui des deux autres usines de l’archipel.
Au fond de cette insurrection de la jeunesse kanak, en plus de la colonisation, du racisme, de l’humiliation et de la galère, se trouve donc également l’enjeu du nickel, dont les usines pyrométallurgiques qui fournissent toute la richesse artificielle de l’île (90 % des exportations de l’archipel et 25% des emplois) étaient déjà quasiment en faillite ou en stand by avant le soulèvement. Ce qui concerne d’ailleurs l’ensemble des trois principales forces en présence sur l’archipel, avec l’usine du Nord (kanak), du Sud (loyaliste) ou de l’Etat (SLN). En dix ans, l’Indonésie est en effet passée de 0 à 55 % de la production mondiale de nickel (contre actuellement 5 % pour la Nouvelle-Calédonie) avec des capitaux chinois, ce qui a fait s’effondrer les cours de près de 43% rien qu’en 2023, grâce à une main d’œuvre et un prix de l’électricité aux coûts imbattables.
Face à cela, l’Etat tente depuis des mois de redresser une colonie qu’il ne veut lâcher à aucun prix, en tentant de négocier avec le gouvernement calédonien (composé des partis loyalistes comme indépendantistes, et dirigés par ces derniers) un « Pacte nickel » à 200 millions d’euros de subventions sur le coût de l’énergie, avec pour contrepartie que les usines s’engageraient à fournir en priorité le marché européen des batteries pour véhicules électriques ; que ce gouvernement local augmente fortement les impôts ; qu’il autorise l’exportation de beaucoup plus de minerai brut ; et qu’il restitue provisoirement la compétence du code minier à l’État.
En somme, ce « Pacte nickel » qui a connu huit moutures depuis novembre 2023 et n’est toujours pas signé, est un projet visant à intensifier l’extractivisme du nickel à destination de la métropole, qui transformerait la Kanaky en un territoire purement minier, définitivement enchâssé dans un cadre néo-colonial. A l’inverse des fameux accords de Nouméa de 1998, censés acheter la paix sociale, et qui prévoyaient d’utiliser la rente minière pour favoriser le développement de la Nouvelle-Calédonie jusqu’à sa possible indépendance (d’où les trois référendums sur cette dernière de 2019 à 2021, la cession de mines et d’une usine à la bourgeoisie kanak, et la création d’un gouvernement local).
Le « Pacte nickel » vient donc heurter à la fois les politiciens kanak qui misaient sur cette ressource pour fonder leur indépendance économique (en mode “L’Etat veut nous voler notre nickel”), à la fois la jeunesse kanak urbanisée qui dénonçait déjà les politiciens corrompus et qui ne voit jamais la couleur de tout le fric déversé sur l’archipel, ou encore les collectifs de kanak en tribu qui constatent de plus en plus les ravages engendrés par l’intensification de l’extractivisme (sur la pollution des rivières, la santé ou les glissements de terrain), et commencent à prôner une indépendance qui chasserait l’État français mais aussi les mines.
On comprend dès lors pourquoi le vote au Sénat le 2 avril puis à l’Assemblée le 15 mai du dégel du corps électoral néo-calédonien (bloqué depuis 1998), ayant pour conséquence de pérenniser numériquement la colonisation de l’archipel, a pu être l’étincelle d’une insurrection qui a dévasté méthodiquement commerces et industries de la capitale de l’île. Détruisant 570 entreprises et provoquant plus de 1,5 milliard d’euros de dégâts directs, selon le dernier bilan du haut-commissaire (préfet) Louis Le Franc, rendu public le 7 juin.
Les politiciens kanak perdent le contrôle et appellent en vain au calme
Lorsque la situation a explosé le lundi 13 mai à l’occasion du blocage du grand Nouméa, après six mois de mobilisations contre le dégel du corps électoral (dont des manifestations de 3000 personnes fin novembre, 5000 le 25 février, 15 000 le 28 mars et 60 000 personnes le 13 avril), les politiciens kanak ont rapidement perdu tout contrôle, et ont non seulement appelé au calme, mais aussi condamné les actes des insurgé.es.
Face aux groupes de jeunes kanak mobiles, autonomes, pilleurs et destructeurs, c’est au nom de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) que Christian Tein a lancé un appel au calme dès le 14 mai sur la radio indépendantiste Radio Djido : «J’en appelle à l’ensemble de nos jeunes de lever le pied. De rester là où ils sont, sur les bords [de route], organisés, structurés.La CCAT n’a jamais appelé à piller les magasins », tout en sollicitant également les parents pour «ne pas laisser [les jeunes] partir dans tous les sens. » Une ligne qui ne variera pas, si bien que le 15 mai dans un communiqué, cette cellule précisera « notre combat pour la Kanaky libre sera long et semé d’embûches, aussi la CCAT appelle tous les citoyens mobilisés sur le terrain à l’apaisement et au respect des consignes », et idem le 31 mai où elle ajoutera encore que « la CCAT n’a jamais appelé à la violence, au saccage ou à nuire aux personnes… [Elle] ne cautionne pas les actes de vandalisme. Ces actes ne doivent pas ternir notre lutte pour le bien de tous les citoyens du Kanaky. »
Mais revenons au 14 mai, puisque ce même jour Daniel Goa, président du principal parti indépendantiste du FLNKS, l’Union calédonienne (UC, par ailleurs à l’origine de la création de la CCAT en novembre 2023), a également publié son communiqué, dans lequel il appelait « notre jeunesse à garder son calme, à faire preuve de patience et à cesser toutes exactions, tous pillages qui ne nous honorent pas. Ce n’est pas cela la dignité et la liberté… Les pillages orchestrés cette nuit sont notre déshonneur et ne servent aucunement notre cause et notre combat, au pire ils le retardent… Ce n’est pas cela le visage d’un Kanak. Nous ne volons pas chez nous, nous sommes dignes. A tous les chefs d’entreprise touchés dans leur chair, leurs biens, leurs projets de faire vivre le Pays, je leur apporte notre entier soutien, toute notre compassion et notre grande désapprobation. Les outils de travail doivent être sanctuarisés.»
Le 14 mai également, Louis Mapou, membre du deuxième principal parti indépendantiste du FLNKS, le Palika (Parti de libération kanak), et président du gouvernement local de la Nouvelle-Calédonie depuis 2021, a lui aussi appelé dans un communiqué «au calme et à la raison », ajoutant que «toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d’hypothéquer l’avenir. »
Enfin, rajoutons que même les autorités kanak traditionnelles s’y sont alors mises en vain, comme le Sénat coutumier présidé par Victor Gogny, qui sortait son communiqué solennel, dans lequel il enjoignait qu’ «il est impératif que la jeunesse fasse preuve de retenue et de civisme, et privilégie le dialogue et la concertation pour exprimer ses revendications et ses aspirations légitimes. » Vite rejoint d’ailleurs par le Conseil national des chefs (Inaat ne Kanaky, créé en 2022), toujours le 14 mai au lendemain de la première nuit insurrectionnelle, venu à son tour « appelle[r] la jeunesse au calme, à la sagesse et au respect des consignes données par les responsables ».
Et pour conclure, c’est directement le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) qui a sorti le 15 mai sa propre position sur l’insurrection en cours, qui est pour le moins explicite sur son rôle de co-gestionnaire de la colonie depuis les accords de Matignon (1988) puis de Nouméa (1998) : « Le FLNKS, engagé dans le développement économique et social du Pays déplore les actions perpétrées contre les entreprises et apporte son soutien aux chefs d’entreprises et salariés impactés… Il appelle à la levée des barrages pour permettre le libre accès de la population aux produits, services et besoins de premières nécessités. Cet appel est également adressé à l’ensemble des autorités politiques, coutumières de ce pays afin que chacun là où il est, contribue à ramener la sérénité et le calme auprès de nos populations. » Une demande entendue par des membres du CCAT qui faute d’avion pour pouvoir rentrer au pays, tenaient ce même 15 mai un meeting au CICP de Paris, lors duquel Romuald Pidjot, secrétaire adjoint de l’Union calédonienne, a précisé que « le rôle de la CCAT sera d’essayer de calmer ces jeunes, mais on aura besoin de l’aide de l’État », tandis que Rock Haocas (responsable du syndicat USTKE et coordinateur général du Parti travailliste, l’autre grande composante du CCAT) ne pouvait que déplorer : « La guerre urbaine, ce n’est pas ce qu’on a voulu, mais les jeunes sont arrivés à un stade qu’on ne contrôle plus. On est dans une phase de rupture, et ce n’est pas faute d’avoir averti ».
Saboter l’industrie du nickel
Depuis le début de l’insurrection, on pouvait légitimement se demander ce qu’il en était de la situation des mines et usines de nickel en matière de sabotages (ou pas). En dehors de la capitale Nouméa, constellée de barrages, de pillages et d’incendies provoqués par de jeunes insurgé.es kanak, qu’en était-il par exemple « en brousse » et « en tribu », où vit la moitié de la population kanak ? Même si on se doute bien que les informations ont du mal à filtrer, il semble que ce soient principalement les structures minières de la SLN (soit de l’Etat) qui aient été attaquées, mais aussi celle de Prony Resources (soit l’usine du Sud des loyalistes) :
à Thio, sur la côte Est, le convoyeur à bandes (sorte de tapis roulant) de la mine de nickel qui permet de charger les minéraliers au bord de mer a été endommagé. Les mines du Plateau et du Camp des Sapins ont également été attaquées, avec des pillages et des destructions.
à Kouaoua, toujours sur la côte Est, le convoyeur du minerai jusqu’au quai de chargement de la baie, nommé « la serpentine » et long de 11 kilomètres, avait subi son douzième incendie en dix jours, le 1er juin dernier.
à Népoui, un village situé au centre de la côte Ouest, un minéralier est arrivé le 2 juin de toute urgence, afin de charger 19 000 tonnes de nickel à ramener illico vers Nouméa, afin d’approvisionner l’usine SLN de Doniambo qui avait fini ses trois semaines de stocks, et risquait que ses fours soient « irrémédiablement endommagés ». Sauf que patatras, au beau milieu de la nuit une partie du convoyeur a été incendié, touchant une centaine de mètres du tapis-roulant. Résultat, le minéralier chargé est arrivé à bon port avec un jour de retard (le 4 juin), sachant que l’usine de Doniambo a désormais besoin de recevoir un tel bateau tous les trois à quatre jours pour fonctionner. Depuis, la SLN a envoyé un second minéralier, mais cette fois beaucoup plus au nord (du côté de la mine de Tiébaghi, à Koumac), en souhaitant que les jeunes kanak lui soient moins hostiles.
à Houaïlou, un village de la côte Est, le Centre de Formation aux Techniques de la Mine et des Carrières (CFTMC) situé sur la mine de Poro, a été réduit à néant : « Tous les outils de formation, engins miniers, salles de cours, simulateurs de conduite ont été saccagés, vandalisés et brûlés. » Il formait les jeunes souhaitant travailler dans le secteur minier.
à Nouméa, dès le 9 mai vers 4h du matin, le vigile positionné sur le quai avait été calmé par des inconnus, avant que les amarres du ferry Prony Express dédié au transport des employés de l’usine Prony Resources ne soient sectionnées. La vedette maritime était alors partie à la dérive. Puis à Goro, situé au sud de l’île à 1h30 en voiture de la capitale, le 23 mai c’est directement l’usine de Prony Resources qui a été attaquée et a perdu deux véhicules. Depuis, elle est gardée jour et nuit par 35 vigiles du groupe de sécurité privée Erys, mais le complexe industriel et minier est encore loin de pouvoir redémarrer, et a même déclenché le 7 juin son « Plan particulier d’intervention » (PPI), un programme visant à renforcer sa sécurité face aux menaces extérieures. En l’occurrence, « les perturbations actuelles nous ont contraints à arrêter nos opérations. Nous faisons face à une interruption de l’approvisionnement en eau brute depuis le lac de Yaté mais également, depuis le 4 juin, nous ne sommes plus alimentés en électricité » a détaillé le géant industriel il y a quelques jours, sans oser parler de sabotages…
Pour qu’une insurrection ne meure pas, elle a par exemple besoin d’approfondir et de dépasser ses contradictions internes, mais aussi d’oxygène, de beaucoup d’oxygène. A chacun.e, ici, au sein de la métropole coloniale française qui est en train d’écraser les insurgé.es kanak qui n’ont pas encore baissé les bras (ni les armes), de lui en donner un maximum. Par solidarité, ou tout simplement par haine de son propre Etat…
[Synthèse de la presse locale et pas que, 8 juin 2024]
Rejoignez-nous le 9 avril à la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la mine de lithium à Échassière pour s’opposer au projet de construction de cette mine ! Rendez-vous mardi 9 avril à 18h15 à la Maison des Associations de Solidarité au 10 rue des Terres au curé, 13e arr.
Le mardi 9 avril à Paris aura lieu un débat public sur le «lithium, la transition énergétique et la souveraineté». La mine de lithium à Échassière est un projet de l’entreprise d’extraction minière Imerys annoncée en 2022 pour une mise en activité en 2028. Elle aura de grandes conséquences négatives sur l’environnement et pour les habitant.es : l’extraction de lithium requiert beaucoup d’eau douce et l’utilisation de produits chimiques. L’eau utilisée pour l’extraction est la même que celle consommée par les habitant.es qui va donc diminuer de plus en plus et sera contaminée par les produits chimiques. Le problème du manque d’eau est un enjeu mondial depuis de nombreuses années, tout comme en Argentine, au Chili et en Bolivie où des lacs de sel sont détruits pour extraire du lithium et de nombreuses personnes sont obligées de quitter leur lieu d’habitation par manque d’eau. La mine à Echassière prévoit l’extraction de 34 000 tones de lithium pour produire la batterie de 700 000 SUV par an pendant 25 ans : En a-t-on vraiment besoin?
Début mars 2024, l’État lance une commission nationale du débat public qui aurait pour objectif de demander l’avis des habitant.es sur la construction de la mine. Cette CNDP fait semblant de demander l’avis aux habitant.es, en effet le projet avance bien depuis 2 ans et cela sans l’avis ou l’accord de qui que ce soit. Nous savons que ce débat est hypocrite et que l’avis des habitant.es ne sera pas écouté. En effet, déjà plusieurs collectifs d’habitant.es s’organisent contre cette mine depuis 1 an et ils ne sont pas écoutés. Cette commission est mensongère, une publicité très importante est faite par l’État pour montrer qu’ils sont à l’écoute des habitant.es simplement pour se donner une bonne image. On voit bien que les personnes concernées qui s’opposent au projet sont ignorées. Enfin, la questionne de la souveraineté est abordée à Paris, dans la capitale, cela montre bien le mépris de ce projet qui considère que les habitant.es de sont pas capables de décider ce qui est mieux pour elles.eux et pour leurs terres !
C’est pour ces raisons que nous devons être un maximum présent.es lors de cette commission du mardi 9 avril à Paris pour montrer que de nombreuses personnes s’opposent au projet, que la voix des collectifs et habitant.es en lutte existe et ne va être étouffée, qu’on est fort.e et qu’on ne lâchera pas jusqu’à l’abandon du projet !
Pour discuter, on propose un pré rendez-vous avec les camarades de l’Allier à 18h15 devant pour les personnes qui ont pu s’inscrire, celles qui n’ont pas pu ou qui n’ont pas voulu.
Heure du début de la commission : 19h. Adresse : Maison des Associations de Solidarité, 10 rue des Terres au curé 75013 Paris.
Publié dansAgitation, Enquête publique, Perturbation|Commentaires fermés sur Invitation à s’opposer à la construction de la mine pendant la Commission nationale du débat public à Paris
Il y a un an, le gouvernement a annoncé l’ouverture, dans l’Allier, de la plus grande mine de lithium d’Europe. D’après un rapport inédit révélé par Disclose et Investigate Europe, le secteur, fortement contaminé à l’arsenic et au plomb, présente « un risque significatif pour l’environnement et la santé humaine ». Une véritable bombe à retardement passée sous silence par les autorités.
Roger Konaté est très fier de son système de pompage « fait maison ». D’un geste de la main, il désigne un tuyau qui, dans un imbroglio rafistolé, plonge dans le sol de son atelier pour rejoindre la source voisine. Pratique : de l’eau à volonté pour boire, se laver, arroser, abreuver sa chienne et ses chats. Il y a 10 ans, après la faillite de sa société de sécurité, le Marseillais de 56 ans a racheté « la maison, le ruisseau, le terrain pour 10 000 euros ! » Un bon plan trouvé sur le site de petites annonces, Viva street.
L’ancien patron fait la visite de son petit paradis avec le ravissement de ceux qui ont tout rénové de leurs mains. Autour de l’homme d’un mètre quatre-vingt-dix, des arbres, le bruit de l’eau et une végétation qui couvre des vestiges de l’ancien site minier du Mazet. Pendant plusieurs décennies, c’est ici, sur la commune d’Échassières, à la frontière de l’Allier et du Puy-de-Dôme, entre Montluçon et Clermont Ferrand, que les mineurs concassaient et nettoyaient le minerais. En 1962, à la faveur d’une baisse des cours, la mine a fermé, rejoignant environ 3 000 autres sites français. Une fois les galeries bouchées, les propriétaires sont partis, laissant les clefs à l’État. Ni l’un ni l’autre n’a pris la peine de dépolluer les lieux.
La fièvre du lithium
Il y a un an, la commune d’Échassières, 400 habitant·es, a fait la Une de la presse. Le 24 octobre 2022, Imerys, le géant français de l’extraction, a annoncé l’ouverture prochaine de la plus grande mine de lithium d’Europe. L’extraction du lithium, prévue pour 2028, devrait permettre de fournir 700 000 batteries aux futures voitures électriques 100 % made in France, et créer 1 000 emplois directs et indirects, selon l’entreprise. Ce projet titanesque est baptisé Emili pour « Exploitation de Mica Lithinifère par Imerys ».
Le jour même, le gouvernement a emboîté le pas. Emili serait le premier jalon de sa politique de transition vers les énergies renouvelables. Soutenu financièrement par l’État, le projet serait « exemplaire sur le plan environnemental et climatique », selon le ministre de l’économie Bruno Le Maire. « Le lithium sera extrait de manière responsable », promettait la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Mais jusqu’à aujourd’hui, un élément est resté hors des radars : l’extrême pollution du secteur où se trouve le permis d’exploration attribué à Imerys. À cet endroit, à cause de l’activité minière passée, les sols et les eaux sont contaminés à l’arsenic et au plomb. Jusqu’à plus de dix fois les seuils de risque, comme le révèle un rapport alarmant déterré par Disclose et Investigate Europe (IE).
Une concentration en arsenic sept fois supérieure au seuil
Ce rapport inédit a été rédigé en 2018 par Geoderis, le bureau d’expertise public spécialisé dans l’après-mine. D’après ses conclusions, le secteur où Imerys explore actuellement les sous-sols est classé « E », le plus haut niveau de pollution minière du pays. Emili repose donc sur une bombe toxique « susceptible de présenter un risque très significatif pour la santé humaine et l’environnement », alerte Geoderis. Pourtant, trois ans après la publication du rapport, en 2021, le permis d’exploration d’Imerys a été renouvelé par Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée à l’industrie. Contacté, le ministère de la transition énergétique, qu’elle dirige aujourd’hui, n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Dans le bourg d’Échassières, les habitant·es que nous avons interrogé·es assurent n’avoir jamais été informé·es des pollutions aux métaux lourds. Ni par la préfecture de l’Allier, ni par le maire, Frédéric Dalaigre, qui a salué l’annonce du projet dans la presse, mais qui a refusé de répondre à nos questions.
« Personne ne m’a jamais dit que mon terrain était pollué, témoigne Roger Konaté. Il y a bien un agent qui est venu faire des prélèvements il y a quelques années, mais je n’ai plus jamais eu de nouvelles ensuite ». Geoderis a pourtant considéré que son terrain était fortement contaminé aux métaux lourds tels que le tungstène, le lithium, le plomb, le zinc, le cuivre et l’arsenic.
D’après les auteurs du rapport, la concentration en arsenic chez Roger Konaté serait de 190mg/kg*. Soit plus de sept fois le seuil de risque prévu par la Haute autorité de santé (HAS). Au-delà des limites fixées, l’institution recommande « aux médecins de prescrire un dépistage ». Outre le cancer de la peau, « l’exposition prolongée » à l’arsenic peut « provoquer des cancers de la vessie et des poumons », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour le plomb, les taux de contamination sur la propriété de Roger Konaté, ont été estimés deux fois supérieurs « aux valeurs d’alertes proposées par le Haut conseil de la santé publique ». Les experts de Geoderis recommandent, là-aussi, un dépistage. De fait, « le plomb a des effets délétères à long terme chez l’adulte, notamment l’augmentation du risque d’hypertension artérielle, de problèmes cardiovasculaires et de lésions rénales », constate l’OMS.
« La préfecture ne nous a jamais demandé d’avertir la population »
Le maire de Nades (Allier)Un peu plus loin, à Nades, un hameau de 150 habitant·es, les experts se sont notamment arrêtés sur la propriété de la famille C., avec jardin, trampoline et balançoire. Deux enfants âgés de 8 et 10 ans vivaient là au moment de l’enquête publique. Selon les recommandations de Geoderis, leurs parents auraient dû être prévenus immédiatement afin qu’ils puissent prendre des mesures, comme le lavage soigné des mains. Pour cause : les enfants représentent la catégorie de la population la plus sensible à l’exposition aux métaux lourds. Contactée par différents moyens, la famille C. n’a pas retourné nos demandes d’entretien. Mais le maire de Nades, Henri-Claude Buvat, joint par téléphone, a été très clair : « Nous avons été prévenus des pollutions, mais la préfecture ne nous a jamais demandé d’avertir la population ». Un défaut d’information qui pourrait donner lieu au dépôt d’une plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui par d’éventuelles victimes.
« De toute façon, personne ne vit là », expédie le cabinet de la préfète, Pascale Trimbach. Les quelque 2 000 habitants d’Echassières, de Nades et des villages limitrophes apprécieront.
Notre enquête nous a également conduit au musée Wolframines, qui relate « le monde fascinant des minéraux ». Du moins, c’est ce qu’on peut lire au-dessus de la porte d’entrée, franchie chaque année par des centaines d’enfants en sortie scolaire.
Ce 29 septembre, une dizaine d’écoliers trifouillent dans un monticule de roche blanche. Il s’agit du kaolin issue de la carrière voisine, appartenant à Imerys. Après l’atelier pratique, c’est la pause sandwich sur l’aire de pique-nique attenante au musée. Un terrain « impacté » à l’arsenic, au tungstène et au lithium, relève le rapport de Geoderis. Les experts ont recommandé que soit spécifiée la présence d’un ancien site minier sur place, mais rien n’a été fait. Il n’est pas non plus indiqué, comme le préconise le rapport, la nécessité du lavage des mains des enfants. « Ça ne se bouscule pas énormément dans ce musée », ose la préfecture de l’Allier pour justifier cette absence d’information. La nouvelle campagne d’exploration d’Imerys prévoit treize forages à proximité du musée.
Dérogations successives
Que se passera-t-il si Imerys creuse dans une terre déjà polluée ? Quid des nappes phréatiques ? Ces questions, Nora et Coralie (prénoms d’emprunt), militantes de Stop Mine 03 et Préservons la forêt des Colettes, deux associations locales qui se battent contre l’ouverture de la mine de lithium, se la posent depuis un an. Sans en connaître la réponse.
Nous avons donc soumis la carte des pollutions à Laure Laffont, ingénieure géochimiste de l’université de Toulouse. « Certains points à haute teneur en arsenic et quelques-uns de plomb se situent sur le périmètre d’exploration de la mine de lithium, relève la spécialiste des métaux lourds. Il ne faut pas que ces sols soient en contact avec les eaux souterraines ou qu’ils soient remobilisésdans le cadre de nouvelles entrées de galeries». Comprendre, de nouveaux forages risqueraient de disséminer un peu plus les métaux déjà présents dans les sols. Pour éviter la contamination des eaux, Laure Laffont précise que « les galeries doivent être faites de sorte à ce que l’écoulement des eaux souterraines ne change pas». L’autre risque d’exposition aux métaux toxiques pourrait venir des airs « avec toutes les particules émises lors du forage», selon Clément Evrard, directeur de recherche au CNRS, également consulté par Disclose.
Interrogé, Imerys assure avoir pris en compte « toutes les zones identifiées dans le rapport Geoderis». Selon l’entreprise, « l’exploitation» étant située à « une profondeur d’au moins 50 mètres de la surface et isolée dans un bloc de granit compact (…) la terre ne va pas être remuée ». Elle ajoute que des « études environnementales sont en cours et leurs conclusions seront rendues publiques lors du dépôt du dossier de demande d’autorisation».
Il était temps. Depuis 2021, l’entreprise échappe à toute enquête indépendante. Avant toute campagne de forage, la réglementation impose en effet la réalisation d’une étude pour évaluer l’impact du projet. Mais à trois reprises, en 2021, 2022 et 2023, Imerys en a été dispensée par la préfecture et son service chargé de l’environnement : la DREAL. Certes, l’entreprise a réalisé son propre rapport, mais celui-ci, publié en janvier 2023, n’a pas pris en compte les pollutions pré-existantes. Il laisse même entendre que les forages n’auront aucun impact sur les eaux souterraines : « Aucun périmètre de protection des eaux n’est concerné par le périmètre du [projet d’Imerys]. Actuellement, les eaux sont donc principalement destinées à l’arrosage et servent à abreuver les troupeaux».Des bêtes potentiellement contaminées, elles aussi, tout comme des jardins potagers. Le secteur comprend en effet plusieurs dizaines d’élevages de bovins essentiellement destinés à la vente et l’auto-consommation. Ces animaux doivent absolument éviter certains pâturages contaminés. Des exploitations dont Geoderis recommandait de condamner l’accès il y a six ans déjà.